Un film de Jaco Van Dormael (2010 - France, UK, Belgique, Canada) avec Jared Leto, Diane Kruger, Sarah Polley, Toby Regbo, Juno Temple, Rhys Ifans, Natasha Little
Onirique, poétique, scientifique. Vertigineux.
L'histoire : Nemo fait tout un tas de cauchemars. Si étranges qu'il se demande s'il rêve ou s'il est dans la vraie vie. Une fois il se réveille aux côtés d'une épouse blonde, puis c'est une brune, puis une autre, une fois il revoit son enfance avec son père, puis avec sa mère. Et puis il meurt noyé, ou bien tué par un inconnu... 2092. Nemo est le dernier mortel sur la planète, désormais avec les cellules-souches et les clonages, plus personne ne meurt. Nemo a 118 ans et il est donc l'objet de toutes les attentions. Il va mourir et on le somme de raconter comment c'était "avant", mais il a perdu la mémoire et on l'appelle Mr Nobody... Toutes ces images que nous voyions au début étaient en fait des souvenirs éparpillés. Nemo semble avoir vécu mille vies... et il essaie désespérément de se rappeler et de comprendre.
Mon avis : Par où commencer avec un film pareil, sur lequel je pourrais parler pendant des heures ? Et encore des heures quand je le reverrai, car il est tellement dense qu'on doit y trouver de nouvelles choses à chaque fois. Il faut que je m'achète le DVD pour pouvoir me faire des petites cures de temps en temps.
D'abord, je pourrais vous dire que je n'en ai pas dormi de la nuit ! Et que ce matin, je suis encore dedans. Je suis impatiente d'aller voir les critiques pour voir si ce film a eu le même effet sur les autres ; dans le cas contraire, je pourrai conclure qu'il touche des fantasmes qui me sont propres, mais je me demande lesquels. Peu importe, on n'est pas chez Freud.
Attention il y aura du spoiler, mais avec ce genre d'oeuvre, c'est impossible de faire une analyse sans révéler quelques clés. Je ne pense pas que ce soit très grave, car c'est un peu hermétique, parfois un peu foutraque et fantaisiste (mais là j'appelle ça onirisme et poésie) donc soit on adhère totalement, soit on est complètement perdu.
En premier thème, nous avons l'immortalité. Un décor de science-fiction à la 2001, de vastes espaces blancs, un vieux monsieur alité, des horizons glacés de gratte-ciel étincelants. Personne ne meurt plus et on sent une certaine fébrilité autour de cet homme qui (on ne saura pas pourquoi) est passé au travers des mailles du filet et n'a pas accompli les gestes salvateurs évitant la mort à tout jamais, cet homme hors normes, cet homme qui a connu et va encore connaître "autre chose". L'immortalité serait-elle ennuyeuse ? On nous apprend que les bébés ne naissent plus que dans des éprouvettes ; le sexe est devenu obsolète, et les gens autour de Mr Nobody sont friands de savoir si c'était bien, ce truc ? Ce thème n'est cependant pas celui qui est le plus développé. Mais il nous met dans un contexte scientifique, afin de réfléchir à ce qu'est la vie, une vie, nos choix, notre libre arbitre, pour qu'elle soit la plus réussie possible, puisque nous n'en avons qu'une et qu'elle est limitée dans le temps.
En second lieu, vient cette question du choix. Par des petits tableaux "hors film", Nemo nous rappelle les théories sur les quatre dimensions : la longueur, la largeur, la profondeur, et le temps. Le temps qui n'a qu'une seule direction ; il ne revient jamais en arrière. De grands scientifiques s'interrogent depuis longtemps sur cette quatrième dimension. L'univers pourrait-il être courbé ? Les quatre dimensions seraient des cercles. Le temps aussi, donc. On pourrait donc revenir sur ses premiers pas... et faire d'autres choix ? Mieux, puisque le rond est le symbole de l'infini, il pourrait également y avoir une infinité d'univers en fonction de chaque choix que l'on fait dans la vie, qui vous amène à une vie totalement différente ?
