genre: thriller, drame (interdit aux - 12 ans)
année: 2004
durée: 1h30
l'histoire: Richard, un soldat désaffecté, revient dans sa ville natale des Midlands avec la ferme intention de venger son frère qui a fait l'objet de maltraitances de la part de la population locale.
La critique :
L'air de rien, Dead Man's Shoes, sorti directement en dvd en 2004, constitue le sixième film de Shane Meadows. Le réalisateur s'est déjà distingué chez lui (la Grande-Bretagne) avec Where's the Money, Ronnie ?, A Room for Romeo Brass, ou encore Once Upon a Time in the Midlands. Par la suite, Shane Meadows signera, en 2006, le superbe This Is England, et se fera connaître au-delà de ses frontières. Pourtant, avec Dead Man's Shoes, Shane Meadows va commencer à se tailler une certaine réputation dans le milieu cinématographique.
En effet, le film est présenté dans différents festivals où il obtient plusieurs récompenses : le Golden Hitchcock au festival du film britannique de Dinard et le prix de la meilleure réalisation au Directors Guild of Great Britain.
Quant à l'acteur principal du film, Paddy Considine, il obtient lui aussi plusieurs récompenses pour sa performance, mais j'y reviendrai... En dehors de Paddy Considine, le film ne réunit pas des acteurs très connus. Sur ce dernier point, Shane Meadows et son principal interprète font appel à plusieurs membres de leurs familles respectives.
Pour l'anecdote, un message marque la fin du générique : « in memory of Martin Joseph Considine », que l'on peut traduire par « en mémoire de Martin Joseph Considine ». C'est le père de Paddy Considine. En effet, juste avant de mourir, ce dernier a déclaré vouloir que son fils collabore une nouvelle fois avec Shane Meadows.
Pour l'acteur, Dead Man's Shoes revêt alors une importance bien particulière, marquée par la mort et le deuil. Ce qui explique sûrement pourquoi l'interprète s'est autant investi dans son rôle. Attention, SPOILERS ! Deux frères retournent dans leur ville natale après des années d'absence. Ils sont proches, mais très différents : Richard, l'aîné, est solide et déterminé.
Son cadet Anthony, plus irrésolu et légèrement attardé, imite innocemment ses moindres faits et gestes. Les deux frères s'installent sur les collines qui surplombent la ville et se remémorent le passé. Mais si Richard est là, c'est pour se venger. La ville qu'il a quittée huit ans plus tôt est en effet toujours aux mains de la même bande de petits dealers minables, et il saura où les trouver.
La menace de sa présence suffit à provoquer soupçons et paranoïa. Pourquoi est-il revenu, que veut-il et surtout après qui en a-t-il ? Richard traque ses ennemis un à un, distille la peur dans leurs esprits et les monte les uns contre les autres. Au fur et à mesure que le clan se divise, la vérité éclate sur les faits terribles qui se sont déroulés par le passé.
Le thème de la vengeance a été abordé à maintes reprises dans le cinéma, à tel point que la plupart des productions qui sortent aujourd'hui, paraissent redondantes et souffrent d'un sérieux air de "déjà-vu". Le film se démarque néanmoins sur de nombreux aspects.
Parfois, le film prend les allures d'un documentaire, comme si le long-métrage s'acharnait à suivre le point de vue de son héros principal, donc Richard. Dead Man's Shoes se démarque également par une photographie brute de décoffrage. Sur ce dernier point, Shane Meadows alterne à la fois les prises de vues sur les paysages magnifiques de la région des Midland, et la violence qui va peu à peu s'emparer d'une petite communauté, et plus précisément d'une bande de malfrats.
On observe alors un véritable décalage entre la beauté des décors naturels et l'histoire, à priori banale, qui va nous être racontée. Autant le dire tout de suite. Dead Man's Shoes est un thriller dramatique qui marque au fer rouge.
Attention, ne vous attendez pas à une orgie sanglante dans les règles, loin de là. La violence de Dead Man's Shoes n'est pas physique, mais davantage psychologique et profondément enfouie dans la mémoire de ses principaux protagonistes. Elle est même, en un sens, métaphysique. Il suffit de prendre le personnage de Richard pour s'en rendre compte.
Personnage principal du film, Richard est l'anti-héros par excellence. Ce n'est pas un être particulièrement sympatique. Les épreuves de la vie l'ont rendu morose, froid, distant, irascible et taciturne, tel un fantôme voyageant dans la nuit, et réclamant la tête de ceux qui ont abusé de son frère Anthony. Voici un autre personnage central, qui se démarque par son handicap mental.
Sa nouvelle bande d'amis va profiter de cette faiblesse pour l'humilier. Victime malgré lui de ses rondomontades et de son comportement débonnaire, Anthony va faire les frais des délires toxicomanes de ses nouveaux amis. En l'occurrence, ces derniers vont montrer leur vrai visage en faisant preuve de pusillanimité. Ils le paieront cher, très cher...
Rassurez-vous, je n'en dirai pas davantage. Toujours est-il que Shane Meadows nous raconte une histoire cohérente, qui se déroule, encore une fois, au beau milieu de nulle part. Si Richard nous est décrit comme une sorte de spectre qui a perdu toute humanité, le héros reste malgré tout attachant. Indéniablement, Dead Man's Shoes est un film personnel, marqué par la mort, le deuil et l'incompréhension totale. Une impression qui est renforcée par une musique mortifère et quasi christique.
Toutes ces notions, fortes en symboles, vont prendre tout leur sens au fur et à mesure du récit... Jusque l'inéluctable et une conclusion finale d'une puissance inouïe. Toute la force de Dead Man's Shoes se situe ici, dans ses rebondissements, ses révélations et son twist final, délivrant au passage, un véritable uppercut en pleine tronche. Dans le rôle de Richard, Paddy Considine trouve le ou l'un des meilleurs rôles de sa carrière et livre une performance rarement vue au cinéma.
A ce jour, Dead Man's Shoes reste hélas (injustement) méconnu en France. Néanmoins, depuis plusieurs années, le film commence à faire parler de lui sur certains sites. Bref, si vous cherchez le ou l'un des meilleurs films de vengeance, il se trouve sous vos yeux et se nomme Dead Man's Shoes.
Note: 17/20
Alice In Oliver