Mass et Sims nous ont donné rendez-vous dans un studio ou Mass a l’habitude de bosser le vendredi, il est ingé-son et à côté de Now Futur, puisqu’il faut bien manger, il a l’habitude de faire de la post-prod pour quelques émissions de TV. On se sent vite comme à la maison, l’ambiance est plutôt détendue, et l’interview prend très vite une tournure de discussion entre potes. Entre souvenirs de l’âge d’or du hip-hop et besoin d’évolution, un regard sincère, une passerelle entre les différentes générations, sans amertume, bien loin du « c’était mieux avant ».
Union Street : Hey les gars tout d’abord expliquez nous un peu comment s’est constitué le collectif.
Sims : Fred (Mass) faisait de la photo et moi je faisais des openings d’artistes hip hop américains notamment pour le Bataclan, c’est comme ça qu’on on s’est connu. On se croisait régulièrement sur différents projets, puis un jour Mass m’a dit « ça t’intéresserait de faire des mixtapes? » Le but c’était de dénicher de nouveaux rappeurs, sur soundcloud par exemple, aujourd’hui c’est de plus en plus compliqué de trouver les bons sons à écouter, on est perdu dans la masse de flux qu’on nous propose. Alors on s’est dit qu’on allait écouter un max de trucs et faire le tri pour sélectionner les artistes qui nous semblaient être les plus intéressants. On a commencé à sortir 1 mix de 60 min tous les 2 mois qui pour nous devait représenter la crème de la crème du hip hop comme nous on l’aime.
Mass : Ce qu’on veut dire par « la crème de la crème », sans prétention, c’est des mc’s qui ont quelque chose à raconter avec une certaine recherche des mots, qui ont du flow… On est pas vieux jeu, on est pas du genre à clamer « le hip-hop c’était mieux avant » mais on est issu d’une génération qui a vécu l’âge d’or du hip-hop, une génération qui était là quand tout a commencé, on ne rêve pas de ce hip-hop là, nous on l’a connu. On est pas des nostalgiques de cette époque, mais notre oreille s’est développé par rapport à ce qu’on a pu écouter et découvrir quand on était plus jeune.
Alors même si nos goûts s’orientent parfois vers du old school, même si on possède aussi ce côté boom bap, notre musique et celle que l’on met en avant ce n’est pas uniquement ça. On a aucune limite tant qu’on apprécie le son, on est pas réfractaire à ce qu’il se fait aujourd’hui, au contraire y’a des choses mortelles! Voilà, ça a commencé par des mixs ensemble, de la musique et puis pleins de projets ont suivi…
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« …On voulait montrer à l’ancienne génération et à la nouvelle qu’on était tourné vers demain… »
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US : Pourquoi ce nom « Now Futur » justement?
Mass : Au départ on avait une mixtape sur Okayplayer et on avait pas vraiment de nom. Le projet c’était de faire découvrir de nouveaux artistes, on bossait en collaboration avec MC 5. Un jour il m’a dit « on va appeler ça Now Futur » et j’ai dit ok. Le futur c’est maintenant quoi. L’idée du nom « Now Futur » est arrivée bien avant le délire de futur beat concept. On voulait montrer à l’ancienne génération et à la nouvelle qu’on était tourné vers demain.
US : Vous auriez quoi à dire à ceux qui apprécient votre musique parce qu’ils la qualifient d’old school?
NF : Si t’écoutes ce qu’on a fait sur des projets tels que l’hommage à Mf Doom, c’est vrai qu’il y a des influences old school, mais si t’écoutes les show notre musique ce n’est pas que du boom-bap. On joue ce qu’on aime : ça peut être des sons plutôt old school comme des prods plus futuristes.Ce qu’on recherche c’est plus un état d’esprit, une ambiance cool pour faire kiffer les gens et après on va vers toutes les musiques, c’est au feeling.
On garde une certaine exigence en ce qui concerne la qualité mais on a pas de freins musicaux. Pour les shows on s’adapte souvent à la programmation déjà en place et au public présent, y’a du bon dans tous les styles.
US : Vous travaillez sur quels types de projets? C’est quoi le gros de votre travail?