Comme le dit Nemo : "Quand on fait un choix, on ne peut plus revenir en arrière et c'est pour ça que c'est difficile." Nous allons alors suivre alors Nemo petit garçon, au moment de son premier choix, le plus cruel : vivre avec Papa ou avec Maman, qui sont en train de divorcer ? Selon l'une ou l'autre des hypothèses, il rencontrera alors des personnes différentes ; et des petites escarbilles (une feuille qui tombe au mauvais endroit...) viendront encore bouleverser les choix à faire, quotidiens... Des trois petites filles de son enfance, laquelle choisir ? Le "destin" décidera pour lui. Le libre arbitre existe-t-il quand le temps, un objet, une seconde, peut changer votre vie du tout au tout ?
Le destin. Ce n'est pas une affaire de magie ou de croyance... c'est scientifique : la course d'une feuille d'automne qui tombe sur un trottoir ou sur un autre, selon les vents de l'instant ; c'est un clochard à qui l'on porte secours et qui prend trois secondes de votre courbe du temps, vous empêchant de rencontrer la femme de votre vie, que vous vous apprêtiez à croiser... La démonstration est implacable et elle est génialement illustrée à travers toutes les vies de Nemo. Ce n'est pas toujours aisé à suivre, mais c'est toujours parfaitement cohérent. Génial.
Tout se mélange dans la tête de Nemo désormais... a-t-il vécu toutes ces vies ? A-t-il fait le tour de tous "ses" univers, décidés par les mille hasards qui ont jalonné sa vie ? La mort va-t-elle le ramener au point zéro de son existence sur la courbe du temps. Pourra-t-il alors faire LE choix qu'il fallait pour être heureux, avec la bonne personne ? Soudain son visage s'éclaire et quelques secondes avant de mourir, il déclare que c'est le plus beau jour de sa vie !
En troisième lieu, Nemo nous explique la théorie du Big Bang, cette explosion qui a fait naître notre univers, et qui n'a pas fini son expansion. Conséquence induite : la nature aime le mouvement, le chaos, tout bouge, tout se désagrège avec le temps pour laisser place à d'autres organismes.
La plupart des scientifiques (Frérot, si je me trompe tu me dis...) s'accordent à dire que lorsque l'univers aura fini son explosion, son expansion, il se mettra alors à se rétracter. Ce sera le Big Crunch. Tout repartira à l'envers (étonnantes scènes, pour illustrer le propos, où l'on voit des fruits pourris ou des animaux décomposés se reconstituer, redevenir tout beaux tout neufs...) et on peut alors supposer (allez... soyons fous...) que la dimension temps pourra aussi se reprendre à l'envers...
J'ai TOUT trouvé génial, toutes ces questions physiques, métaphysiques, le destin, l'immortalité, et en filigrane, l'histoire d'amour entre Nemo et Anna qui ne cessent de se perdre et de se retrouver dans les différentes vies de Nemo.
Les flash-backs et scènes du présent se mêlent harmonieusement, coupées par les petites scènes où Nemo joue le professeur en nous expliquant, de façon imagée, les théories d'astrophysique. Et le film est bourré de clins d'oeils, de références et de symboles. C'est pour ça que je veux le revoir, tant il est riche.
Et cerise sur le gâteau, Jared Leto est formidable ! Encore une fois ! Mais tous les autres acteurs lui donnent la réplique avec une justesse magnifique.
10/10 : pas un défaut, j'ai été captivée de bout en bout, un sourire béat sur le visage, tout me parlait, tout me correspondait, tout m'émerveillait. Y compris la B.O., des grands standards très variés de Lou Reed, Eurythmics, Emmylou Harris, Ella Fitzgerald, Erick Satie, Budy Holly, Otis Redding... Le seul petit bémol : pas assez long. 2h20... mais moi j'en redemandais !
J'AI ADORE !
Au niveau des critiques presse, pourtant, ben c'est pas terrible, terrible... Je suis affreusement déçue. Du coup, les spectateurs n'ont été que 143.000 à aller ensemble. Mais ceux qui l'ont vu, et laissé des commentaires sur le net, ont adoré dans la grande majorité.
Moi, je vais m'acheter le DVD et le chérir jusqu'à la fin de mes jours.