Par Bernard Vassor
L’EXIL A LONDRES
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Le 3 septembre 1871 Jean Baptiste embarque à Calais sur un petit bateau pour se réfugier en Grande Bretagne. Contraint par les circonstances, l'élu du XVIII° arrondissement risquant la mort à tous moments. c'est à Londres qu'il va continuer sa lutte pour "les damnés de la terre", pour l'égalité et l'émancipation des femmes. Il avait rejoint un cercle d’exilés à Londres, qui tenait ses réunions dans le local du Duke of Yorck. Dans la capitale, les proscrits sont étroitement surveillés par des indicateurs au service de la Préfecture de police française. A Paris, c'est un commissaire de police qui dirige un service de renseignements dont il est le maître absolu, n'ayant de comptes à rendre à personne excepté au seul ministre de la Justice. Un bon nombre d'honorables correspondants sous couvert d'anonymat, transmettent des rapports au mystérieux commissaire Lombard. Ces rapports sont quand même signés, portant un numéro d'agent ou un pseudonyme sibyllin. Clément possède le privilège d'avoir deux cafards attachés à ses basques, l'agent 48, et l'agent numéro 28. Ces délateurs avaient été recrutés parmi les anciens proscrits, certains étant même des élus de la Commune de Paris. L'agent 28 avait réussi à gagner la totale confiance de Clément et se vante d'avoir participé à l'élaboration d'un texte prévu pour une conférence pour le Centre d'études du Cercle de Londres. Le climat entretenu ou pas par les espions versaillais, était très lourd,et la paranoïa (parfois fondée) conduisaient à la suspicion de traîtrise. Deux anciens membres de la Commune se sont accusés mutuellement d'être des dénonciateurs. Chalain un ami très proche de Clément avait été accusé par Bazin d'être une mouche; Chalain en retour le traite d'espion. Clément va conseiller à Chalain de le provoquer en duel. Tout au long de son séjour Londonien, le chansonnier va être un propagandiste acharné de la défense et de l'émancipation des femmes et du prolétariat. Dans l''attente de l'amnistie pleine et entière, il se rend en Belgique où il demeure à Bruxelles rue de l'Amigo. Dans cette ville il donne une conférence en septembre 1879 à tendance résolument anarchiste. Puis, il revient en France clandestinement. A Montfermeil certains témoins disent qu'il ne se cachait plus et qu'il vivait normalement.
L'agent 28 n'a jamais été formellement identifié, mais il semble évident que ce soit son compagnon de lutte le plus proche qui l'ait trompé.
Les idée reçues résistent à toutes les épreuves. Depuis plus d'un siècle des historiens racontent que ces deux poèmes ont été chantés pendant la Commune de Paris, dans les rues par les insurgés, comme étant des hymnes révolutionnaires. Nous avons vu dans un article précédent, que la magnifique chanson de Clément, que c'est seulement en 1885, que Jean Baptiste a fait de sa chanson d'amour, célébrant l'arrivée du printemps et de la nature ( à la même époque, au Japon, la floraison des cerisiers étaient célébrés comme un événement majeur). Dans son recueil de chansons publiés à cette date (1885) la préface et la dédicace à une certaine "vaillante fille ambulancière bénévole", vont transformer radicalement le sens cette chanson lyrique en un symbole révolutionnaire. (Elle était à l'origine était dédié à un des frères Lionnet, Anatole (1832-1896). Une autre chanson dédiée cette fois aux deux jumeaux Hippolyte et Anatole est aussi une chanson bucolique
AU BOIS JOLY
A Hippolyte et Anatole Lionnet.
Au bois joly,
On s'en va cueillir la noisette,
Et l'on y prend de l'amourette.
Le chemin creux est si petit,
Au bois joly!
Au bois joly,
En arrivant sous les feuillées,
Les filles sont comme endiablées.
Avec Suzon je suis ally,
Au bois joly Au bois joly,
On entend plus le bruit des lèvres
Que le carillon de nos chèvres.
Tous les buissons cachent un nid,
Au bois joly I
Au bois joly
On voit plus de cornettes blanches
Que de rossignols sur les branches.
Ça sent si bon, c'est si gentil,
Au bois joly! (...)
Comme la plupart des chansons écrites à cette période, le Temps des cerises fait partie des odes à la nature.
Rappelons que Clément était un fervent admirateur d'Henri Murger (1822-1861) à tel point qu'il baptisera un de ses recueils "Les Murgerettes". Murger que nous retrouverons quand il sera question de Eugène Pottier.
La même année,que l'écriture du Temps des cerises Clément produit de véritables chants révolutionnaires, mettant en scène la condition des femmes sous le second empire.
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JEAN BAPTISTE FÉMINISTE AVANT L'HEURE :
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Bon voyage
Allez, vaillantes insurgées,
Réveiller les cœurs endormis
De tant de femmes outragées(...)
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Les femmes exploitées, soumises à la "complète obéissance" à leur patron, les filles mères et les femmes abandonnées sont abordées dans plusieurs chansons.
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LA PAUVRE G0G0
A madame Camille Bios.
Avec ton enfant sur le dos,
Sans coiffe et sans sabots,
Où t'en vas-tu, pauvre Gogo?
Bien triste et bien abandonnée,
Comme la feuille à l'automnée*
Je m'en vais tout droit devant moi.
Ne me demandez pas pourquoi
Quand un lourd chagrin vous déchire,
Ça fait trop mal à le redire.
Avec ton enfant sur le dos,
Sans coiffe et sans sabots,
Où t'en vas-tu, pauvre Gogo?
Le coeur tout froid, je suis ma route,
Et trouverai, coûte que coûte
Ce que je veux pour en finir.
