L’art intemporel des Sénoufo, des Lobi, des Gouro ou encore des Dan, des Baoulés ou des peuples des lagunes … à portée de regard. Il y a bien longtemps que les Européens sont fascinés par ces masques et ces fétiches africains. Ici, c’est une plongée dans l’art d’une région qui fut très chère à mes beaux-parents adoptifs. Ils en étaient revenus pleins de souvenirs et d’objets qui leur avaient été offerts. Nous en avons gardé quelques-uns, d’une rare beauté.
L’exposition présente 40 artistes ivoiriens, dans une rétrospective qui remonte à 1880, avec à la fois leurs constantes et leurs différences de styles. On peut ainsi les comparer et les distinguer. Certaines sculptures sont attribuées à tel ou tel auteur dont on a conservé l’identité, d’autres, à l’instar des anciens maîtres flamands, selon leur oeuvre principale ou leur localisation.
On reste étonné devant le velouté et la patine des statuettes, leur intemporalité, le style immémorial. On sourit devant ces figures masculines coiffées d’un casque colonial ou féminines dotées d’une ombrelle, on regarde avec crainte ces statues dotées d’une barbiche tressée de cheveux humains, on essaie de se représenter les atours des masques (crinières de raphia, dents implantées dans les mâchoires), on admire la ligne élégante des fentes des yeux en demi cercles. On comprend le choc conceptuel lors de la « découverte » de l’Art Nègre ressenti en Europe entre les deux guerres… qui a marqué de façon indélébile l’art occidental dans toutes ses manifestations.
Un constat : la richesse de l’ornementation, la créativité, la beauté hiératique des modèles. Un regret : assez peu d’explications sur la signification des idoles, le sens des rituels. J’en demande peut-être un peu trop mais je me souviens de certaines explications fournies par le musée Dapper, plus éclairantes sur ces civilisations subsahariennes que nous connaissons si mal. En contrepoint, des œuvres d’artistes contemporains comme Jems Robert Koko Bi qui vit aujourd’hui en Allemagne.
Un secteur intéressant : celui des techniques : le placage des feuilles d’or, la poterie, la fonte de laiton, la sculpture sur bois, l’orfèvrerie et le tissage.
Maîtres de la sculpture en Côte d’Ivoire, au musée du Quai Branly, exposition coproduite par le Rietberg Museum de Zürich et le Kunst- und Ausstellungshalle der Bundesrepublik Deutschland de Bonn - jusqu'au 24 juillet, 9 € - fermé le lundi.