… même le crabe est royal ! …
Qui sait encore aujourd’hui quel roi se cache derrière ce surnom ? Pourtant fort peu mérité lorsque l’on connait la personnalité pâle et faible de Louis XV, arrière-petit-fils de Louis XIV. Sous son règne qu’il n’assuma vraiment à aucun moment les mises en cause de la royauté se firent jour sous les plumes de Voltaire et des encyclopédistes. Les prémices de la future révolution de 1789 germaient lentement mais sûrement.
Le restaurant du même nom n’a conservé de ce règne que le style, les décors, et les peintures. Dorures, chaises, tables, miroirs, chandeliers, porcelaine, tout est dans le ton de ce début du XVIIIème siècle et fut réalisé par les artisans qui travaillent au château de Versailles. Madame de Pompadour ou la Du Barry, célèbres favorites du Roi ne seraient pas dépaysées. Par contre, pour le Parisien du XXIème siècle, le choc culturel est évident mais, bien installé, parfaitement accueilli, on s’y sent bien avec cette étrange impression de jouer une pièce de théâtre dans un décor d’époque.
Certes, les serveurs ne sont pas en perruques poudrées mais pas loin. Veste blanche croisée, sommelière en costume gris, et le jeune chef Régis Versieux, passé par Robuchon et un court moment à La Petite Cour, se retrouve à la tête des cuisines. Une aventure pas comme les autres avec un parti pris nettement gastronomique, sinon franchement moderne, créant ainsi un décalage avec le décor. À l’origine de ce projet, un Américain d’origine marocaine, issu de la finance, et qui trouvait qu’à Paris et à New York tous les nouveaux restaurants se ressemblaient peu ou prou oubliant leurs racines et leur histoire. Un hommage, appuyé, à une époque riche.
Le Crabe est quand même royal et présenté façon sashimi, finement assaisonné et parfumé à l’huile de Combawa, très présente et qui couvre un peu la saveur du crabe, découpé de plus très fin. Un joli plat, cependant.
Les Asperges (bien) vertes et savoureuses, parfaitement cuites (un peu al dente) reposent sur un gratin inversé, agrémentées de Colonnata. Parfait, bonne idée et excellent.
Volaille de Bresse, salsifis et cages de pommes de terre. Un plat un peu tarabiscoté dans la présentation, inutilement, technique donc un peu froid et surtout manquant d’une bonne lichette de jus de cuisson… surtout d’une volaille de Bresse !
Joue de veau façon blanquette. Gentiment déstructuré (le mot existe encore ?) avec la viande en boulettes très moelleuses, beaux légumes al dente et très savoureuse et fine sauce de blanquette. Encore une réussite sans être cependant bouleversante.
Dessert parfait, surtout le remarquable Soufflé à la mangue, sorbet aux fruits de la passion, d’une grande finesse et d’un beau jeu d’alliance avec les fruits de la passion. Un chaud-froid réussi. Petite réserve sur le dessert phare du chef depuis l’ouverture (à peine deux mois) le Thé Matcha en alliance avec le safran et le citron. Le safran sort grand vainqueur de la confrontation, donc l’équilibre nécessaire est un peu bancal.
Une cuisine très travaillée, très pensée, assez sophistiquée, qui joue sur une partition gastronomique de produits haut de gamme et donc de prix assez élevés, mais parfois un peu figée dans sa tenue qui se veut irréprochable. Carte des vins magnifique avec tous les grands noms du bordelais et de la Bourgogne, à prix également élevés mais justifiés, et l’on peut se rabattre sur le choix des vins aux verres, bien choisis.
Une curiosité à ne pas manquer mais aussi une adresse et un chef à suivre car il y a là de la bel ouvrage.
18, rue d’Anjou
75008 Paris
Tél : 01 42 65 45 99
www.le-bien-aime.com
Voiturier
M° : Miromesnil
Fermé dimanche & lundi
Menu déjeuner : 54 € (3 plats)
Menu Dégustation : 140 € (6 plats)
Carte : 100 € environ