"Lumière, le cinéma inventé"
Deux lieux parisiens majeurs offrent actuellement leur espace d'exposition à des inventeurs de grande notoriété : les frères Lumière d'une part au Grand Palais, Le Corbusier d'autre part au Centre Pompidou.
Avec "Lumière, le cinéma inventé", l'exposition du Grand palais met en perspective l'invention historique du cinématographe et l'industrie Lumière, fortune faite grâce à la mise au point et l'industrialisation des plaques photographiques dites "Etiquettes bleues". Désormais voué au numérique, le cinématographe plonge ici ses racines dans cette épopée. Un des deux frères Lumière (je ne me souviens jamais lequel !) malade, entend à travers la cloison de sa chambre le bruit d'une machine à coudre. Cette fois le miracle se produit. Pour résoudre le casse-tête du défilement de la pellicule et de son arrêt une fraction de seconde devant l'obturateur, il faut s'inspirer de l'entraînement des tissus sous l'aiguille des machines à coudre par le mécanisme dit du "pied de biche". La modeste machine à coudre occupe toute sa place dans cette exposition captivante où l'on vérifie que la première caméra des frères Lumières servait également de projecteur.
camera/ projecteur Lumière
Mais l'exposition laisse dans l'ombre une part obscure de ces inventeurs géniaux.
Louis Lumière soutient explicitement le régime fasciste italien. Pour le quarantième anniversaire de l'invention du cinéma, en 1935, un grand gala auquel assiste en personne Louis Lumière est organisé par le régime de Mussolini à qui Louis dédicace sa photo : « À son Excellence Benito Mussolini avec l'expression de ma profonde admiration. » Cette photo dédicacée associe son frère Auguste dans « la vive gratitude » qu'il exprime à l'égard des organisateurs fascistes de cette assemblée.
Par ailleurs Auguste Lumière écrit : « Pour que l'ère tant désirée de concorde européenne survienne, il faut évidemment, que les conditions imposées par le vainqueur ne laissent pas un ferment d'hostilité irréductible contre lui. Mais nul ne saurait mieux atteindre ce but que notre admirable Chef d'état, aidé par Pierre Laval qui nous a donné déjà tant de preuves de sa clairvoyance, de son habileté et de son dévouement aux vrais intérêts du pays. »
"Le Corbusier, mesures de l'homme"
Au Centre Pompidou, l'exposition "Le Corbusier, mesures de l'homme" revisite toutes les périodes de la création de l'architecte avec notamment l'époque lumineuse des années Vingt où L'Esprit nouveau éclaire tous les domaines artistiques.
Villa Savoye 82 Rue de Villiers, 78300 Poissy
Le Corbusier 1928/1931
Ces années vingt recueillent, personnellement, mon engouement pour cette incroyable radicalité architecturale qui n'a pas pris une ride. Au-delà de l'itinéraire créatif de celui qui, architecte, fut également peintre, l'exposition du Centre Pompidou passe sous silence un autre itinéraire. Le Corbusier a séjourné à Vichy pendant dix-huit mois et occupait un bureau d'Etat. Roger-Pol Droit, dans son article "Le Corbusier, un fascisme en béton " cite l'ouvrage de Xavier de Jarcy "Le Corbusier, Un fascisme français" qui relate le contenu de lettres de Le Corbusier adressées à sa mère en aout 1940 : "L'argent, les juifs (en partie responsables), la franc-maçonnerie, tout subira la loi juste". En octobre, il ajoute: "Hitler peut couronner sa vie par une œuvre grandiose: l'aménagement de l'Europe". En 1937 son objectif majeur est de « Créer une race solide et belle, saine ».
Longtemps passée sous silence, cette face méconnue de Le Corbusier porte une ombre au tableau d'une œuvre examinée aujourd'hui avec une distance nouvelle.
Du 27 mars au 14 juin 2015
Grand Palais, Paris
"Le Corbusier, mesures de l'homme"
29/04/2015 - 03/08/2015
Centre Pompidou Paris