Dualité à Troie

Publié le 24 août 2007 par Decrauze
L’élimination de dix candidats n’a pas affadi l'inattendue effervescence. L’affectif Bayrou a réussi, avec l’ardent soutien de la caisse de résonance médiatique, à capter une bonne part des feux de la rampe d’entre deux tours. Le retour de la classique bipolarisation n’a pas encore émergé, ce qui aurait effacé, par la même, le coup de tonnerre d’il y a cinq ans.
Après l’extrême droite qui a imposé la mobilisation des UMP, PS and Co pour le même candidat, le centre révolutionne le second tour, obligeant chacun des deux prétendants à l’intégrer à sa stratégie de conquête d’un électorat élargi.
Pour Nicolas Sarkozy, la volonté affichée de passer par-dessus les bouclettes de François Bayrou pour redynamiser le vote pavlovien de ses électeurs historiques. Ses coulisses, elles, grondent du « débauchage » frénétique des élus UDF inquiets pour leur devenir politique. Bien sûr, ces ralliements opportunistes répondent à des convictions indubitables…
La posture de Bayrou exhale un petit quelque chose de plus digne que les déserteurs de la dernière heure, même si, là aussi, l'ambition personnelle explique ses coups de billard à trois bandes.
Avec Ségolène Royal, l’art du retournement élocutoire vit des heures glorieuses. L’« imposteur », meneur de cette révolution centriste, s’est transmué en fréquentable allié potentiel. Le T.S.S., dont se sont rengorgés à la va-vite les LCR, LO et autre Bové ratiboisés, doit avoir aujourd’hui l’infect goût de la compromission à la sauce centriste…
Passionnante campagne qui éclaire la valeur de chacun empêtré entre ses convictions et les nécessités du jeu démocratique.
Le grand débat final du 2 mai ne fera pas oublier l’urticante petite finale du 28 avril sur BFM TV. Pour résumer le double objectif du français François : démontrer que de forts points de convergence existent avec Madame Royal pour rendre incontournable la nouvelle place de Bayrou comme leader, de fait, d’une opposition au pouvoir sarkozyste. Cela suppose aussi, comme finalité consubstantielle, de ne pas renforcer la candidate pour qu’elle s’essouffle en vue du 2 mai et sa grand messe contradictoire sur écran plat. Machiavélisme naturel pour toute personnalité qui veut parvenir au pouvoir hexagonal suprême.
Les performances rhétoriques de Royal et Sarkozy penche, sans
conteste, vers ce dernier, comme l’ont confirmé leur passage alterné sur les plateaux de TF1 et France 2. Ainsi, passé au crible chamalowté de Bachy et Poivre d’Arvor, dans Face à la Une, les deux candidats à la présidence ont pu laisser s’exprimer leur personnalité et exposer leurs idées sans la présence de féroces déstabilisateurs.
Le ressenti, la subjectivité laissent poindre en soi quelques impressions, au-delà des programmes respectifs. Le candidat Sarkozy révèle un plus grand enthousiasme, déroulant un discours aux intonations plus captatrices. A l’inverse, prestation d’une Royal tétanisée à la monotonie jospiniste. D’un côté, que l’on partage ou non son argumentaire, une volonté presque instinctive de convaincre, de séduire, d’aller au bout de son schéma, de l’autre, une rhétorique mécanique, sans flamme, sans saillance lumineuse…
Sans doute chacun peut avoir une équipe gouvernementale solide, compétente et prête au dépassement d’elle-même pour appliquer le programme de l’élu-e. On ne peut pourtant pas occulter que la Ve propulse à la maîtrise du pays une personne qui doit, au minimum, apparaître crédible intrinsèquement.
Quel que soit le résultat, et si (divine ou dramatique ?) surprise il devait y avoir, la campagne présidentielle aura réconcilié l’électorat avec l’idée d’une utilité cardinale de la politique et que ses incarnations nouvelles ne sortent pas du même moule, sans aspérités distinctives.
Pour achever dans la nécessaire auto-critique : pas si rasante que ça cette campagne au sang neuf. Et d’épiques empoignades et rebondissements en perspective…