Une tribune de Serge Federbusch pour FigaroVox et Delanopolis !
Le secrétaire d’Etat aux relations avec le parlement, Jean-Marie Le Guen, a cru porter un uppercut à la mâchoire de Bruno Lemaire. Au sens figuré, rassurez-vous. Il lui a dit en substance que sa position sur la réforme du collège traduisait un esprit de caste. La preuve, selon Le Guen : Lemaire n’a jamais mis les pieds à l’école publique. Ce dernier s’en est indigné et a renvoyé au fait qu’il avait démissionné de la fonction publique alors qu’Hollande ou Royal, qui dirigent la France paraît-il, sont toujours des agents de l’Etat, des membres de cette caste de hauts fonctionnaires qui gouvernent notre pays. Ce n’est sans doute pas la polémique la plus intéressante du moment, reconnaissons-le.
A ceci près que le déterminisme social auquel renvoie Le Guen, la double égalité posée entre école privée, bourgeoisie catholique et esprit de caste est la preuve évidente que le sectarisme règne encore dans l’esprit du sous-ministre socialiste.
Les contre-exemples, pourtant, abondent. Prenons en un seul, qui devrait intéresser Le Guen. François Mitterrand, ancien élève de l'école Sainte-Marie de Jarnac puis pensionnaire au collège privé d'enseignement catholique Saint-Paul d'Angoulême où il excelle en histoire, géographie, latin et en ... instruction religieuse ! Enfin, pensionnaire du 104 de la rue de Vaugirard où se trouve un foyer de pères maristes bien connu. Que lui était-il donc arrivé ? Ce devait sans doute être un héros prométhéen qui échappait aux dures lois de la détermination sociale si on suit le chemin intellectuel tortueux de Le Guen. On pourrait multiplier ce genre d’exemples, d’élèves et étudiants issus de milieux avec lesquels ils ont rompu, dans un sens ou dans un autre, de fils d’aristocrates mordus par le surréalisme et l’anarchisme, d’enfants de prolétaires gagnés à l’ordre bourgeois et à ses argumentaires.
Mais tout cela est trop compliqué pour Le Guen. Il faut bien s’accrocher à des catégories pré-déterminées, à un imaginaire de Far-West peuplés de méchants indiens et de bons cow-boys, qui deviendront ensuite bons indiens et méchants cow-boys quand le vent du conformisme des historiens de deuxième classe aura changé de direction.
Amusons-nous plutôt, pour Delanopolis, à appliquer à Le Guen la grille d’analyse qu’il utilise pour comprendre les autres. Où donc a-t-il appris la politique, ce brave médecin de formation ? A la meilleure école socialiste qui soit : celle de la MNEF, la mutuelle étudiante qui a tant défrayé la chronique judiciaire et financière ces dernières décennies.
Ce fut presque l’équivalent pour le parti socialiste de l’école des cadres des communistes français. En sortirent notamment avec les félicitations du jury Jean-Christophe Cambadélis et Olivier Spithakis, condamnés pour recel d’abus de confiance ou Sylvie Andrieux, députée socialiste qui a écopé en septembre 2014 de 4 ans de prison, dont 3 avec sursis pour détournement de fonds publics. Dominique Strauss-Kahn, alors avocat d'affaires, avait été rémunéré la bagatelle de 600 000 francs par la MNEF, au printemps 1997, quand se négociait l'entrée de la Compagnie générale des eaux au sein d'une holding de la mutuelle. Jean-Marie Le Guen fut en quelque sorte admissible mais pas admis à ce grand concours estudianto-pénal : mis en examen pour emploi fictif, administrateur puis salarié de la MNEF pendant près de quinze ans (de 1982 à 1997), conseiller médical de la direction, les juges lui reprochaient près de 1,5 million de francs (200 000 €) indûment perçus.
En outre, une autre mutuelle créée par la MNEF, au terme d'une convention datée du 1er juin 1993, lui avait versé 330 000 francs de 1994 à 1996. Il bénéficia d'un non-lieu en fin d'instruction pour insuffisance de charges. Un grand ouf judiciaire, mais quelle déception académique ! Si la MNEF cessa par la suite d’être sous le feu des projecteurs dirigés par les juges, sa brillante gestion la conduisit rapidement à la liquidation judiciaire. Quand on vous dit que c’était une parfaite école du socialisme ...
C’est sans doute à cette formation là que Le Guen doit sa foi inébranlable dans la manière dont une éducation façonne un homme.
Ne lui dites surtout pas qu’il a tort : il en perdrait son latin !