Selma Sardouk vous guide vers... l'emploi !!!
À 25 ans, Selma Sardouk dirige L'Alternative urbaine, une association qui aide les personnes en chômage de longue durée à trouver leur voie en devenant guides touristiques à Paris.
Elle sort des sentiers battus pour ouvrir une nouvelle voie à ceux qui ont connu une sortie de route.
Selma Sardouk, la fondatrice en juin 2013 de l'association L'Alternative urbaine, fédère les énergies pour l'insertion de personnes éloignées de l'emploi via le tourisme et la culture.
Son idée : permettre un retour à l'activité en douceur, en devenant «éclaireur urbain» : un guide touristique dans un quartier méconnu.
« Nous formons nos éclaireurs urbains à leur rythme. Nous les aidons à construire une balade qui leur ressemble et chaque semaine, ils font découvrir Paris à des promeneurs solidaires», expose la jeune femme discrète.
Deux mille cinq cents visiteurs ont ainsi parcouru les quartiers Ménilmontant et Belleville, sous la houlette de l'un des trois premiers éclaireurs urbains accompagnés par l'association, active depuis un an.
Le prix de la visite est laissé à la discrétion de chaque participant, « pour permettre à tous d'accéder à la culture».
Et le système fonctionne !
Les éclaireurs urbains reçoivent un salaire un peu supérieur au Smic après chaque mission.
Pour eux, c'est aussi de l'assurance acquise, et la fierté d'avoir partagé leur savoir avec une quinzaine de personnes.
« Dès le mois de mars, nous allons proposer de nouveaux parcours : dans les Xe, XIIIe et XIVe arrondissements.»
Quatre nouveaux guides peaufinent leurs itinéraires ponctués d'anecdotes, tandis que les trois premiers éclaireurs urbains - dont un SDF - ont repris le fil de leur vie professionnelle.
« L'un d'eux suit une formation d'éducateur, et les deux autres exercent un emploi, dans la restauration. Nous n'incitons jamais quelqu'un à aller dans telle ou telle branche parce qu'il y a du travail. Nous aidons chacun à identifier ce qu'il aime faire, et à se former à ce métier», souligne Selma Sardouk, qui a reçu pour son action une subvention de 20.000 euros de la Fondation de France, en décembre dernier.
Outre les balades, qui ont lieu le week-end, L'Alternative urbaine propose aussi des ateliers chaque mercredi soir pour avancer dans la construction de ces parcours professionnels personnalisés, avec des cours de slam et de théâtre - pour l'aisance à l'oral -, des activités culturelles - pour renouer le lien social - et de la recherche de formations ou de postes.
Pour offrir cet accompagnement sur mesure, Selma Sardouk s'est entourée d'une associée, Amandine Mutin, en août dernier, et d'une trentaine de bénévoles.
Fille de travailleurs sociaux qui a grandi à Sartrouville, dans les Yvelines, Selma Sardouk a eu très tôt le goût des autres.
Adolescente déjà, elle s'impliquait dans les associations de son quartier, oeuvrant pour le lien intergénérationnel.
Et dès qu'elle a obtenu son baccalauréat économique et social, en 2007, ce tempérament calme et doux, mais déterminé, a tracé sa route en suivant son cap : découvrir le monde.
« Je suis d'abord partie en Amérique latine, grâce à une bourse de la fondation Zellidja, qui permet à des jeunes de voyager seuls avec un projet de leur choix. J'avais choisi de mener une étude sur les artisans fabricants de bijoux en Équateur», confie cette adepte de bijoux qui en crée à ses heures perdues - de plus en plus rares.
Passionnée de voyages et très autonome, elle s'inscrit en licence de langues étrangères appliquées (anglais et espagnol) à l'université de Nanterre, mais suit la formation par correspondance, tout en enchaînant des petits boulots, en tant qu'animatrice sociale ou hôtesse d'accueil.
En troisième année d'études, c'est au Panama qu'elle pose ses valises pour se former à la communication sociale dans une université locale.
Elle prolonge son séjour d'un an pour travailler dans une agence de tourisme solidaire.
Un déclic.
Pour aller plus loin dans cette voie, elle rentre en France en 2012 pour suivre un master de tourisme solidaire à l'université de Barcelone, toujours par correspondance.
« J'aime pouvoir gérer mon temps. On me donne une date limite, je m'organise en fonction. M'affranchir de l'emploi du temps universitaire m'a permis de faire plus de choses.»
Elle n'a pas peur d'être sur plusieurs fronts à la fois En parallèle de ses études, elle s'investit pour des causes qui lui tiennent à coeur.
Scandalisée par la hausse du nombre des SDF, elle effectue des maraudes avec l'association United.
Elle prête mainforte au service réfugiés politiques de la Croix-Rouge à Roissy-Charles de Gaulle, pour accompagner les demandeurs d'asile dans leurs démarches administratives quand ils sortent de la zone d'attente de l'aéroport.
Et elle milite pour les droits des femmes au Maghreb.
« Ma mère est algérienne, et mon père marocain. Ma famille m'a toujours laissé la totale liberté de faire ce que je voulais. Et j'ai découvert à l'occasion de stages au Maroc que toutes les femmes n'ont pas cette chance.»
Aujourd'hui encore, elle s'implique au sein de la Coordination maghrébine des droits de l'Homme, et avec l'Association des Marocains en France (AMF), en partenariat avec la Ligue démocratique du droit des femmes au Maroc.
À l'âge où d'autres profitent de leur jeunesse en rêvant de changer le monde, elle le fait.
Dans l'esprit associatif, et avec l'ambition des entrepreneurs.
C'est d'ailleurs auprès d'entrepreneurs sociaux qu'elle a parachevé le projet de L'Alternative urbaine, rejoignant pendant six mois la première promotion de l'incubateur SenseCube.
« Selma est une force tranquille. Très posée, voire un peu timide, mais capable d'entraîner les autres à sa suite, et qui se révèle dans les moments clés. Elle a un fort instinct concernant les gens. Elle avance résolument et de façon très élégante, en prenant soin de ne pas empiéter sur les autres. Un profil atypique», confie Léa Zaslavski, responsable du SenseCube.
Pour le moment, Selma Sardouk et son associée ne se versent pas de salaires.
C'est l'un des objectifs pour 2015. Mais Selma Sardouk songe surtout à essaimer L'Alternative urbaine dans d'autres villes, avec des porteurs de projets locaux pour adapter l'offre aux spécificités de chaque cité. Une réflexion en ce sens est menée à Lyon.
Cinq nouvelles antennes sont prévues d'ici à deux ans, notamment de l'autre côté de la Méditerranée.
« Tout peut aller très vite», estime ce petit bout de femme qui « n'avait pas la volonté de monter une boîte à l'origine» et qui s'est lancée « par la force des choses, parce qu'il m'importait de faire quelque chose qui m'intéresse».
L'alliance du coeur et de la raison, au service des autres.
allez, au plaisir de vous lire ...