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Kidd le pirate, son trésor et Washington Irving

Par Pmalgachie @pmalgachie
Kidd le pirate, son trésor et Washington Irving L'information a fait le tour du monde en quelques heures, la semaine dernière. Le trésor du Capitaine William Kidd aurait été retrouvé. On a vu, à cette occasion, combien ce genre d'histoire passionnait encore. Les légendes de pirates et la littérature ont en effet toujours fait bon ménage, puis le cinéma a poursuivi le travail d'imprégnation auprès d'un large public. Kidd le pirate tel que le décrivit Washington Irving, son trésor (réel ou imaginaire) tel que les Américains en ont rêvé sur leur sol, tel est l'objet de ce livre numérique qui vient de paraître (au prix modique de 1,99 euros). En voici la préface. Il est loin, le temps où les chasseurs de trésors opéraient dans la discrétion, soucieux de préserver le fruit de leurs recherches. Celles-ci, coûteuses quand elles les entraînent dans de longues expéditions sous-marines, sont maintenant financées par des chaînes de télévision comme Discovery Channel. Barry Clifford, archéologue américain né il y a 70 ans au Cap Cod, fort d’une découverte majeure en 1984 – l’épave du Whydah, coulé plus de deux siècles et demi auparavant avec une fortune à bord – travaille ainsi pour une société de production qui réalise des films sur ses travaux. October Films avait obtenu, le 20 mars 2015, l’autorisation de tourner, pendant six semaines, un film documentaire dans les fonds proches de l’île Sainte-Marie de Madagascar. Cette autorisation a été retirée moins d’un mois après, quand le ministère de la Culture et de l’Artisanat a eu vent de l’utilisation d’une motopompe par l’équipe de Barry Clifford. L’engin est en effet peu susceptible de servir pour réaliser de belles images mais se révèle en revanche très utile pour des fouilles musclées. L’UNESCO alertée, les travaux sur site se sont cependant, semble-t-il, poursuivis puisqu’ils ont débouché sur la mise au jour d’un lingot d’argent d’une cinquantaine de kilos. Barry Clifford croit qu’il appartient au trésor de William Kidd, un pirate dont le navire, l’Adventure Galley, avait coulé dans ces eaux à la fin du 17e siècle. Et à la recherche duquel l’archéologue américain s’était déjà lancé lors de deux autres expéditions en 1999 et 2000. Malin, et probablement coutumier des divergences d’intérêts dans les mers où il plonge, Barry Clifford a mis sa découverte en scène : le bloc d’argent sorti de l’épave a été présenté au public le jeudi 7 mai. Le président de la république malgache, Hery Rajaonarimampianina, avait fait le déplacement pour l’occasion, en compagnie des ambassadeurs des États-Unis et de Grande-Bretagne. Brigitte Rasamoelina, ministre de la Culture, et l’UNESCO sont d’un faible poids face au prestige du moment. Aux riches heures de la piraterie traditionnelle, Madagascar, avec ses presque 5 000 kilomètres de côtes et ses baies sans nombre, a été, essentiellement sur la côte est, c’est-à-dire du côté où se trouve l’île Sainte-Marie, un point d’attache familier aux forbans, corsaires et boucaniers de tout poil. On trouve encore, dans certains villages, des cimetières dits « des pirates » où l’état des tombes, aux inscriptions généralement illisibles, laisse une belle place à l’imagination. Daniel Defoe avait ainsi situé à Madagascar, à la fin du 17e siècle, une république utopique créée par des pirates et baptisée Libertalia, dont les chercheurs s’accordent à penser qu’elle relève de la fiction. Mais dont des passionnés cherchent encore les traces dans le nord de l’île. Aujourd’hui, Libertalia est, plus prosaïquement, le nom d’une bière locale lancée, il y a quelques années, par une publicité télévisée simulant un abordage… Tout n’est cependant pas fictif dans les relations entre Madagascar et les pirates et la figure du Capitaine William Kidd s’est inscrite dans l’histoire de la flibuste. Condamné à la peine capitale en 1701 à Londres, pour meurtre et piraterie, il a été pendu cette année-là, le 23 mai. Deux fois : à la première tentative, la corde s’était rompue. Son procès et sa vie sont documentés avec précision, un ouvrage de Cornelius Neale Dalton paru en 1911 reproduisant les pièces d’un dossier particulièrement lourd. Né, selon ses propres dires, à Dundee (Écosse) en 1645, William Kidd est devenu pirate dans les Caraïbes. L’équipage franco-anglais de son bateau se mutine, rebaptise le bâtiment Blessed William et place Kidd au poste de capitaine. Écumeur de mers, s’enrichissant de ses prises, il se retrouve à Boston en 1695, avec la réputation qu’on devine. Ce qui incite le gouverneur Bellamont, nommé depuis peu, à lui confier une mission de nettoyage dans des mers où le commerce était rendu difficile par la présence des… pirates. « Il faut être fripon pour attraper les filous », commente l’écrivain Washington Irving dans un récit où il résume la vie de Kidd. Mais, fripon un jour, fripon toujours : du côté des Indes occidentales, le voici qui se remet à attaquer d’autres navires, jouant le rôle du voleur plutôt que celui du gendarme pour lequel il avait été engagé. Sa carrière se termine en 1698 à Sainte-Marie de Madagascar, avec la perte de son bateau et de sa fortune. Quoique, s’agissant de celle-ci, les rumeurs les plus folles ont couru à propos de l’endroit où il l’aurait cachée après l’avoir sauvée. Toujours est-il qu’il rentre alors, comme si de rien n’était, satisfait de son travail, à Boston où les informations sur ses exploits l’ont précédé. Il est arrêté et renvoyé vers l’Angleterre, pour connaître la fin que l’on sait. Ce n’est pas terminé : il est devenu une figure mythique à travers Edgar Allan Poe ou Robert Louis Stevenson qui se sont inspirés du personnage. Tandis que Barry Clifford continue à fouiller les épaves. Washington Irving (1783-1859), déjà cité, a utilisé le personnage de Kidd dans Tales of a Traveller, une suite d’essais et de nouvelles publiée en 1824 sous le pseudonyme de Geoffrey Crayon. M. Lebègue d’Auteuil se chargeait immédiatement de les traduire en français, « sous les yeux de l’auteur », ce qui justifierait les libertés prises avec le texte original. (Nous nous sommes donc permis, sans remords, de rétablir l’orthographe de quelques noms propres en suivant Irving plutôt que Lebègue d’Auteuil, et de moderniser quelques graphies.) Les trois nouvelles réunies ici – encore la première a-t-elle plutôt la forme d’un bref essai – montrent la place occupée par William Kidd dans l’imaginaire américain de l’époque, une vingtaine d’années après sa mort.

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