Une partie des intentions de Jim Starlin est probablement de retoucher son personnage fétiche, de modifier subtilement mais clairement (avec lui une justification plausible est toujours attendue) les événements de ces dernières années, pour pouvoir s'en servir à sa guise dans les mois à venir. Quel autre meilleur moyen d'y parvenir que de proposer une aventure cosmique dont la finalité est de récrire en partie la réalité, et en déballant la caisse à joujoux, avec toutes les créatures chéries du passé (Drax, Warlock, le Surfer, le Tribunal vivant...) et newbies stars du moment en invités de passage (les Guardians of the Galaxy). Thanos doit résoudre une équation universelle et mystique et appuie sa recherche sur une babiole inoffensive mais détentrice d'un pouvoir inconnu. Ce faisant, le public visé, c'est nous autres les fans des premières heures, ou ceux de la saga Infinity des années 90. Le langage (un verbiage parfois pompeux et didactique), la manière dont évolue l'action, le rythme de la narration, tout nous porte vers ces oeuvres de Starlin qui ont marqué notre jeunesse, et nous place loin des standards à la Hickman, Bendis, ou de l'ironie irrévérencieuse qui imprègne nombre de productions modernes. L'auteur parvient à nous plaire avec des coups de folie comme il en avait autrefois le secret, des élucubrations métaphysiques qui deviennent soudain des évidences, et changent en une case, une planche, notre perspective des évènements et de la réalité même. Mais il a tendance à diluer ses effets, et à ralentir le plus possible sa réflexion, comme s'il persistait un certain manque d'ambition dans ce graphic novel, qui peine à déboucher sur quelque chose de spectaculaire, de capital. Le problème de cette "révélation" c'est qu'elle arrive peut être avec quelques années de retard, et ne peut que faire pâle figure si comparée avec les petits bijoux de Starlin du passé. Mais vous auriez tort de la classer au chapitre des comics à éviter, car il s'en dégage malgré tout un charme inexplicable, qui va au delà de la nostalgie et de notre intérêt pour Thanos. Les dessins, classiques et soignés (encrés par Andy smith), ou la mise en couleur splendide de sobriété et de pertinence, contribuent à la conclusion finale de cette chronique, à savoir vous inciter à donner une chance à cette histoire, en souhaitant qu'elle soit le prélude à quelque chose de plus ambitieux.