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Cent vingt et un jours, de Michèle Audin

Publié le 11 mai 2015 par Onarretetout

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Cent vingt et un jours, c’est onze fois onze. Pour obtenir le résultat d’une multiplication d’un nombre de deux chiffres par onze, il suffit d’additionner les deux chiffres et de mettre la somme obtenue en leur milieu : 11x11=121. Commencer ainsi pour parler d’un livre, un roman, ça fait un peu bizarre. Pourtant, c’est comme ça que j’approche ce roman de Michèle Audin. Les jours annoncés sur la couverture sont racontés au Chapitre VIII. C’est le bonheur d’un couple (1+1) extrêmement provisoire et immédiatement transformé en angoisse par la déportation d’André, qui publie ses thèses mathématiques sous le nom de Danglars. Pour comprendre le bonheur de cette rencontre et la douleur de cette séparation, l’auteure a fouillé dans des documents, eux-mêmes éléments du roman. Et c’est l’Europe du XXe siècle qui défile, les guerres, les mathématiques, l’extermination des Juifs, la folie, les matricules (encore des chiffres). 

Un des personnages change de nom dans chaque chapitre : un nom pris dans Le lys dans la vallée, de Balzac, Mortsauf dont on lira plusieurs altérations passant, notamment par (mor)Faust. Et la poésie allemande s’imposera quand l’imposture collaborationniste aura pris place sous le masque d’une gueule cassée.

Onze chapitres (plus un surnuméraire) font ce livre. Le onzième est une visite de Paris depuis le cimetière Montmartre, cette ville pour laquelle Baudelaire a écrit ces fameux vers : « Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville / Change plus vite, hélas ! que le coeur d'un mortel) ». La phrase entre parenthèses est également le titre du chapitre VI, annonçant la visite d’une ville allemande désignée sous l’initiale N. Le passé s’est incrusté dans l’une comme dans l’autre, même si on ne l’y reconnaît pas toujours. Les noms des rues, les plaques commémoratives, l’histoire apprise, parfois surgissent ici et là.

C’est un jeu de piste. Parmi les noms, les chiffres, puisqu’il s’agit de raconter les vies parallèles de deux mathématiciens. Et je me demande pourquoi, ces derniers mois, sont parues tant de biographies de scientifiques : Jérôme Ferrari publie Le principe, Cedric Villani publie avec Edmond Baudoin une bande dessinée, Les rêveurs lunaires, Etienne Klein publie En cherchant Majorana… C’est sans doute parce que la science est humaine et que l’écrire est un chemin pour résister à « la marée irrésistible de l’oubli ».


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