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vive la moustache, vivent les moustachus !

Publié le 17 mai 2015 par Dubruel

~d'après LA MOUSTACHE de Maupassant

Lundi 30 juillet 1883,

Château de Grand-Croix.

Ma chère Elvire,

Nous regardons tomber la pluie ! Ce temps nous empêche de sortir. Alors, nous jouons la comédie. Ô ma chère, qu'elles sont bêtes Ces pièces de salon actuelles Où depuis cinq ans on répète Les mêmes plaisanteries Forcées, lourdes, si peu naturelles, Sans finesse et sans esprit. Enfin, nous jouons une de ces comédies !

Comme nous ne sommes Que deux femmes et un homme, Hormis Jean, notre valet , Nous avons déguisé mon mari ...Et il a rempli Le rôle de la soubrette ! Il a dû raser sa moustache pour cela. Je ne le reconnaissais pas... Ni le jour, ni la nuit !

S'il ne laissait pas repousser sa moustache, Je lui deviendrai infidèle Tant il me déplait ainsi. Un homme sans moustache N'est plus un homme ; oui, ma belle ! La barbe donne souvent l'air négligé. Je ne l'aime pas beaucoup Mais la moustache, elle, donne l'air viril.

Et elle est si utile... Aux relations entre époux ! Mais je n'oserai ni t'en parler ...Ni les remplacer ! Tant pis si tu ne comprends pas ! Ma chérie, ne te laisse jamais embrasser Par une lèvre dont le poil est ras. Elle ôte le poivre qu'ont les vrais baisers. La caresse de l'homme rasé, C'est un bout de parchemin qui mouille ...ou qui est sec. La moustache, elle, chatouille Délicieusement. C'est juste avant de toucher La bouche qu'on la sent.

Dans tout notre corps, elle fait passer Un frisson charmant, Oui, vraiment. Elle nous fait pousser ce petit " ah ! "... tu vois, Comme si on avait grand froid. Un mari qui nous aime (je suis osée !) Trouve les endroits où cacher ses baisers. Eh bien, sans moustache, ces baisers-là, Explique cela comme tu pourras, Perdent de leur goût Et beaucoup ! Ils sont même inconvenants.

La lèvre sans moustache est nue Comme un corps sans vêtements. Pas de vrais baisers sans moustache, vois-tu ! Et que d'aspects variés Elles ont, les moustaches ! Qu'elles soient frisées, Retournées vers le haut, drues Ou pointues. Oui, je rabâche, Mais je l'affirme : vive la moustache !

Sur ce, je t'embrasse, ma chérie,

Jeanne Boury.


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