Le Festival de Cannes a pris son envol depuis cinq jours maintenant, et à défaut de vous faire un compte rendu de films projetés, c'est l'occasion idéale, comme je le fais tous les ans, de surfer sur le sujet et de faire une petite revue sur les six récents ouvrages sur le 7 ème art qui ont particulièrement retenu mon attention, à des degrés divers :
1. 365 répliques cultes de films expliquées; Philippe Lombard (edition du chène) :
Nous avons tous en tête des répliques de films que nous aimons sortir à point nommé dans des conversations entre amis ou collègues. Cette culture collective crée entre nous des liens qui nous rapprochent. Classés par acteurs, de Arlety à Jean Yanne, ce livre replace dans leur contexte les répliques les plus célèbres du cinéma, en expliquant d'où elles proviennent et qui les a écrites. Une bible, tout simplement.
Chouette livre que ce guide de Philippe Lombard, 365 Répliques Cultes de cinéma, dont le concept est de raconter qui a écrit, comment, ou encore à quelles origines on doit ces fameuses citations.
Car si tout le monde ou presque à des répliques en tête (dernièrement, lors d'une soirée Blind Test sur le cinéma je me suis aperçu que tout le monde ou presque connaissait la cité de la peur), il est encore plus épatant d'expliquer le contexte de telle ou telle réplique.
C'est ce à quoi s'essaie de faire Philippe Lombard, journaliste spécialiste du cinéma populaire en donnant des anecdotes plus ou moins connus sur les films présentés, allant d'un large éventail des incontournables Bronzés à des œuvres moins connues.
Autrement dit, voici un ouvrage ludique et instructif, dans une maquette aérée et agréable, on prend sans hésiter !!
2.Chroniques de cinéma, " C'est de la daube ! " (éditions Chiflet) de François Forestier
Daubes, nanars, bouses, films nazes et acteurs nuls : la critique de cinéma est devenue un métier super top dur. C'est la mine : il faut se taper des âneries atomiques, interviewer des types qui se prennent pour Orson Welles, flatter des comédiennes qui sont loin d'être l'ampoule la plus brillante dans la cuisine, et dire aux confrères critiques qu'ils sont géniaux. Il y a de quoi ê Depuis le remake musical des " Misérables " où Jean Valjean brame qu'il est malheureux aux galères, jusqu'aux toiles de Sylvester Stallone vendues aux enchères, en passant par les films pornos du Vatican et les interventions des ultracathos de Civitas sur la censure, voici un petit panorama jouissif de la connerie au cinéma. Il y a du boulot, notez.
Des comités de censure aux Festival de Cannes, des stars oscarisées au métier de critique, sans oublier l'Argent, le Sexe, les effets spéciaux, Spielberg, Scarlett Johansson, Ozon, ou Rohmer... rien, ni personne n'échappe à la plume incisive, au style corrosif et à l'humour dévastateur de l'un de nos plus talentueux critiques de cinéma. Un chroniqueur "agacé", réputé pour le traitement littéraire des monstres sacrés dont il fait toujours un portrait très documenté.
" Le problème, avec le cinéma, ce n'est pas la critique, c'est le public. On a bien inventé la démocratie sans le peuple, on devait élargir le concept aux salles de spectacle. Le cinéma sans les gens, enfin ! "" Fast & Furious 7 " ? " Un film sur des cons qui font les cons dans des voitures de cons alors que l'acteur est mort dans une voiture con. "
" Tom Cruise a l'air con. Il regarde sa fiancée avec l'œil d'un charcutier sibérien devant une tranche de roquefort. Quand il se bat avec les aliens, on jurerait qu'il passe la serpillière sur le carrelage de la cuisine. " Edge Of Tommorow
J'ai l'impression de connaitre l'incontournable et inénarrable François Forestier quasiment depuis que je m'intéresse à la critique cinématographique (il était chroniqueur avec Jean Pierre Lavoignat d'une émission de Canal plus présentée par la si gentille Isabelle Giordano).
Cette plume historique du Nouvel Observateur, et spécialiste des nanars, écrit de temps en temps des ouvrages plus profonds et documentés, comme notamment une belle enquête romancée sur l'histoire d'amour entre JFK et Marylin.
