"La vie n'est jamais rien qu'un ouvrage collectif."
Dans un taxi, la jeune Anaïse se dirige vers un village côtier d'haItien, Anse-à-Fôleur sur les traces de son père qu'elle a à peine connu. Elle cherche aussi à comprendre certaines pages opaques de son histoire familiale liées à son grand-père, Robert Montès qui a péri dans l'incendie de sa villa. Pour l'accompagner dans son voyage, Thomas, lui-même issu du petit village. Thomas qui va monologuer pendant ce voyage pour présenter à Anaïse ce qu'elle doit savoir, ou ne pas savoir du passé du village, de son pays...
S'il commence par critiquer de la condescendance des pays riches, l'arrogance des riches touristes et des profiteurs en tous genres, il va amener la jeune femme à s'interroger plus largement sur le sens de la vie, sur sa présence au monde. A travers son monologue, il demande une écoute, un partage. Comment en effet vivre ensemble, quel sens donner à sa présence au monde sinon celui de la solidarité, de l'amour du prochain ?
"Laissez les choses à leur mystère. Maintenant que je ne vois plus, je ne trouve pas meilleur usage de ma présence au monde que de regarder par le fenêtre. Oui, deux hommes sont morts, deux maisons ont brûlé. Mas est-ce là le plus important ! Un jour, vous aussi vous mourrez. Quand viendra l'heure, posez-vous la question qui compte : "Ai-je fait un bel usage de ma présence au monde ?" Si la réponse est non, ce sera trop tard, pour vous plaindre comme pour changer. Alors n'attendez pas. Les circonstances de la mort n'offrent pas de clé pour commprendre. La mort demeure pour le vivant la plus banale des occurences, la seule qui soit inévitable. La mort ne nos appartient pas, puisqu'elle nous précède. Mais la vie..." p. 25
"Mais je pense que le problème avec les causes et les motivations, ce n'est pas de n'en avoir adopté aucune quand on avait vingt ans, c'est de les perdre à quarante." p. 140
Lyonel trouillot fait preuve ici d'un art du conteur alliant lyrisme et puissance de l'écriture. A la question de l'utilité de sa présence au monde, il alui-même répondu : "Essayer d'être utile, un peu. J'aime cette idée de l'individu devenant un "aide-bonheur" pour les autres, à charge de réciprocité." ( source : Mandor)
- Le style est quelque peu déroutant au début puisqu'il s'agit d'un long monologue, mais une fois entré en ces pages, on ne peut qu'être envoûté...
Gouverneurs de la rosée de Jacques Roumain
La belle amour humaine, Lyonel Trouillot, Actes Sud, 2011, 169 p., 17 euros