Sims : Les projets arrivent avec les idées, parce qu’on en a envie. On se dit pas qu’il faudrait faire tel ou tel projet pour atteindre tel objectif, on a juste envie de faire quelque chose qu’on apprécie et ensuite si il en ressort quelque chose…Eh bien tant mieux. Par exemple Mass et moi on avait une émission sur Rinse France qui s’appelait NOw FUTUR à l’époque. On a rencontré le label Cosmonostro, on appréciait vraiment les artistes qu’ils mettaient en avant, c’est naturellement qu’on a commencé à bosser ensemble en s’associant d’abord pour un évènement, puis c’est de là qu’est née l’émission Futuronostro.
Les projets ont évolués avec les découvertes, les collaborations, les coups de coeur, le collectif a continué de se développer en fusionnant avec de nouveaux artistes comme Primat, Dtweezer ou encore une rappeuse de Floride, Versailles, dont on appréciait vraiment le travail, on prépare la sortie de son EP en ce moment.
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«Rien n’est calculé, on se fie simplement à notre oreille. La musique ça doit avant tout rester un ressenti. »
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US : Comment vous déterminez qu’un artiste est bon? Comment se font les sélections?
NF : Tout d’abord on fait rien de façon opportuniste. On va pas travailler avec untel parce que c’est le truc du moment et que tout le monde le fait, ça nous intéresse pas. Si il fait de la bonne musique et qu’on trouve ça cool, alors on va avoir envie de faire quelque chose ensemble et ensuite tout se fait au feeling. Rien n’est calculé, on se fie simplement à notre oreille. La musique ça doit avant tout rester un ressenti.
US : Mais dîtes moi vous êtes aussi de sacrés sampleurs d’images, j’ai eu la chance d’assister au concert de Doom l’année dernière au Bataclan et la 1ère partie que vous nous avez offerte était vraiment dingue. L’image pour vous ça a une valeur aussi importante que la matière auditive?
NF : (Rires) Euh… Ouais un peu mais c’était une belle galère…
Mass : Mf Doom ça touche à une légende du hip hop comme on l’aime pour nous. Michael de MC5 nous a proposé d’ouvrir pour Mf Doom. On était vraiment ravie d’avoir cette opportunité. J’ai commencé par envoyer à Sims tous les samples originaux sur lesquels Doom avait bossé. Sims a monté le mix sonore, on a tenté de rester fidèle au son de Doom.
Puis l’idée de monter un show visuel est venu naturellement, c’était logique Doom a beaucoup de références visuelles des séries, des dessins animés, on a voulu que les images montrent les multi facettes de l’artiste. On a fouillé et on a sélectionné toutes les images liées aux samples, il fallait que le tout soit cohérent et sympa à regarder pendant 45 min. On a fait appel à un pote Alan The G pour nous aider à monter les images et il a fait un super job.
C’était fastidieux, on s’est un peu mis en galère, mais on aime ça, c’est hyper motivant. En plus d’être regardable, il fallait que ça fonctionne en live, il a fallut que Sims repense le concept afin de pourvoir le jouer en live. Si on avait pas eu la deadline du concert je sais pas si on aurait tenu jusqu’au bout, mais on l’a fait et on en est vraiment fier. On l’a joué en live 3 fois puis finalement on a décidé de sortir la vidéo sur internet, on était pas sûre que cela fonctionne en dehors du show et finalement c’est plutôt une belle réussite, en 2 mois on a déjà plus de 25000 plays et ça a même été relayé au Japon.
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« Je pense qu’on vit simplement avec notre temps et qu’il faut savoir se remettre en question… »
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US : C’était le tout premier projet visuel sur lequel vous avez travaillé?
Sims : Non moi j’avais déjà eu des galères similaires quand je bossais en tant que DJ pour la Scred Connexion, on avait construit un show qui mêlait présence physique aussi des images vidéos. Je savais déjà dans quelles genres de galères on allait s’embarquer.
US : J’ai l’impression que dans certaines de vos démarches il y a un côté éducatif et pédagogique, la transmission pour vous c’est quelque chose d’important?