Ici, dans "Chroniques de cinéma, " C'est de la daube !"; Forestier laisse libre cours à sa mauvaise humeur légendaire et plutôt que de s'intéresser aux chefs d'œuvres du cinéma (d'autres le font pour lui) il préfère se focaliser sur manière de décrire un cinéma dont la connerie dépasse l'entendement.
Pour Forestier, le box-office, c'est " le tango des abrutis, la fête à Neuneu, le 14 juillet des bas de plafond " ; " plus c'est con, plus ça marche, c'est la loi du genre ".
Alors,certes Monsieur Forestier va a fond dans la provoc (il veut créer des salles de cinéma sans public, car le mauvais gout du grand public est le gros problème d'aujourd'hui, en même temps il n'a pas tout à fait tort), c'est parfois un peu irritant, mais la plupart du temps, c'est assez jubilatoire et surtout très drôle !!
3. Les plus grands films que vous ne verrez jamais ; Simon Braund ( ed Dunod)
Il y a les grands films que tout amateur de cinéma connaît ou se doit de connaître, et il y a ceux sur lesquels ont travaillé les plus grands, réalisateurs, acteurs ou encore scénaristes, et qui n'ont pourtant jamais vu le jour.
De Return from St. Helena de Charlie Chaplin à The Lady from Shanghai de Wong Kar-wai, en passant par L'enfer d'Henri-Georges Clouzot, The Other Side of the Wind d'Orson Welles ou Superman Lives de Tim Burton, cet ouvrage raconte l'histoire de plus de cinquante " chefs-d'œuvre " du cinéma, parfois légendaires mais souvent inconnus du public, que vous ne verrez jamais.
Des films inachevés, victimes de leur contexte historique, artistique, humain, technique ou économique, qui se mettent pourtant à exister dans votre imagination grâce aux affiches conçues pour l'ouvrage, et aux nombreux extraits de scénarios, storyboards et photographies les accompagnant.
À travers l'histoire de ces films, c'est celle du cinéma qui nous est contée (ses plus grandes stars, ses promesses et ses trahisons, ses contraintes et ses enjeux) dans cet ouvrage incontournable pour tous les passionnés du 7 e art.
"D'une certaine façon, les films qui vont vous être présentés permettent d'esquisser une histoire alternative du cinéma. Une histoire rendue plus réelle grâce aux affiches conçues pour chaque projet [...] [Ces films] existent [...] dans les pages de ce livre et, même si c'est l'histoire de leur échec qui est relatée, ils existent dans notre imagination [...] Vu ainsi, le livre se transforme en une sorte de festival de cinéma imaginaire".La citation :
Alors là, on est carrément un cran au dessus avec un livre incontournable pas forcément très récent ( il est sorti fin 2013à mais qui passionnera tous les amateurs de cinéma.
Cette idée de faire un livre sur les projets les plus emblématiques de films qui n'ont pas abouti pour telle ou telle raison était déjà jubilatoire sur le papier, au vu du résultat, c'est une réussite totale.
Très beau livre de cinéma qui ravira les passionnés en restant accessible aux simples amateurs. Le texte, parfaitement imprimé et plaisant à lire, regorge d'informations, de citations et d'anecdotes. La mise en page est très claire et ne donne pas l'impression d'avoir un pavé sous les yeux. Chaque film est traité en quatre pages en moyenne (illustrations incluses), ce qui permet de ne pas s'éterniser sur chaque œuvre et de varier les plaisirs.
Ce sont en tout et pour tout plus 70 projets de films avortés, parfois au stade de la mise en production et au prix de dépenses colossales, que l'auteur détaille ainsi, sur fond d'illustrations maison souvent splendides.
Les projets de films sont décrits de façon très minutieuse et sont suffisamment documentés pour qu'on puisse s'y intéresser et sont par ailleurs, ce qui ne gâche rien, particulièrement bien écrits, dans un style très pédagogique et didactique.
On côtoie des réalisateurs et acteurs connus, d'autres dont on n'avait pas entendu parler ; des films sur lesquels on fantasme depuis longtemps, d'autres dont les esquisses nous étaient inconnues. Bref, un équilibre parfait pour un livre qui l'est tout autant !
J'ai eu de bons parents. Ils étaient parfaits, mais j'avais l'impression de ne pas être compris.Longtemps le mythe de la star s'est confondu avec le cinéma, et spéciale- ment le cinéma hollywoodien. L'énumération en serait longue et prêterait sans doute à de nombreux oublis. Alors qui peut-on encore appeler aujourd'hui star et plus particulièrement légende ?
