~~LA FENÊTRE
L'hiver dernier à Paris, J'avais rencontré Mme de Jardy. Plus je la connaissais, Plus elle me plaisait. Elle était veuve. C'est par paresse que j'aime les veuves ! Je cherchais alors à me marier :
-" Vous m'accepteriez Si je vous proposais d'être votre mari ? "
-" Comme vous y allez, mon ami ! Certes, on peut essayer. Mais je veux d'abord vous étudier. Alors, cet été, pendant deux mois, Venez me retrouver chez moi Dans ma campagne, Nous verrons Si nous nous accordons. "
J'ai passé juin et juillet Dans son manoir "les Œillets". Elle s'efforça de percer Mes plus intimes pensées, D'observer mes moindres mouvements. Elle me surveillait à tout moment. Même la nuit, j'étais espionné Par sa bonne qui dormait Dans la chambre d'à côté. Tout cela m'a impatienté.
Voulant hâter le dénouement, Je devins entreprenant : Je glissai un billet dans la main De la soubrette qui s'appelait Jeanne :
-" Je ne te demande rien de vilain Mais je désire faire à ta maitresse Ce qu'elle fait envers moi. Écoute-moi, Elle veut connaître mon caractère, Mes habitudes et mes manières. Moi, je voudrais que tu m'indiques... Quelques détails au sujet de son physique. Tu es sa chambrière. Tu l'habilles, Tu la déshabilles. Est-elle aussi grasse qu'elle en a l'air ? Dis-moi si elle met du coton... Là...où on s'assoit, ou devant... Là où on nourrit les petits enfants ? Dis, met-elle du coton ? Certaines femmes ont les genoux rentrés Qui s'entre-frottent à chaque pas qu'elles font D'autres ont les genoux écartés De telle sorte que leurs jambes Forment une arche de pont. Comment sont ses jambes ? Dis-moi comment est-elle ? "
-" Vous n'allez pas me croire : Madame est faite comme moi, à part ...qu'elle... Est... noire ! "
Je résolus de me venger De cette bonne qui m'avait joué. La nuit suivante, je me suis introduit Dans sa chambre. Elle était bien faite. Nous fûmes bientôt très...amis. Elle devint une maitresse rouée à plaisir. Ses douceurs me permirent D'attendre... que Mme de Jardy ait cessé De m'éprouver.
Curieusement, cette dernière commençait À me trouver "Délicieux" ! J'en étais heureux Et attendais le baiser légal D'une femme que j'aimais ...Dans les bras d'une fille Pour qui j'avais une amitié vile !
Avant le déjeuner, J'avais l'habitude d'aller fumer en haut de la tourelle du manoir Qui surplombait la Loire. L'escalier n'était éclairé Que par une seule fenêtre cintrée.
Un jour, Jeanne, vêtue très légèrement, Penchée sur le rebord, Regardait rêveusement au dehors. Elle était charmante ainsi. Je m'approchai doucement, Me mis à genoux avec précaution, Pris le pan de son jupon, Le relevai avec frénésie Et jetai là un tendre baiser, Le baiser d'un amant qui peut tout oser.
J'ai entendu Un cri strident. Puis j'ai reçu une gifle.
Quelle fut ma surprise ! : La personne qui venait de me frapper Était Mme de Jardy !
Peu après, Jeanne me remettait un pli que j'ai ouvert et lu aussitôt : " Mme de Jardy espère que M. d'Arthaud La débarrassera de sa présence".
. Je suis parti le jour même... par bienséance.