ICPE : illégalité de l'autorisation d'exploiter une carrière dans l'axe d'une "coupure verte" définie par le SCOT (CAA Nantes)

Publié le 14 mai 2015 par Arnaudgossement

Par arrêt du 11 mai 2015, la Cour administrative d'appel de Nantes a annulé l'autorisation préfectorale d'exploiter une carrière située en zone Nb du PLU, dont le classement est contraire à l'objectif de maintien de "coupures vertes" tel que défini par le schéma de cohérence territoriale avec lequel le PLU doit être compatible.

Dans ce dossier, la société L avait bénéficié d'une autorisation préfectorale d'exploiter, au titre de la police des ICPE, une installation d'extraction et de conditionnement de matériaux alluvionnaires.

Une association sollicite l'annulation de cette autorisation ICPE. La Cour administrative d'appel de Nantes fait droit à cette demande au motif que la carrière en cause a été autorisée en zone Nb du PLU de la commune d'implantation, laquelle méconnaît l'objectif de maintien de "coupures vertes" visées par le Schéma de cohérence territoriale (SCOT).

Ces "coupures vertes" sont définies en ces termes par le document d'orientation général du SCOT :

"les coupures vertes " (...) créent également des ponts (points de passage) naturels propices au maintien de la biodiversité entre des secteurs écologiques à fort intérêt tels que les massifs forestiers ou le fleuve ... Ces coupures doivent être maintenues avec des vocations agricoles ou récréatives compatibles avec leur rôle écologique."

La définition de ces coupures vertes est proche de celle des "continuités" ou "corridors" écologiques.

Cet arrêt est a signaler en raison :

- d'une part, de la portée ainsi donnée aux objectifs et orientations d'un SCOT dont le régime a été récemment modifié (SCOT intégrateur" défini par la loi "ALUR" du 24 mars 2014) ;

- d'autre part, de la portée également donnée à notion de continuité écologique qui traduit une conception nouvelle de la protection et de la valorisation de biodiversité (trame verte et bleue, corridors écologiques, compensation de la biodiversité...) ;

Il n'en demeure pas moins que cet arrêt révèle aussi l'impératif de rechercher un nouvel équilibre entre le principe de sécurité juridique et la protection de la biodiversité.

Arnaud Gossement

SELARL Gossement vocats

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Cour Administrative d'Appel de Nantes

N° 13NT01425

lecture du lundi 11 mai 2015
(...)

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société L. a déposé, le 25 juin 2009, auprès des services de la préfecture du Loiret, un dossier de demande d'autorisation, au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, de création et d'exploitation d'un site d'extraction et de conditionnement de matériaux alluvionnaires sur un ensemble de terrains situés sur le territoire de la commune de M. au lieu-dit " l'Etang " ; qu'il était ainsi prévu la réalisation successive, en vingt-cinq phases annuelles, d'opérations d'extraction de matériaux d'un tonnage total de 2 165 000 t sur une zone regroupant les parcelles cadastrées AH 46 à 51, AH 70 à 75 et AH 78 à 83 d'une superficie totale de 61 hectares 92 ares et 13 centiares ; que le projet prévoyait également la construction de 3 installations de criblage, lavage et cyclonage de matériaux ; qu'une enquête publique s'est déroulée du 16 juin 2010 au 20 juillet 2010, à l'issue de laquelle le commissaire enquêteur a émis un avis défavorable au projet ; que, par un arrêté en date du 28 mars 2011, le préfet du Loiret a délivré l'autorisation sollicitée ; que la commune de M. et l'association M. relèvent appel de deux jugements en date du 19 mars 2013 par lesquels le tribunal administratif d'Orléans, qu'elles avaient saisi de deux demandes d'annulation de cet arrêté, a rejeté celles-ci ;

Sur la jonction :

2. Considérant que les requêtes n° 13NT01425 et n° 13NT01426 sont relatives à une même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre afin de statuer par un même arrêt ;

Au fond, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-1-15 du code de l'urbanisme applicable en l'espèce : " Les programmes locaux de l'habitat, les plans de déplacements urbains, les schémas de développement commercial, les plans locaux d'urbanisme, les plans de sauvegarde et de mise en valeur, les cartes communales, la délimitation des périmètres d'intervention prévus à l'article L. 143-1, les opérations foncières et les opérations d'aménagement définies par décret en Conseil d'Etat sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 123-5 du même code applicable dans les mêmes conditions : " Le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, pour la création de lotissements et l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une installation classée pour la protection de l'environnement ne peut être autorisée en application des dispositions d'un plan local d'urbanisme ou d'un document en tenant lieu qu'à la condition que les dispositions de ce plan soient compatibles avec les orientations et les objectifs définis par le schéma de cohérence territoriale applicable au secteur concerné ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le dernier état de la procédure, le site d'extraction faisant l'objet de l'autorisation délivrée par le préfet du Loiret le 28 mars 2011 est régi par les prescriptions de l'article Nb du plan local d'urbanisme de la commune de M. interdisant dans le secteur en cause : " (...) Toutes les constructions et installations non liées à l'exploitation d'une carrière(...) " ; que, par ailleurs, le document graphique du plan local d'urbanisme classe en zone Nb référencée " zone de carrière " l'ensemble des parcelles constituant le terrain d'assiette de l'installation faisant l'objet de l'autorisation délivrée le 28 mars 2011 ; qu'en conséquence, et toujours dans le dernier état de la procédure, la délivrance de l'autorisation précitée était, contrairement à ce que soutient la commune, conforme aux prescriptions du document d'urbanisme applicable sur le territoire de la commune de M. ;

5. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération Orléans Val de Loire prévoit la création d'une coupure verte située " à l'est de M. " ; qu'il est précisé par le document d'orientation général dudit schéma, en page 311, que les coupures vertes " (...) créent également des ponts (points de passage) naturels propices au maintien de la biodiversité entre des secteurs écologiques à fort intérêt tels que les massifs forestiers ou le fleuve ... Ces coupures doivent être maintenues avec des vocations agricoles ou récréatives compatibles avec leur rôle écologique. Dans le cadre de leur PLU, les communes devront préciser l'emprise des coupures vertes à maintenir, en interdisant durablement leur urbanisation " ; que ce même document indique expressément la nécessité de maintenir les cinq coupures vertes mentionnées sur le plan dont l'une est située à l'est de M. ; qu'il ressort de la lecture de la carte annexée au schéma de cohérence territoriale, et reprise en page 49 du rapport joint au dossier soumis à l'enquête publique dans lequel cette carte est complétée avec la localisation de la zone retenue pour le projet d'exploitation de carrière, que les parcelles classées Nb mentionnées plus haut se situent directement dans l'axe de la coupure verte prévue par le schéma de cohérence territoriale à l'est de Mardié ; que, dès lors, la création de cette zone Nb par le plan local d'urbanisme de la commune de Mardié n'est pas compatible avec les orientations et les objectifs définis par le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération Orléans Val de Loire ; que, par suite, ce plan local d'urbanisme ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 122-1-15 du code de l'urbanisme, autoriser l'implantation, sur la zone en cause, de l'installation classée de la société L. ; qu'en conséquence, les requérantes sont fondées à soutenir qu'en accordant l'autorisation contestée, le préfet du Loiret a lui-même méconnu ces dispositions ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précèdent que la commune de M. et l'association M. sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 28 mars 2011 ;

(...)

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 mars 2013 et la décision du préfet du Loiret du 18 mars 2011 sont annulés.

Article 2 : L'Etat et la société L. verseront chacun à la commune de M. et à l'association M. une somme de 1 000 euros pour chacune des requérantes.

(...)