genre: drame (interdit aux - 16 ans)
année: 2001
durée: 1h51
l'histoire : Bobby et Marty se connaissent depuis leur plu jeune âge. Bobby est un mauvas garçon qui prend plaisir à violenter et humilier son copain en toutes circonstances. Un jour, Bobby franchit la ligne jaune en violant Alie, une amie commune des deux adolescents. Aidé par son groupe, Marty échafaude alors un plan pour supprimer Bobby.
La critique :
Attention, claque en vue. Tiré d’un fait réel qui s’est produit en 1993 et adapté du livre de Jim Schultze, Bully est le deuxième volet de la (fausse) trilogie adolescente de Larry Clark, après Kids en 1995, et juste avant Ken Park sorti en 2002. Clark débuta sa carrière dans la photographie dans les années 1960 avant de bifurquer à la réalisation bien plus tard, au milieu des années 1990.
Dès ses débuts, le réalisateur s’est intéressé au milieu des paumés, des junkies et aux problèmes existentiels d’une jeunesse américaine à la dérive. Avec Greg Araki, Clark reste celui qui a le mieux dépeint la désespérance de cette jeunesse à l’aube des années 2000. Son premier film, Kids, créa la sensation dans les festivals par sa crudité et par la manière abrupte dont le cinéaste faisait preuve pour s’attaquer aux tabous du monde adolescent. Un monde où se côtoyaient drogue violence, chômage et sida.
Avant de verser dans le léger hardcore avec Ken Park, le réalisateur signe Bully, que je considère personnellement comme son œuvre la plus réussie. Pourtant, le tournage ne fut pas une sinécure. La faute à Brad Renfro (presque autant paumé dans la vie que le personnage qu’il interprète) qui dérape en volant le bateau d’un particulier, et que Clark eut toutes les peines du monde à faire sortir de prison. Déjà apparaissaient les failles du jeune Brad (18 ans à l’époque) qui allaient causer sa perte et sa disparition prématurée en 2008. Aux côtés de Renfro, on retrouve dans la distribution, Rachel Miner, Nick Stahl, Bijou Phillips et Michaël Pitt.
Et on ne peut que louer la qualité de l’interprétation de ces acteurs encore inexpérimentés pour la plupart. Attention, SPOILERS ! Marty Puccio et Bobby Kent se connaissent depuis l’enfance. Loin d’être saine, leur relation s’établit sur un rapport de force permanent. En toutes occasions, Bobby s’évertue à humilier et même à brutaliser son copain. Ils travaillent tous deux au fast-food de leur ville, Hollywood en Floride.
Là, ils font la connaissance d’Alice (surnommée Ali) et de Lisa, deux filles volages et désœuvrées. Lisa devient la petite amie de Marty et se retrouve rapidement enceinte. Entre surf et parties de sexe débridées, les jeunes errent sans but dans la ville dortoir. Un jour, Bobby viole Ali tout en la forçant à regarder la cassette porno mettant en scène deux homosexuels.
Marty, de son côté, ressent de plus en plus l’envie de se venger des humiliations qu’il subit en permanence de la part de son soi-disant meilleur ami. Excédé, lui aussi par ces violences à répétitions, le groupe se rallie à Marty et décide d’attirer Bobby dans un piège pour le supprimer. Après s’être procuré une arme, les jeunes recrutent un professionnel du crime afin qu’il les aide à accomplir leur sinistre plan.
Tous partent en virée nocturne dans les marécages à proximité de la ville. Leur destin va alors définitivement basculer...
Pour le meurtre de Bobby Kent, les protagonistes de la véritable histoire seront condamnés à des peines variant entre sept ans de réclusion et la prison à vie. Marty Puccio, lui, sera exécuté sur la chaise électrique en 1995. Dérangeant par son réalisme brut, Bully est un film coup de poing qui marque durablement les esprits. Même si l’on ignore l’épilogue du vrai fait divers, on se rend compte très vite que ces jeunes ne s’en sortiront pas et nous assistons, impuissants, à leur inéluctable descente aux enfers.
Sexe, drogue, violence, prostitution à peine déguisée… Les personnages présentés ici ne sont guère sympathiques. Pourtant, même si ceux-ci commettent l’irréparable, ils ne sont que le reflet d’une jeunesse américaine (et occidentale) en manque total de repères, dépourvue de discernement lorsqu’il s’agit de différencier le bien du mal. La faute à qui ? A quoi ? L’Amérique a depuis longtemps baissé les bras face aux dérives de sa jeunesse.
Larry Clark, lui, affronte le problème frontalement et il se charge de le dénoncer à travers la désespérance de ses films. Dans Bully, il dresse le portrait au vitriol et sans concession de ces adolescents paumés, désabusés, paumés, étrangers à toute notion de moralité. Le réalisateur signe une œuvre crue, choquante, à la limite du documentaire social. Le film où la nudité est omniprésente (il y a beaucoup de scènes osées) et où la violence est partout. Le réalisateur souligne aussi la sempiternelle déconnexion entre le monde de ces jeunes et celui des adultes, préoccupés par leurs propres problèmes et désespérément hermétiques au mal-être qui ronge leurs enfants.
La mise en scène d’une grande intensité peut également s’appuyer sur de très bons acteurs. Mention spéciale à Nick Stahl, excellent dans le rôle d’une véritable ordure, ainsi qu’à Michaël Pitt, remarquable en camé défoncé aux acides.
Brad Renfro livre aussi une bonne performance en souffre-douleur à la limite de la rupture. Bref, aucune fausse note côté interprétation. La provocation dont fait souvent preuve Larry Clark dans ses films est rarement gratuite. Ici, elle est carrément nécessaire. Peu de réalisateurs ont pris la peine comme lui d’appuyer là où ça fait mal en pointant du doigt la déliquescence qui gangrène la jeunesse. Bully n’est pas uniquement le récit d’un fait divers macabre.
C’est aussi une grosse claque au politiquement correct et un coup de pied au cul aux sociétés occidentales sclérosées, satisfaites d’elles-mêmes et surtout, incapables de se rendre compte du désarroi de sa jeunesse. Et une société qui néglige ceux qui représentent son avenir doit s’attendre à connaître très vite de sérieuses désillusions. Clark l’a bien compris et nous met en garde avec ce film choc qu’est Bully. Excellent mais aussi effrayant.
Note: 17/20