Deux acteurs semblent encore répondre à ce qualificatif : Clint Eastwood et Robert Redford. Dans des styles très différents, tous deux ont su transcender leur propre image au point de rejoindre leurs glorieux aînés dans l'iconographie cinématographique. Le fait d'avoir mis en scène leur propre vision du monde contribue peut être à leur image de star du passé bien sûr, mais également à ce que devrait être une star d'aujourd'hui. La star se définit tant par sa dimension universelle qu'à travers ce qu'elle représente dans cette universalité qui doit répondre à l'attente du public. Homme de culture, de réflexion, défenseur de la nature, l'homme Redford est riche d'une personnalité hors du commun. Par la profusion de son cinéma et le regard qu'il porte sur la société américaine, il nous fait partager ses valeurs personnelles. Ses presque cinquante ans de carrière - de Butch Cassidy à L'Homme qui murmurait à l'oreille des chevaux en passant par le Condor - laisseront encore longtemps dans l'histoire inachevée du cinéma une trace que l'on espère indélébile.
Ce qu'on en pense :
Cette biographie fleuve nsacrée à l'une des dernières légendes vivantes du cinéma US ( avec Eastwood, De Niro et deux trois autres)- de Butch Cassidy et le kid à Gatsby le Magnifque en passant par Les trois jours du Condor - a l'avantage de condenser en un seul volume l'ensemble impressionnant des films de la star.
Ecrit par un certain Georges Di Lallo, auteur d'un ouvrage sur Errol Flynn, et avec Patrick Brion de Dean Martin et Le train fait son cinéma, cet ouvrage va s'attacher à nous démontrer que derrière le beau gosse, objet de tous les fantasmes, se cache un acteur citoyen engagé et aux choix de carrière affirmés.
Ce livre arrive à démontrer que ce beau gosse au sourire ultra white, à l'allure athlétique et à la coiffure de surfeur n'est pas qu'un fantasme féminin en chair et en os mais un homme engagé avec une solide carrière. On sait évidemment, et le livre insiste bien dessus que Redford préside le Sundance Film Festival, principal festival pour le développement du film indépendant américain...
Un ouvrage, richement et judicieusement illustré, sans doute un peu trop superficiel et hagiographique mais qui ravira les adorateurs de cette immense acteur hollywoodien.
5 Nabab, Sophie Dacbert ( ed Robert Laffont)
Fraîchement diplômée de la Tisch School of Arts, l'école de cinéma de l'université de New York, Zoé, jeune réalisatrice française, revient à Paris déterminée à tourner son premier film. Tout est prêt : scénario, actrices principales, techniciens, décor... Ne lui manque plus " que " le nerf de la guerre : le financement, autrement dit un producteur qui accepte de la suivre. Or, malgré l'expérience américaine qui distingue son CV et les deux courts métrages déjà à son actif, Zoé n'a aucune connexion dans ce milieu, réputé particulièrement difficile à pénétrer. Qui pourrait l'aider à se faire une place au soleil ?
À travers les aventures de Zoé, Nabab brosse, dans un savant mélange de fiction et de réalité, un formidable portrait du cinéma français contemporain. Des artistes aux quatre ou cinq grands patrons qui y font la pluie et le beau temps, on y croise tous les décideurs de ce milieu ou le glamour le dispute en permanence au business. Amour vache, plume acérée et infos de première main : en dévoilant les coulisses et les rouages de cette usine à rêves qui ne cesse de fasciner, Nabab nous entraîne dans une comédie sociale pleine de verve et de justesse ou les enjeux, artistiques et financiers, sont toujours intimement mêlés aux passions humaines.
La citation :
Ce que j'en pense : Voici le livre de la sélection le plus de circonstance en plein festival de Cannes puisque l'auteur, Sophie Dacbert, rédactrice en chef pendant 25 ans du Film Français ( le journal des professionnels du cinéma) plante une grande partie de son décor au sein du festival de Cannes, notamment la dernière partie." Mais après six mois de démarches infructueuses, la famille du cinéma commençait à lui donner des boutons. Ils ne répondaient en rien à ce quelle s'était imaginé. Elle s'attendait à de vrais cinéphiles, des passionnés, des saltimbanques, des hurluberlus, des curieux. Jusqu'ici, elle n'avait rencontré que des gens dénués de fantaisie, mi-financiers mi-hommes de marketing, qui lui rabâchaient le même discours : la dictature des télévisions dans le financement du cinéma, le trop grand nombre de films produits, la dérive des cachets des comédiens, l'obsolescence de la convention collective des techniciens. Tours et détours pour ne pas résoudre son problème : comment finir Girls, son premier et probable dernier film."
