Alice a joliment titré son billet du jour « De là où l’on vient« . C’est en effet de nos aïeux qu’elle et Zaza nous invitent à causer aujourd’hui. Un sujet tantôt joyeux, tantôt douloureux.
J’ai furtivement eu envie au décès de mon grand-père paternel, de me lancer dans mon arbre généalogique. Mais rapidement, devant l’ampleur de la tâche, les trous potentiels (notamment une fille-mère, bonne dans une Maison de son état, et dont le patron n’était probablement pas pour rien dans la descendance…), et le fait qu’une branche de cet arbre m’aurait menée jusqu’en Pologne pour en savoir plus, j’ai laissé tombé. Je me suis contentée d’apprendre d’où mes grands-parents venaient, et c’était déjà beaucoup car je n’avais jamais posé la question.
J’ai de la chance, car j’ai encore mes deux grands-mères. Ma grand-mère paternelle, à 90 ans, habite encore chez elle, se plie en deux pour jardiner, danse à Noël, met des jeans et un blouson en cuir, et joue au foot avec Petit Monsieur. Épatante. J’ai passé le plus clair de mon enfance chez ces grands-parents, quand mes parents travaillaient. Mon grand-père continuait à venir nous rendre visite tous les matins quand nous fûment en âge de nous « garder » toutes seules avec ma sœur. Il coupait encore la viande ma sœur quand elle était au collège. Je me souviens de ses éternuements à faire trembler les murs, de ses mots qu’il prononçait de travers, de ses coups de gueules qui faisaient rire tout le monde. De sa tristesse quand il a dû manger sans sel, et de sa joie quand il avait le droit à un morceau de chocolat pendant sa dialyse. De son amour pour sa famille et de sa générosité. Il faisait tellement de bruit qu’il a laissé un grand vide. Il est parti à 79 ans, le cœur fatigué, brutalement pour nous mais comme il l’aurait voulu, nous avait-il confié après une première alerte.
Ma grand-mère maternelle, à 83 ans, vient tout juste (hier) d’entrer en maison de retraite. Après de longues semaines dans un service de gériatrie qui fait froid dans le dos (elle qui a toute sa tête devait supporter les cris des patients séniles à toute heure du jour et de la nuit, se laisser faire mettre des couches parce que les infirmières n’ont pas le temps de venir quand elle sonne pour l’aider à aller aux toilettes – comment perdre le peu d’autonomie qui te reste, l’hôpital public, un vrai scandale). J’espère que la maison de retraite sera plus accueillante et lui redonnera un peu de punch. Petit Monsieur m’a même dit « Ah quand même, maintenant je vais pouvoir aller la voir ». Ma grand-mère travaillait quand j’était petite, j’étais donc moins souvent chez eux, je les connais donc un peu moins, si tant est qu’on puisse vraiment connaître ses grands-parents. Mon grand-père, c’était le patriarche, l’homme fort à la grosse voix qu’on n’ose pas approcher, mais qu’est ce qu’il était drôle. Je me souviens de son aide sur un cahier de vacances, il avait réussi à rendre les maths attrayantes ! Il est parti de cette saleté de crabe, douloureusement pour lui et pour nous, et je reste convaincue que si le corps médical avait fait son travail, il serait resté plus longtemps.
Mes deux grands-pères se connaissaient. Ils travaillaient ensemble, comme dockers sur le port, tous deux connus comme les loups blancs en ville. Le monde est petit. Je te dis pas les fêtes de famille avec les deux copains ! Et le vide qu’ils ont laissé. Deux grands et gros bonshommes (mon grand-père maternel avait été boxeur avant), des forces de la nature, au rire communicatif. J’aurais tellement voulu que mes enfants les connaissent. J’espère que comme moi ils connaîtront leurs arrière-grands-mères assez longtemps pour s’en souvenir.
Car j’ai de la chance, j’ai aussi connu mes deux arrière-grands-mères. La mère de ma grand-mère paternelle, elle était née en 1898. Je m’en souviens comme d’une petite dame, très ridée mais toujours tirée à quatre épingles, maquillage, bijoux et tout le toutim. Quand le médecin venait, elle disait « donne-moi mon rouge à lèvres »! Ma grand-mère maternelle, elle était née en 1901. Elle avait fui la Pologne pour la France pendant la première guerre mondiale.
Quand tu me vois, les origines polonaises, tu te demandes où elles se sont cachées ! Sans doute parce que mon grand-père maternel, lui, avait une grand-mère italienne. Du côté de mon père, c’est plutôt la Bretagne. Le père de mon grand-père est né dans la ville close de Concarneau. En même temps, tu tapes mon nom de famille dans l’annuaire du Finistère, tu en trouves une sacrée liste…
Voilà un peu d’où moi je viens. Un peu de métissage européen, des régions à forte identité, des gens de caractère. Une famille comme je l’aime <3"><3"><3"><3
Et toi, alors, raconte !