Les enseignants sont supposés irréprochables, rigoureux et imperméables à la moindre erreur humaine. Je ne parle pas de l’excellente la réputation dont nous affublent les médias mais de l’opinion de nos élèves adorés pour qui, évidemment, nous sommes de purs esprits, entiers dévoués à notre sacerdoce profession, sans famille ni loisirs, puisque nous vivons à temps plein derrière notre bureau, farouchement armés de l’arme de notation massive : le stylo rouge.
Certes nous bénéficions de congés à fréquence régulière (non, non, je ne polémiquerai pas ici sur la néo réforme des rythmes scolaires et la tentative de mise à mort finale des langues anciennes bien que je pleure sur le destin du latin et du grec, plus que jamais hérité de la tragédie du même nom…) qui nous permettent, entre autres, de passer de beaux moments avec nos propres marmots et, bien évidemment aux sacro-saintes corrections. J’avais ainsi prévu de me consacrer (au sens religieux du terme vous l’avez deviné) à l’évaluation de quelques copies portant sur un passage d’Andromaque. Racine… Hermione (l’héroïne grecque, pas la jolie copine d’un certain Harry le balafré)… Pyrrhus… Autant de noms qui promettaient un envol vers les trésors du 17è siècle. Je me régalais par avance.
Départ vers une zone non hostile (comprendre loin du bureau évoqué plus haut avec vue sur la mer histoire de se recharger en iode). Installation du bazar et des juniors. Quelques jours off (parce que bon, on a aussi le droit de penser à autre chose). Enfin, la minute studieuse : je m’empare du stylo (voui, le rouge), ouvre la sacoche qui contient copies, cours, carnet de notes, bref, le kit de survie de l’enseignant. Mais là, damned, enfer et téléportation, scrogneugneu et compagnie : point de Racine. Hermione et Pyrrhus se sont fait la belle. Je vide, compte, retourne, re-vide, secoue. Nenni. Nada.
Je repasse le film du trajet. Aurais je fait tomber le précieux dossier au détour d’une aire d’autoroute, entre plein d’essence et infâme salutaire café de station service ? Jeté la pochette avec les vieux magazines à haut pouvoir abrutissant (mais tellement indispensables) ? Posé le paquet sur le toit de la voiture pour le glisser dans le coffre et oublié avant de démarrer ? Autant de questions qui restent sans réponse. Au passage je stresse les juniors (qui forcément n’y peuvent rien) qui voient moman perdre sa légendaire bonzitude pourtant tout droit héritée d’un lointain cousin par alliance, moine tibétain de son état.
Bref. Deux semaines à culpabiliser. Maudire ma soi-disant organisation soviétique (dixit les mêmes juniors) qui a du plomb dans l’aile. Mes pooovres élèves s’étaient pourtant appliqués sur le sujet. Et moi qui prie perpétuellement saintes Méthode et Organisation. Ca va être facile à défendre le jour de la rentrée quand je vais leur dire que les devoirs sont aux abonnés absents…
Retour à la maison. Re-vidage du fourbi. Lancement des machines (le linge, pas l’appareil, vous suivez ?). Installation derrière le bureau (sans la vue sur la mer) et soupir de désespoir. « Maman ! Mais elles sont là tes copies ! » me hurle mini moi 1. Quoi ? qu’ouïs-je ? Qu’accoustiqué-je ? Que vois-je ? Mais oui, les vilaines étaient sagement restées sur le canapé pendant que je réactivais mon ulcère. Grrr, ma blonditude légendaire a encore frappé.
Effet secondaire de cet abandon à l’insu de mon plein gré : un week end pour corriger le tout. Ca m’apprendra