Dans ce roman qui mêle avec habileté réalité et fiction ( autour d'une jeune cinéaste fictive Zoé Bicqueiro, certainement inspirée d'expériences connues par l'auteur), Sophie Dacbert décortique au scalpel cet univers impitoyable qu'est le monde du septième art. et nous plonge dans un monde éloigné des paillettes et des strass, un vrai panier de crabes ou seuls les plus forts survivent.
Bref, cette plongée à l'intérieur de la grande famille du cinéma est forcément passionnante à suivre pour qui adore le milieu, même si personnellement je n'y ai pas appris grand chose, la plupart des faits et éléments donnés par l'auteur étant repris d'informations vues ailleurs. On y retrouve les personnalités telles que l'on connait, de Thomas Langman à Nicolas Seydoux en passant par Thierry Frémaux et on aurait sans doute aimé un peu plus de nuances pour les décrire.
Un roman un peu maladroit- certains dialogues font vraiment trop fabriqués- mais qui interessera forcément ceux qui veulent découvrir les coulisses du cinéma, et notamment de ce Festival si adulé et si craint pour les mêmes raisons.
6. John Ford et les Indiens; Arnaud Balvay et Nicolas Cabos ( edition Seguier)
John Ford et les Indiens, c'est l'histoire d'une rencontre.
En 1938, alors qu'il est à la recherche d'un lieu pour tourner La Chevauchée fantastique, qui va relancer le western, John Ford découvre Monument Valley et ses habitants : les Indiens Navajos.
Après ce premier contact, Ford et les Navajos s'illustrent chacun de leur côté pendant la Seconde guerre mondiale avant de se retrouver en 1946 pour La Poursuite infernale. Jusqu'à la fin de sa vie, en 1973, John Ford tournera sept autres films avec les Navajos.
Au cours de ces trois décennies, le réalisateur et les Amérindiens ne cesseront de se découvrir mutuellement et noueront des liens forts et durables. Ces relations feront évoluer les conceptions de Ford au sujet des " Native Americans ", modifieront sa façon de les filmer et amélioreront pour un temps la vie matérielle des Navajos.
En s'appuyant sur les archives du réalisateur et des témoignages inédits, le livre raconte cet âge d'or vu des " deux côtés de l'épopée " comme disait Ford.
Dans vos voyages,
Que la beauté soit derrière vous
Que la beauté soit à vos côtés
Que la beauté soit devant vous.
De la part de vos amis,
les Navajos de Monument Valley, Utah - Arizona ". Ce que j'en pense :
La citation :
Sans doute le livre le plus pointu et le plus érudit de la sélection, "John Ford et les Indiens",est dans la lignée du précédent livre sur John Ford que nous avions chroniqué il y a quelques mois à peine.
" La prisonnière du désert " " Les raisins de la colère " " Rio Grande " " Qu'elle était verte ma vallée " " La conquête de l'Ouest " " La poursuite infernale "......,Auteur d'une œuvre monumentale entre 1917 et 1966, reconnu comme l'un des plus grands cinéastes américains, on connait moins bien son rapport avec les indiens, les grands oubliés des biographies de Ford.
Arnaud Balvay et Nicolas Cabos,deux cinéphiles passionnés par l'oeuvre de Ford ont recueilli les témoignages des Navajos et de leurs descendants pour reconstituer un pan de l'histoire du septième art américain et pour brosser le portrait complexe d'un ours caractériel mais qui au fil des films avait réussi à s'attacher aux indiens.Les auteurs nous livrent d'abord la situation historique des Navajos, leurs relations plus que conflictuelle avec les colons, et leur lien ancestral avec la terre sacrée de Monument Valley.
Les auteurs portent également un véritable regard critique sur l'oeuvre de Ford et livre un ouvrage passionnant d'un bout à l'autre, à recomander à tous les étudiants en cinéma, et fans de western en tous genres.
Bref, un choix très varié de livres sur le cinéma qui devrait largement ravir tous les cinéphiles et toutes les bourses!!