Fragmenter des œuvres : une façon de les réinterpréter

Publié le 15 mai 2015 par Lifeproof @CcilLifeproof

« Je suis fascinée par le détail, j’essaye de percevoir ce que personne ne regarde. Ma démarche artistique s’articule autour de morceaux, de fragments que je vois ou que je crois voir, que je capture dans les lieux de vie, ou des endroits que je traverse. Ces morceaux je les laisse exister ou je les réutilise tels des échantillons, pour recréer, sous forme de compositions photographiques de nouvelles images, de nouvelles œuvres ». Capucine Bourcart explique en ces termes l’exposition, qui se déroule en ce moment au musée Théodore Deck à Guebwiller et ce jusqu’au 26 mai prochain.

Vue d'ensemble de l'exposition avec Fleurs 1-2 à gauche et IZNIK entrelacé 1-2-3 à droite. Photo: Caroline Megel

Ce musée regroupe un large panel d'œuvres et de styles artistiques: une collection de lapidaires, des œuvres religieuses et profanes, des vestiges d'une vie industrielle dense... Mais ce qui fait sa renommée est sans conteste sa grande concentration d'œuvres du célèbre céramiste du XIXème siècle natif de la région, Théodore Deck (1823-1891).Technicien et ingénieur, cet artiste était avant tout un passionné. Toute sa vie fut consacrée à la maîtrise du feu, au travail de la matière souvent incontrôlable, et à l'ambivalence de l'objet, pouvant être à la fois utilitaire et artistique. Au sein de cette ancienne demeure canoniale du XVIIIème siècle, cinq cents pièces en faïence se dévoilent et relatent une avancée notable dans sa technique, une rétrospective de son chemin accompli et un inventaire des artistes rencontrés. Pour les visiteurs, il s'agit d'un voyage dans le temps, au fil d'une déambulation forte en découverte. Parmi les cinq niveaux du musée, le rez-de-chaussée se pare régulièrement d’œuvres d’artistes contemporains.

Vue d'ensemble de l'exposition avec Médaillons d'oiseau à gauche, Rosace à fond Vert et Rosace à fond Bleu à droite. Photo: Caroline Megel

Tout comme l’artiste du XIXe siècle, Capucine Bourcart est originaire de Guebwiller. À travers la photographie, elle met en lumière des détails et sublime les couleurs, afin de révéler aux spectateurs ce qui est à voir. Pour cette exposition, intitulée Théodore Deck Fragmenté, l’artiste a pris de nombreux clichés des œuvres de Théodore Deck issues de la collection du musée. Puis en réalisant des découpages – en cercle ou en rectangle – et des collages, elle recompose des œuvres pour nous faire redécouvrir le travail de l’illustre céramiste. D’ailleurs, Capucine Bourcart parle de la céramique comme quelque chose qui « nous rapproche de nos fondamentaux, du travail de la terre avec qui l’artisan, le faiseur, est en contact lorsqu’il crée une œuvre ». Elle rajoute, que « c’est pour retrouver ces sensations, cette origine de la création, que j’ai souhaité travailler différemment cette fois-ci et privilégier des réalisations manuelles alors que l’essentiel de mon travail était digital jusqu’à présent ». En effet, l’artiste donne une matérialité à la photographie, qui gagne en volume et en relief.

Capucine Bourcart, Ecailles de couleurs, photo-collage papier d'archives, papier photo d'archives, colle sans acide. Photo: Caroline Megel

Nous retrouvons dans cette exposition les thèmes, qu’affectionnaient Théodore Deck : les couleurs – notamment le bleu, dont il donna son nom, le vert céladon et le jaune – la faune et la flore, ainsi que les motifs orientaux s’inspirant des céramiques d’Iznik.

Mêlant élégance et délicatesse, les œuvres ainsi présentées sont empreintes de poésie et de romantisme. Les couleurs chatoyantes tranchent avec le blanc des cadres et le caractère épuré de la salle d’exposition. J’ai particulièrement apprécié l’œuvre nommée Écailles de couleurs. Il s’agit d’un échantillon de toutes les couleurs de Théodore Deck, rassemblées en un même collage. En forme de cercle, chaque écaille est méticuleusement collée sur une seule partie et disposée en quinconce produisant du volume et de la matière. La lumière reflète différemment les écailles selon leur couleur ; les effets visuels sont remarquables et attirent l’œil du spectateur. Capucine Bourcart exalte les couleurs et rend abstrait le travail du céramiste par le biais d’une interprétation singulière, semblable à un détail d’une peau appartenu à un animal fantasmagorique, émanant de son imaginaire foisonnant. ; bien loin des animaux reproduits par Théodore Deck, semblable aux dessins d’un naturaliste chevronné.

Au-delà d’un simple hommage à l’artiste Guebwillérois, Capucine Bourcart a su mettre en valeur les œuvres, souvent méconnues du céramiste, tout en montrant son propre travail artistique. Son regard de photographe a perçu une autre facette de la collection présente dans le musée, qu’elle nous a fait partager de manière variée et étonnante. Elle tient à préciser qu’« en dehors de mon admiration pour ses œuvres, une toute autre chose me touche de la part de Théodore Deck et m’a motivée d’autant plus à accepter cette collaboration avec le Musée Deck, c’est le rapport que Théodore a toujours eu avec les artistes ». En effet, « tout au long de sa carrière il n’a eu de cesse de tisser des liens avec eux, de les associer à son travail afin qu’ils illustrent et subliment ses créations. C’est dans cette droite lignée que je m’inscris et j’espère avoir proposé un nouveau regard qui intéressera ou fera redécouvrir ce céramiste hors du commun ».

Caroline.

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Exposition Théodore Deck Fragmenté 

Du 14 février au 26 mai 2015

Musée Théodore Deck – 1 rue du 4 février 68500 Guebwiller

Ouverture : jeudi et vendredi de 14h à 18h

Week-end et jours fériés de 10h à 12h et de 14h à 18h

Entrée libre