Quand Manuel Valls parle quasiment comme Nicolas Sarkozy et refuse la proposition de la Commission européenne. Les choses sont claires. Pour répondre à la proposition de la Commission européenne d’imposer des quotas de réfugiés aux États membres, Manuel Valls et Nicolas Sarkozy ont usé d’une même voix. «Je suis contre» car «cela n’a jamais correspondu aux positions françaises», a déclaré le premier ministre, que François Hollande avait dépêché en gare de Menton pour signifier l’importance symbolique du lieu où il s’exprimerait sur le sujet. Comme en écho, l’ex-président et patron de l’UMP a parlé d’«une folie». Pour Valls et Sarkozy, la France doit donc pouvoir choisir elle-même les forçats de l’exil qu’elle accueille, quelles que soient les circonstances. Ces rhétoriques communes, qui devraient satisfaire les éditorialistes du Figaro, sont non seulement une entrave à l’esprit de notre pays mais surtout un blanc-seing à ceux qui, partout dans l’UE, veulent encore renforcer les dispositifs de cette Europe forteresse qui s’est absurdement construite sous nos yeux ces dernières années…
Les quotas, même si le mot paraît inapproprié s’agissant d’êtres humains, auraient au moins le mérite, dans un premier temps, de mettre les pays de l’Union devant leurs responsabilités collectives. Bien sûr, cette solution louable resterait très insuffisante et évidemment imparfaite devant l’ampleur des drames et les milliers de vies suspendues au gré des flots. Pour que l’horreur cesse et que la Méditerranée ne soit plus un cimetière à mer ouverte où se noient nos belles consciences, il faudra d’abord que l’argent aille à la coopération et au développement, pas aux dispositifs ultra-sécuritaires inopérants. Comme le réclament les ONG et le HCR, la France et ses représentants doivent aider à construire des réponses basées sur la fraternité et l’égalité. Des mesures d’urgence sont possibles: abroger la directive retour, réformer le règlement de Dublin, relancer des politiques ambitieuses en matière de visas. De même, il est temps d’ouvrir des voies d’immigration en partenariat avec les pays concernés. La Méditerranée, qui fut de tout temps la passerelle ambitieuse des peuples et des civilisations, est devenue la frontière la plus dangereuse au monde. Laisser faire plus longtemps serait un crime contre l’humanité.
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 18 mai 2015.]