Mais vous me diriez que l'argent n'a rien d'humain que vous auriez raison.
Récemment j'ai croisé une dame d'un certain âge avec dans la main un album, tout récemment mis sur la marché de Leonard Cohen: Can't Forget: A Souvenir of the Grand Tour.
Depuis 2001. Leonard est en mode récupération de fortune. Après avoir lancé 10 albums en 25 ans, il en a lancé 9 autres en tout juste 14 ans. Et pas les meilleurs...des compils, des spectacles, du recyclé.
Mais il réconforte le bon vieux poète de Westmount. Sa voix chaude enveloppe et assure sécurité mentale aux âmes. C'est probablement ce qu'achetait madame. Elle tenait sa sacoche comme une femme qui avait peur de se la faire voler, mais avait Leonard entre les doigts pour se rassurer en fin de soirée.
Voici 10 albums de la carrière de l'énigmatique juif, d'abord écrivain et poète avant de passer en studio sous le micro.
10. Old Ideas. 2012.
Plein d'auto-dérision, Cohen parle de lui sur cet album à la troisième personne. Entouré d'amis, il a visiblement du plaisir à livrer sa prose. Mélodies sensibles, banjo, violon, piano, fumée de bar de fin de soirée, orgue jazée, les vieilles idées du fils de tailleur ne sont pas vilaines.
9. Recent Songs. 1979.
Gypsy folk à saveur d'Amérique du Sud-Ouest. Le groupe Passenger est son band de studio pour cet album. Imagerie sexuelle et religieuse entremêlée comme toujours, Leonard adapte même Antoine Gérin-Lajoie avec des arrangements de mariachis. Abstrait par moments, il retrouve un certain équilibre sur cet album suite à une période sombre de sa vie.
La mariage des talents de Phil Spector et Leonard Cohen ne fait pas l'unanimité. La simplicité habituelle des arrangements de Cohen est plus ou moins obscurcie par la mégalomanie de Spector. Cohen a détesté sa collaboration avec Spector et a même fait retirer l'album pendant 5 ans. Mais l'oreille peut tout de même y trouver de quoi s'y plaire.
7. New Skin for the Old Ceremony. 1974.
Poète et homme de plume longtemps avant de chanter, cet album rend justice aux textes de l'homme d'alors tout juste 40 ans. Il chronique sa relation avec Janis Joplin, trois ans après la mort de celle-ci et les images abstraites deviennent des terrains de guerre lorsqu'il parle de relations entre deux êtres. La livraison des morceaux est plus passionné que sur la plupart de ses albums.
6. Popular Problems. 2014.
Produit, écrit et lancé dans la foulée de son "retour" en compagnie du réalisateur de Madonna et de Bryan Ferry (mariage incongru!) ses problèmes populaires sont ponctués de délicieuses satires avec de multiples références au judaisme, au christianisme et avec une saveur zen fort appréciée.
5. The Future. 1992.
Plus près du spoken word que de la chanson, quand Leonard est réapparu dans nos oreilles au début des années 90, il fût aidé par le film Natural Born Killers d'Oliver Stone qui allait se servir de deux de ses chansons pour rajeunir le public du vieux Cohen. Un seul homme, sur la mince ligne de la confusion spirituelle, contre le monde entier, armé de sa voix éraillée. Très bon.
Étonnant effort sophistiqué et moderne pour l'époque. La pièce titre est sensuelle à souhait, l'imagerie crypto-fasciste d'un des morceaux (repris brillamment par R.E.M. des années plus tard) et le cynisme d'Everybody Knows font de ce cours album (8 morceaux) une écoute fort intéressante.
3. Songs of Love & Hate. 1971.
Je remarque que les trois albums que je préfère, sont aussi ces trois premiers. En ordre décroissant. Et sont la trilogie des "chansons". Écrivain d'abord, on dirait que Leonard voulait se convaincre que son tiroir à chansons allait bien être distingué de son tiroir à poésie, à nouvelles ou à roman. Le titre de cet album dit tout. Il y a de l'amour et il y a de la haine. Il s'agit de son album le plus émotif et le plus intense. Inspiré en utilisant une chorale d'enfants par moments ou encore avec des accents de Roy Orbison, cet album avait derrière sa console Bob Johnston à la réalisation, un producteur qui a concocté d'excellents albums aussi pour Dylan dans ses meilleurs années.
2. Songs From a Room. 1969.
Bob Johnston est aussi à la réalisation de ce joli album. Ça créera d'ailleurs des froids avec Dylan qui se fera voler peu à peu ses musiciens de studio et de tournée. La harpe vient alimenter certains morceaux, et les textes sont non seulement très honnêtes mais offrent aussi une lucarne sur le judaisme.
1. Songs of Leonard Cohen. 1967.
Construit habilement, croisant les thèmes de l'amour, de la rage, des envies. des besoins, de la compassion et de la trahison, ce nouvel artiste est alors d'abord un auteur. Il se mérite dès le départ le titre du maître du désespoir érotique. Il ne cessera jamais de scruter obsessivement les moments d'occasionnels gentillesse humaine et les atrocités fréquentes. émotives et physiques. Audacieux pour l'époque, sans ce premier effort, alors qu'il avait une voix plus près du nez que de la gorge, a donné naissance à toute la suite.
Et réconforte encore 48 ans plus tard.