- que si je vous demandais combien de lettres composent l’alphabet français, vous pourriez être tentés de me répondre vingt-six. Vous n’auriez pas tort, vous n’auriez pas tort, certes, vous n’auriez pas tort. Mais je pourrais chichiter. Au vingt-six, il faut ajouter les lettres issues de cinq diacritiques, ces signes qui, associés à un graphème, en modifient le son, et qui nous offrent treize voyelles accentuées, à, â, é, è, ê, ë, î, ï, ô, ù, û, ü, ÿ, et le C cédille, et aussi, il faut les comptabiliser, ne les oublions pas, les deux ligatures æ et œ. Faites le calcul, ça fait quarante-deux. Et encore ! Et encore, on ne parle pas, par exemple, des digrammes ch et ss, du trigramme ill, des graphies vocaliques comme oin ou ien ou leurs cousines. Que faire de ces lettres ? Des mots, oui, des mots. Combien ? Le dictionnaire de l’Académie Française en comporte 60 000. Mais la même Académie précise que le Trésor de la langue française en compte environ 100 000, les grands dictionnaires encyclopédiques environ 200 000, y compris les noms propres. Y'a de quoi faire. Si on ne s’autorise pas à faire des chichis le dimanche, dites-moi quand on peut se le permettre ?
- que les rennes du Père Noël s'appellent Tornade, Danseur, Furie, Fringant, Comète, Cupidon, Éclair et Tonnerre. En ce moment, vue leur activité professionnelle assez minime, on pourrait imaginer qu’ils s‘entraînent pour garder la forme. Quelques vols quotidiens pour maintenir les muscles en fonction, quelques repérages des cheminées planétaires, quelques essais de démarrage en trombe pour être prêts le jour J. Mais, Eclair et Tonnerre ne passent-ils pas également dans nos cieux certains soirs d’été après une journée particulièrement étouffante ? Tornade ne se montre-t-il pas pour faire peur en arrachant quelques toits de temps à autre ? Comète ne joue-t-il pas parfois, en nocturne, avec les vertèbres cervicales de certains ? Danseur et Furie ne s’associent-ils pas pour envahir le corps de quelques clubbers en toute fin de soirée, jusqu’à les faire tomber sur la piste, alors que Fringant les observe piteusement ? Et Cupidon ? Ne s’amuse-t-il pas avec ses flèches, auquel cas, ce serait le plus pardonnable de tous les rennes ? Si on ne s’autorise pas à faire des chichis le dimanche, dites-moi quand on peut se le permettre ?
- que vous avez sans doute déjà vu un film à la télévision après l’avoir vu préalablement au cinéma. Plus rarement vice et versa, n’est-ce pas ? Quoique, certaines salles reprogramment quelques classiques que vous auriez pu regarder antérieurement à la télé puis, donc, revoir, ensuite, au ciné. Avez-vous remarqué une différence ? Entre les deux supports, les deux endroits, les deux façons ? Pour un même film. Je ne parle pas du nombre de personnes autour de vous. En fonction de l’heure et du film, il peut y en avoir plus dans votre salon. Je ne parle pas du goût du popcorn, car, si je vous suppose cordon bleu, avec un préjugé amical, le vôtre est meilleur que le leur. Je parle du temps. Imaginons que vous ayez programmé la cuisson d’un plat, un temps de vélo elliptique pendant visionnage, ou un rendez-vous juste après le film, n’avez-vous jamais eu de mauvaises surprises ? Les longs-métrages sont tournés à la fréquence traditionnelle de 24 images par seconde et projetés dans les salles de cinéma à cette même cadence ; la télévision ne les diffuse qu'à la fréquence de 25 images par seconde. Un film de 2 heures au cinéma durera environ 1h54 à la télévision. Ce qui peut, voilà où je voulais en venir, nous perturber la vie, non ? Si on ne s’autorise pas à faire des chichis le dimanche, dites-moi quand on peut se le permettre ?
Magazine Humeur
dimanche 17 mai 2015