Suite de la série des Gauchitudes.
Boucle locale
Je suis de ceux qui pensent que le marché peut faire bien certaines choses, souvent mieux qu'une planification étatique. Hier je parlais de la confrontation entre le marché et l'Etat, et jmfayard a souligné l'intérêt qu'il y avait à ne pas rester dans la simple opposition Etat/marché. Cette idée me semble essentielle, en effet, pour sortir de certaines des vieilles habitudes qui font que les désirs de la gauche se heurtent à des réalités financières comme le pacte de stablité. Il n'y a pas que la gauche pour s'y heurter, bien sûr... mais passons. D'un côté, l'Etat est l'expression du collectif, et donc le rempart contre la dureté des "fins de cycle", mais d'un autre, l'étatisme n'est pas, en soi, une valeur de gauche. Et pourtant, c'est ce que l'on a souvent reproché à la gauche, parfois avec raison.
Le rapport entre l'Etat et le marché n'est pas seulement une question de bonne gestion, ou d'efficacité, mais une question éminement politique, une "conviction" comme le disais hier Monsieur Poireau. Quel choix veut-on faire entre l'efficacité des marchés et la souffrance humaine engendrée par krachs et autres couacs ? Que vaut cette souffrance?
Reprenons ces arguments d'efficacité du marché, qui dissimule un autre type de problème politique. L'efficacité du privé est devenue une idée reçue, que même la gauche n'essaie plus de renverser. Encore une fois, je ne veux pas m'enfoncer dans l'opposition entre l'État et l'entreprise, mais suggérer que l'avantage de l'entreprise (toujours en termes d'efficacité) sur l'État n'est pas nécessairement une loi économique, mais, en partie du moins, une question d'échelle : les petites structures sont parfois plus efficaces que les grandes. Et l'Etat est l'une des plus grandes structures, avec une mention spéciale pour l'Etat français avec sa prédilection pour la centralisation. Mais même à l'intérieur du monde de l'entreprise, il ne manque pas d'exemples qui montrent la même chose : souvent la très grosse boîte où il faut faire des centaines de réunions pour faire ci ou ça, n'est, comparée à une petite start-up, ni efficace ni innovante, n'arrive pas à s'adapter aux réalités du monde, partage en fait la plupart des défauts habituellement attribuées à l'État, seulement à une échelle différente.
Souvent nos amis libéraux semblent penser que la légendaire efficacité du "privé" est due à la pression des resultats sonnant et trébuchants et au poids des actionnaires, alors que souvent ces supposés avantages sont dûs simplement au fait que l'entreprise peut agir dans une logique plus locale, avec moins de distance entre les instances de décision et l'application de ces décisions. Et quand on dit les choss comme ça, on s'aperçoit que cette efficacité là n'est pas nécessairement réservée aux entreprises, mais peut être partagée des entités collectives.
Voilà donc une valeur de gauche qu'il me semble important, et utile, de défendre. Certes, c'est François Mitterrand qui a lancé la décentralisation, certes le PS est globalement crédité pour être efficace (tiens!) sur le plan local et régional, mais il faudrait encore enfoncer le clou pour en faire une valeur de premier plan. La démocratie participative, est, me semble-t-il, une tentative d'aller dans cette direction, même si pour l'instant le cadre reste celui d'une prise de décision nationale.
Et, bien sûr, ce n'est pas seulement une question d'"efficacité". Le rapprochement entre le citoyen et les instances de décision est un enjeu profondément démocratique, et profondément "gauchiste".