[…] L’amour a toujours le temps. Il a devant lui le front d’où semble venir la pensée,
les yeux qu’il s’agira tout à l’heure de distraire de leur regard, la gorge
dans laquelle se cailleront les sons, il a les seins et le fond de la bouche.
Il a devant lui les plis inguinaux, les jambes qui couraient, la vapeur
qui descend de leurs voiles, il a le plaisir de la neige qui tombe devant la fenêtre.
La langue dessine les lèvres, joint les yeux, dresse les seins, creuse les aisselles,
ouvre la fenêtre; la bouche attire la chair de toutes ses forces,
elle sombre dans un baiser errant, elle remplace la bouche quelle a prise,
c’est le mélange du jour et de la nuit.
Les bras et les cuisses de l’homme sont liés aux bras et aux cuisses de la femme,
le vent se mêle à la fumée, les mains prennent l’ensemble des désirs. […]
André Breton et Paul Eluard