Juliette Binoche aime les personnages forts et torturés (quand elle ne fait pas de la figuration dans les blockbusters Américains comme Godzilla). Elle aime aussi tourner pour des réalisateurs de tous horizons : Olivier Assayas, Bruno Dumont, David Cronenberg, Amos Gitaï, Hou Hsiao-Hsien, Abel Ferrara, Michael Haneke, Jean-Luc Godard, John Boorman, Lasse Hallström, André Téchiné, Krzysztof Kieslowski... Arrêtons la liste là, vous avez compris : moquée ou admirée, Juliette Binoche fait ce qu'elle veut, et, en général, elle le fait sans concessions, et elle le fait bien. Pas étonnant donc de la retrouver dans le rôle de Rebecca, une photographe de guerre elle aussi sans concessions, mue par un sentiment fort (et juste) de jouer un rôle essentiel dans la dénonciation au monde de ce qu'il se passe dans les régions les plus dangereuses du globe. Erik Poppe , le réalisateur Norvégien de L'Épreuve, est lui-même ancien reporter de guerre, et n'a aucune difficulté à nous plonger dans la violence et la tension inhérente à ce métier trop rarement montré au cinéma. Les scènes où Juliette Binoche se saisit de son appareil en plein zone de conflit sont impressionnantes, et constituent d'ailleurs l'un des principaux intérêts d'un film qui pêche par un certain manque d'ambition. Il ne faut d'ailleurs surtout pas rater les premières minutes du film, qui vous offrent l'une des scènes de cinéma les plus dérangeantes vue cette année. Mais L'Épreuve en question n'est pas forcément celle que l'on croit. Comment en effet Rebecca peut-elle mener une existence " normale " auprès de son mari et de ses deux filles, alors qu'elle voit les pires horreurs lors de ses reportages tout autour du globe ? Niché en Irlande, son petit foyer qui ferait rêver n'importe qui (oui mesdames, Rebecca est marié à Marcus, joué par le toujours très juste (et accessoirement canon) Nicolaj Coster-Waldau, le Jaime Lannister d'une série TV bien connue) est, pour elle, la vraie zone de danger. Addicte à son métier, au besoin de montrer au monde ce qu'elle est l'une des seules à pouvoir aller chercher, Rebecca ne supporte plus de savoir ses filles se réveiller la nuit, imaginant leur mère tuée par une balle ou une bombe
Les décors Irlandais font beaucoup pour ce film à la réalisation somme toute classique (sauf, donc lors des scènes sur les zones de conflit), mais aux interprètes particulièrement inspirés :
Binoche n'a pas besoin de se forcer pour incarner cette femme forte qui se retrouve face à un choix cornélien, tandis que Coster-Waldau convainc en mari amoureux et admiratif de son épouse, mais que le besoin de protéger ses filles et lui-même oblige à se retrancher derrière une intransigeance touchante. Mention spéciale à la nouvelle venue Lauryn Canny, qui apporte ici à l'ainée de Rebecca son physique fragile et sa sensibilité à fleur de peau. L'Épreuve est un film qui ne révolutionnera rien, mais qui pose des questions justes sur la famille et les choix parfois difficiles qu'elle impose. Les fans de Binoche seront de toute façon ravis, tandis que les autres pourront peut-être regretter que le film semble rester bien sage dans ses thématiques : rien n'est vraiment dénoncé (alors qu'il y aurait eu matière à le faire), et on reste, sur la fin, avec le sentiment d'avoir un peu tourné en rond. Dommage, car on aurait pu passer du bien au très bien.Titre Original: TUSEN GANGER GOD NATT
Réalisé par: Erik Poppe
Genre: Drame
Sortie le: 06 mai 2015
Distribué par: Septième Factory
BIEN