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Ela Orleans – Upper Hell

Publié le 11 mai 2015 par Hartzine

Il est des disques qui vous donnent l’envie de dépasser le simple exercice de la chronique, tentative parfois bien trop restrictive pour mettre en valeur la beauté qu’ils recèlent. Certains d’entre eux n’ont besoin que d’eux-mêmes pour exister. Ils ne vous transportent pas vers une simple satisfaction faite de plaisir purement auditif mais ouvrent des portes vers des univers insoupçonnés qui mettent en éveil bien plus d’un sens. Ces œuvres sont rares, uniques en leur genre et donc par adéquation d’une préciosité infinie.

Ela Orleans, au travers d’une discographie aussi atypique que remarquable se démarquant de tout code conventionnel, ne cesse d’alimenter son propre univers bien loin de toute aliénation à des influences plus ou moins bien digérées. Auteure de dix albums en sept ans alliant expérimentations sonores et conception cinématographique de sa musique sur fond de mélodies souvent pastorales, cette Polonaise ayant vécu un temps à New York avant de s’installer à Glasgow forge son destin bien loin des sentiers battus avec une audace qui n’a d’égal que le talent et l’obstination qu’elle met à tracer sa propre route faite de sonorités synthétiques froides et urbaines, d’ambiances chaudes et attachantes. Loin de rompre ce fil d’Ariane lui permettant de poursuivre son chemin dans le dédale de ses aspirations musicales aussi fascinantes qu’oniriques, Upper Hell, album sorti chez HB Recordings le 27 avril sous la houlette du producteur et musicien Howie B, apparaît comme la suite logique de Tumult In Clouds, la fascinante artiste invoquant de nouveau l’esprit d’Aleister Crowley, écrivain occultiste et astronome britannique du début du siècle dernier. L’enfer, ça n’est donc pas les autres semble-t-elle clamer tout au long des huit merveilles du monde des ténèbres composant cette descente aux enfers.

Ela Press Photo 2

L’introductif Dark Floor plante derechef le décor tout au long d’une entêtante ritournelle funèbre avant que le voyage ne se poursuive sur la River Acheron, inquiétante traversée  où le chant laisse la place à la diction, ce morceau n’étant pas sans rappeler l’Imperfect List de Big Hard Excellent Fish. C’est alors qu’Ela Orleans laisse transparaître ses aspirations les plus électro-pop, The Sky And The Ghost se jouant des modèles du genre agrémentant le propos de somptueuses harmonies vocales, chants de sirènes auxquelles il serait vain de tenter de résister. L’instrumental Secret Hands opère crescendo son effet dévastateur avant que l’implacable We Are One n’instaure une dose supplémentaire de dramaturgie sur fond de musique traditionnelle écossaise. Car la véritable réussite d’Upper Hell est bien dans le fait que la compositrice, qui juxtaposait lors de ses essais précédents les variations synthétiques, passe un cap supplémentaire en les associant, créant ainsi d’improbables symbioses ayant pour effet d’enrichir et de magnifier ses compositions. City Of Dis, morceau hybride oscillant entre l’indus le plus pur et l’électro-disco et Upon The Abysses visant de surcroît à mettre en avant les aspirations cinématographiques de sa musique en sont de parfaites illustrations. On pense alors avoir tout vécu, tout ressenti au fil de ce parcours initiatique d’une richesse insoupçonnée mélangeant les genres autour d’une thématique d’une implacable cohérence. C’était sans compter sur ce Through Me en forme d’adieu, délicieux chant du cygne aussi délicat qu’improbable soutenu par les voix de Katrina Mitchell and Stephen McRobbie des Pastels, divin adoubement et preuve ultime que la pop peut s’écrire et se jouer à bien plus d’un genre. Même les deux pieds en enfer, on peut parfois entendre chanter les oiseaux du paradis.

Upper Hell ne fera pas office dans la discographie d’Ela Orleans de simple élément complémentaire mais s’inscrira assurément dans le temps comme une pierre angulaire supportant le poids de ses œuvres passées tout en créant l’alchimie des genres qui alimentera à n’en pas douter ses essais futurs. Artiste d’ores et déjà unique, ce nouvel album lui permet de transcender son propre style, sa propre identité la rendant de ce fait encore plus précieuse dans ce paysage musical si aseptisé. Bénissez ce disque ou plutôt vouez-lui le culte qui se doit. Que l’on parle d’enfer ou de paradis, indéniablement il est ici question de grâce.

Ela Orleans sera cette année au programme de la Villette Sonique (lire). Ci-après, retrouvez en exclusivité la vidéo du morceau Dark Floor. 

Vidéo (PREMIERE)


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