Sims : Il n’y a rien de prémédité là dedans, ça a toujours été notre façon de travailler de montrer comment on fabriquait le son. C’était déjà présent dans les premiers show : on lançait d’abord le son original, on le laissait tourner puis quand on sentait que c’était le bon moment on balançait notre prod par dessus. Je pense qu’on vit simplement avec notre temps et qu’il faut savoir se remettre en question, sans cesse aller de l’avant, essayer de construire pour pouvoir évoluer.
Mass : Par exemple nous on est pas nés avec tous les nouveaux médias qu’on connaît aujourd’hui, y’a du bon comme du mauvais, on se lance constamment de nouvelles réflexions. On a toujours aimé expliquer comment on créait nos prods ça a jamais été un secret gardé, avec internet les gens demandent des nouveautés constamment, alors on a eu l’idée d’expliquer un sample par jour, c’est de là que sont nées les vidéos sampling de Sims.
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« …J’ai commencé à écouter du hip-hop en 85 quand t’achetais des disques de rap (…) Le hip-hop je pense que pour pleins de gens de ma génération ça nous a ouvert à une multitudes d’autres musiques qu’on aurait jamais écouté sans ça… »
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US : Justement qu’est ce qui a changé aujourd’hui dans la manière de créer la musique?
Mass : J’ai commencé à écouter du hip-hop en 85 quand t’achetais des disques de rap, quand en matière de hip-hop t’avais 10 sorties d’album dans l’année, tu faisais avec. Du coup ça te permettait de prendre le temps d’écouter toute la finesse d’un album, d’en connaître les moindres détails. Tu regardais au dos de la pochette et là t’avais le nom de tous les morceaux originaux qui avaient été utilisés pour faire les prods, ça te donnait envie de les écouter et c’est comme ça que tu te mettais à découvrir la funk, le jazz, la soul, ou bien du rock… Le hip-hop, je pense que pour pleins de gens de ma génération ça nous a ouvert à une multitudes d’autres musiques qu’on aurait jamais écouté sans ça.
Sims : Aujourd’hui cette culture est moins présente, avec les problèmes de droits d’auteurs, le sample ça coûte cher. Il a fallu qu’on trouve d’autres moyens de créer, et avec ces nouveaux outils, la production de la musique s’est démocratisée, ça a pleins de bon côtés, ça facilite beaucoup de choses et c’est plus accessible. Mais parfois ça peut tuer le feeling, l’âme d’une musique. Parfois j’écoute des trucs, c’est bien foutu mais ça ne me procure aucune émotion, c’est difficile de recréer ce sentiment sans véritables instruments.
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« …Ce qu’il faut retenir de tout ça c’est qu’au final la musique et l’argent ça ne fait pas bon ménage…»
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US : Vous pensez qu’internet peut changer l’industrie de la musique?
NF : Aujourd’hui on a accès à tout, tout de suite, mais le processus de création lui ne va pas plus vite pour autant, il y a juste plus d’artistes. Mais du coup avec la concurrence un artiste dure moins longtemps. Y’a plus d’argent dans la vente de disque, ce qui paye aujourd’hui c’est les concerts et internet ne changera pas ça, c’est pas en faisant du tout payant sur le web que ça va changer, on n’y arrivera pas. C’est impossible, car internet c’est tout l’inverse de ça, c’est la liberté, y’aura toujours des gens qui créeront des passerelles afin de s’échanger des fichiers gratuitement.
Y’a pas d’argent sur le web, ou en tout cas pas assez, soundcloud ça rémunère pas les artistes, les seuls qui peuvent rémunérer les artistes pour le moment c’est les chanels youtube. Ce qu’il faut retenir de tout ça c’est qu’au final la musique et l’argent ça ne fait pas bon ménage. On ne fait pas de la musique pour faire de l’argent, et si on le fait au final on ne fait pas vraiment de la musique.
US : Ce soir on vous retrouve avec le label Cosmonostro au Social Club pour un social nostro? Vous le sentez plutôt cool?
NF : Bah ça va aller comme toujours, j’me pose plus la question. On y va, on va passer un bon moment et on espère que les gens vont s’amuser.
UNION STREET RADIO MIX #14 par NOW FUTUR :
Propos recueillis par Melanie Bomb
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