Pour se tirer du mauvais pas dans lequel elle risque d’être entraînée, la direction de la Société générale se justifie en affirmant que Jérôme Kerviel a systématiquement été condamné par la justice depuis que son affaire a vu le jour. On a envie de dire, « évidemment » puisque la policière de la PJ chargée de l’enquête a déclaré au juge d’instruction saisi d’une plainte par l’ancien trader « fou » ( ?) que toutes les investigations demandées par ses soins n’avaient pas été entreprises et qu’elle s’est faite enfumée par la SG laquelle lui a fourni des témoins et interdit à d’autres de répondre à ses convocations.
Le site Médiapart révèle de nombreux autres extraits de l’audition de la commandante de police devenue une spécialiste des activités boursières au cours de laquelle elle exprime l’évolution de son intime conviction à savoir qu’en 2008 elle croyait Kerviel coupable mais qu’en 2015, elle le croit totalement innocent. Autrement dit, ses supérieurs hiérarchiques savaient que Jérôme Kerviel prenait des positions osées (pour le moins) mais face aux pertes (4,9 milliards d’euros) il aurait été lâché et serait devenu un lampiste de luxe.
Au passage, si la Société générale a perdu 4,9 milliards d’euros, quelqu’un les a empochés. A ce stade on ignore quels sont les bénéficiaires de ce magot et il faudra bien qu’un jour, cette information soit rendue publique pour connaître le pourquoi du comment. La Société générale, après les plaintes déposées par Jérôme Kerviel, a également porté plainte pour dénonciation calomnieuse. Il n’est pas certain que les dirigeants de la banque aient eu conscience du danger qu’ils couraient dans l’ignorance qu’ils étaient des intentions de la policière. Celle-ci n’est pas fantasque. Elle est réputée pour être une excellente enquêtrice et n’a pas caché au juge que son témoignage lui enlevait un poids moral important, sa conscience la taraudant sérieusement depuis quelques années. Et surtout, convaincue de l’innocence de l’homme damné, elle avait des nuits sans sommeil.
Les leçons de tout cela ? D’abord ne pas s’emballer. Se rappeler comment Sarkozy parvient à passer entre les gouttes. Sans être un adepte de la théorie du complot, on peut toujours imaginer des liens plus ou moins discrets entre ceux qui fréquentent certaines écoles face à ceux qui se sont simplement faits à la force du poignet ou du clavier. Ensuite, se féliciter de l’existence des juges d’instruction que Sarkozy voulait supprimer. Enfin, constater, une fois de plus, que seuls des sites d’informations libres et indépendants des puissances d’argent peuvent sortir ce qu’on nous cacherait par ailleurs. Moi qui suis un lecteur du Monde depuis 1968, m’étonne de la relative discrétion consacrée par ce journal aux informations de Médiapart. « Le Monde » n’est pas Jean-Michel Apathie tout de même !