C’est un court roman de Colombe Schneck , autour d’un lieu l’appartement de sa famille à Paris, à proximité des jardins du Luxembourg. C’est un roman étonnant sur l’enfance, une famille unie malgré un passé douloureux, d’un amour omniprésent entre ses membres. Hélène la mère, le père de famille, les grands-mères, les enfants, les amis comme Laure, les voisins comme T., la nounou qui s’occupe des enfants Mme Jacqueline. L’auteur nous raconte aussi bien le lieu étrange, hors norme avec sa déco années 70, que des souvenirs personnels et marquants. Au départ on ne sait pas si l’histoire est réelle ou fictive puis, on comprend qu’elle est personnelle.
Val de Grâce c’est le lieu aussi de l’enfance perdue, du bonheur passé, lieu de toutes les fantaisies, c’est à la fois un souvenir et une époque. Un temps béni plein d’amour, protégé des douleurs de la vie, des problèmes d’argent, un lieu sans contrainte où les enfants sont rois, du point de vue de la narratrice. C’est associé à l’espoir, à la magie comme lors des soirées, des recettes de cuisine, ou de rencontre avec des personnages célèbres comme Fred Astaire.
Mais c’est aussi un lieu qui est rattrapé par la fatalité, où la mort rôde, avec la maladie de la mère Hélène, le délitement des objets qui marquent la fin d’une époque. C’est la période du deuil de son enfance, des illusions, l’évocation d’un passé familial douloureux, l’héritage de ses morts anciennes en filigrane; comme si ce lieu et cette période était une parenthèse enchantée donnée en compensation aux membres de la famille. Comme si à travers leur famille, les parents, grands parents avaient voulu oublier la douleur, et faire une enfance et un départ de rêve aux 3 enfants de la famille. Se faire plaisir et oublier le temps qui passe.
J’ai aimé l’évocation de ce lieu qui semble sortir d’un conte de fée, ce lieu fou, ces anecdotes d’enfance, ce bonheur. J’ai apprécié aussi les hésitations, questionnements de l’auteur autour de ses oublis de mémoire, cette volonté de garder quelques objets qui symbolisent cette époque révolue chez elle. L’histoire des vêtements, les moments d’enfance, la galerie de personnage évoquée de manière à la fois pudique et aimante sont très touchantes. J’ai apprécié le style à la fois grave et léger cette farandole de souvenirs, les passages plus grave avec l’évocation de la fin de vie.
Ce récit m’a touché car il m’a rappelé des souvenirs d’enfance, de lieu, d’objet associés à ma grand-mère et comment on perçoit enfant le monde adulte, comment on se rappelle plus tard ces moments, ces souvenirs qui restent une fois que les gens ne sont plus là.
C’est un récit agréable qui alterne les époques heureuses ou difficiles, les grands drames et les petits tourments, qui ont marqué l’auteur, le jeu de mots sur le lieu de vie de la narratrice et l’hôpital dans le titre résume l'ambivalence de ce lieu associé à ses plus grandes joies et peines . La question paradoxale au départ que l'on comprend au fil de la lecture ( "est ce qu'on me pardonnera d'avoir été aimée à ce point?") de la 4e de couverture invite à découvrir cette histoire familiale, personnelle certes mais finalement universelle sur la transmission, le bonheur, faire face aux épreuves et à ses souvenirs.
Donc prenez un ticket pour le musée des souvenirs de l’auteur au Val de Grâce, découvrez cet univers fantasque, ces morceaux de vie qui vous toucheront et feront sans doute comme à moi remonter en mémoire des souvenirs de votre passé. Lisez la prose pudique, sensible de Colombe Schneck et sa valse des souvenirs.