Par/by Lauriane Nicol
Rédactrice/Editor
Présenté en ouverture du 68e Festival de Cannes, La Tête haute d’Emmanuelle Bercot est un drame énergique et émouvant, élevé par la relation entre deux acteurs dont la carrière est aux antipodes : Rod Paradot - qui fait une entrée fracassante dans le cinéma français - et Catherine Deneuve - qui règne sur les grands écrans depuis plus de 50 ans -. Notre avis sur le film.
Showed at the opening of the 68th Cannes Film Festival, Standing Tall (La Tête haute) by Emmanuelle Bercot is an energetic and moving drama, raised by the relationship between two actors whose careers are at odds : Rod Paradot - who makes a sensational debut in the French cinema - and Catherine Deneuve - who reigns on big screens for over 50 years -. Our opinion on the film.
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Synopsis : Le parcours éducatif de Malony (Rob Paradot), de six à dix-huit ans, qu’une juge des enfants (Catherine Deneuve) et un éducateur (Benoît Magimel) tentent inlassablement de sauver.
Polisse + Mommy + Pascal le grand frère ?
© Wild Bunch Distribution
A première vue, le scénario de La Tête haute se situe quelque part entre Polisse (2011) - dans lequel jouait d'ailleurs Emmanuelle Bercot -, Mommy (2014) et l'émission de TF1, Pascal le grand frère.A Dunkerque, Malony est un adolescent « difficile », déscolarisé et violent, spécialiste des vols de voitures. Sa mère, interprétée par Sara Forestier, est bien trop immature, paumée et accro aux stupéfiants pour l’élever. L’enjeu est de savoir comment la justice, incarnée par Catherine Deneuve en juge des enfants, et Benoît Magimel en éducateur et racaille repenti, pourront aider Malony à relever la tête.
En attendant, après une énième interpellation, l’adolescent est envoyé dans un centre pour mineurs délinquants. C’est là qu’il fait la rencontre de Tess (Diane Rouxel, déjà vue dans The Smell of Us), fille de sa professeure, garçon manqué pleine de charme, à la fois fragile et virile.
De maladresse en maladresse, les deux adolescents vont apprendre à apprivoiser leurs corps et à mieux maîtriser leur violence.
Trois femmes (im)puissantes
© Wild Bunch Distribution
On aurait pu s’attendre à ce que l’amour sauve Malony de la délinquance, qu’il s’assagisse et se range pour les beaux yeux de Tess. Mais Emmanuelle Bercot est heureusement bien plus subtile que cela et évite le piège du mélo. Car si cette relation amoureuse change assurément la donne pour Malony, elle ne résout pas par magie tous ses problèmes : le chemin est encore long.De l’amour, Malony en donne également beaucoup à sa mère, mais celle-ci, complètement instable, n’est pas capable de le recevoir. Finalement, le seul repère solide, la seule bouée d’amarrage dans le parcours chaotique de Malony est sa juge. Même en « femme-tronc » inamovible derrière un bureau, Catherine Deneuve impose sa présence et son autorité naturelle, tout en laissant paraître une certaine fragilité rassurante. Le film est ponctué de ces rendez-vous dans le bureau de la juge, et chacun de ces tête-à-tête ouvre un nouveau chapitre pour l'adolescent.
Navigant entre ces trois figures féminines on ne peut plus différentes, Malony avance, oscille, trébuche, soutenu par un Benoît Magimel plutôt convaincant en ancien délinquant devenu éducateur et lié à la juge par un parcours qu’on imagine aussi difficile que celui de son protégé.
Un film qui n’évite pas tous les clichés mais qui touche au coeur
© Wild Bunch Distribution
Le personnage interprété par Rod Paradot est intéressant à bien des égards : autodestructeur, excessif, à vif, Malony est aussi et surtout un adolescent qui a peur, peur des autres, de lui-même et même peur des handicapés, comme il le confesse à un moment par téléphone.On pourrait toutefois regretter que cette subtile peinture d’une personnalité n’ait pas été appliquée à l’ensemble du film : le personnage de la mère et celui de l’éducateur semblent écrits de manière moins nuancée et n’échappent pas à certains clichés.
Le dénouement est emblématique de toute l'ambiguité qu’inspire le film : indéniablement émouvant, il est à la fois attendu et étonnant, porteur d’optimisme et annonciateur de complications. Il est difficile d’en tirer une morale, et c’est tant mieux.
Dans l’ensemble, Emmanuelle Bercot réussit son coup : La Tête haute est un beau film social, qui met en lumière le travail éducatif des juges pour enfants et du système judiciaire pour mineurs en général, sans toutefois sombrer ni dans un angélisme admiratif ni un pathos misérabiliste.
Même si le film - le scénario comme la mise en scène - aurait pu esquiver quelques lieux communs, cette Tête haute réussit à nous émouvoir grâce à l’énergie des acteurs et à l’espoir qu'ils inspirent.
En savoir plus :
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- Date de sortie France : 13/05/2015