Mais laissez mon marmot dormir,
Il faut qu'il ignore la chose,
Car le pauvret n'en est pas cause. (...)
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Il consacre une chanson à la femme d'un ouvrier qui s'est saoulé avant de rentrer chez lui :
FOURNAISE .
Dès l'aurore il quitté son lit,
Comme l'oiseau, c'est sa coutume, r.
Et tous les jours jusqu'à la nuit,
II frappe dur sur son enclume;
Il a les bras comme du fer,
II a du feu dans son haleine
Mais ce soir tout chante dans l'air,
Fournaise a touché sa quinzaine.
Ah!
Gare à toi, Madeleine,
Tiens bien ton bonnet
Et le souper prêt;
Ton homme, Madeleine,
Ton homme a touché sa quinzaine.
Quand on est bien franc du collier,
Malheur! il fait chaud quand on forge!
Fournaise est un rude ouvrier
Et ça le brûle dans la gorge.
Au cabaret des Bons enfants (...)
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Réflexions sur la plaque de la place Jean Baptiste Clément.
Personne n'a été capable de m'expliquer à quoi correspondaient ces dates !
Par Bernard Vassor
Article écrit pour le centenaire de la mort de Jean Baptiste Clément en 2003.
On a depuis plus de cent tente ans beaucoup écrit, fait de recherches, et célébré l’illustre montmartrois. A l’occasion du centenaire de sa mort en 1903, les manifestations autour de son nom furent nombreuses, joyeuses et fort instructives à travers des concerts de rue, aubades, conférences et mille autres animations donnant à la butte un petit air de fête.
Hélas… le clou devant être le dévoilement d’une plaque qui devrait informer le passant sur le représentant de la chanson française la plus jouée dans le monde.
Stupeur ! Pas moins de 3 erreurs en 4 lignes que comporte le texte,(malgré le signalement au service « culturel » à l'Hôtel de Ville de la mairie du XVIII°).
1) Il n’y a pas de trait d’union entre Jean et Baptiste, les parents de notre héro ayant voulu le différencier de son père, dont le nom en comportait un explique un biographe pourtant éminent de l'auteur du Temps des cerises. Pour ma part, de tous les documents consultés dans les registres d'état-civil le trait d'union ne figure ni pour le père et le fils. Sa mère Marie Thérèse est logée à la même enseigne.
2) Pendant la Commune il n’y a pas eu de maire élu ni désigné ! Ses fonctions, pendant l’insurrection furent les suivantes : après avoir été élu , délégué du XVIII° aux élections du 26 mars, il est nommé le 30 mars à la commission aux subsistances. Le 17 avril, il obtient la délégation aux ateliers de fabrication des munitions. Il donna sa démission en raison de divergences avec le Comité de Salut Public le 20 mai. Le 28 mai Clément racontera avoir été sur la dernière barricade de la rue de la Fontaine au Roi avec Eugène Varlin qui, reconnu square Montholon, appréhendé place Cadet, fut conduit 6 rue des Rosiers ou de la Fontenelle (actuelle rue du Chevalier de la Barre) pour y être fusillé. C’est à cette occasion que la réédition du Temps des Cerises sera dédié (en 1885) à Louise, l’ambulancière rencontrée furtivement sur le lieu du dernier combat de la Commune le dimanche 28 mai. Beaucoup d’historiens contestent ce lieu, et situent plutôt rue Ramponneau l’ultime combat.
3) Les dates : 19 mars 25 mai ne correspondent à rien de précis pour ce qui concerne l’histoire dans le XVIII° arrondissement. Si l’on considère ses fonctions à la mairie, ce serait : du 26 mars au 20 mai (date de sa démission), son action en tant que combattant : du 18 mars au 28 mai.
La reprise de Montmartre par l’armée versaillaise a eu lieu le 23 mai à midi, le 25 (date figurant sur la plaque qui ne correspond à rien) la Cour prévôtale de la mairie, place des Abbesses, fonctionnait à plein régime depuis 2 jours, les malheureux Trente sous* étant soit « collés au mur », soit conduits à Satory à ou bien à Versailles « aux Chantiers » pour y attendre un sort peu enviable. Avant et depuis cette pose de plaque officielle, j’ai cherché à joindre à la mairie de Paris et à celle du XVIII° arrondissement, les services culturels concerné sans succès.
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Voici une liste de ses domiciles montmartrois :
En 1860, 3 rue du Télégraphe (aujourd’hui rue Chappe)
En 1861 chez son oncle Christian Poulain et sa tante "Louise" passage de l’Arcade (aujourd'hui passage des Abbesses).
1863 15 rue Véron puis au 3 rue Saint-Vincent (un petit rappel, cette rue porte le nom d'un des ses parents du côté maternel qui fut maire de Saint-Ouen, Vincent Compoint)
En 1870, puis pendant la Commune, il logeait 10 Cité du Midi.
A son retour d’exil chez son ami Eugène Delatre, après l’amnistie en 1880 7 rue Constance, puis chez sa tante Louise au 12 rue Ganneron. 1885 53 rue Lepic. 1887 7 rue Androuet. En 1890 14 rue Germain Pilon, ensuite avec une compagne 45 rue des Abbesses. Enfin en 1892 il réside avec sa femme au 110 rue Lepic. et jusqu’à son décès (à la maison de santé municipale du docteur Dubois comme Henri Murger, 52 ans plus tôt. La maison Dubois était située à l'angle rue de l’Aqueduc et du numéro 200 DE la rue du faubourg Saint-Denis) dans le X° arrondissement)
Archives Bernard Vassor.
Archives de la Préfecture de police
Archives de Paris
*Terme péjoratif donné aux gardes nationaux qui recevaient 30 sous, soit 1 franc 50 par jour.