Les montées en cadence de production des avions se confirment tant chez Airbus que chez Boeing voire męme ATR et Embraer, męme si ce n’est gučre le cas chez Bombardier. De plus, maintenant que le Rafale remporte des succčs ŕ l’exportation, il se pourrait que leur cadence de production ŕ Mérignac puisse ętre augmentée. Ce qui assurera non seulement de la charge de travail chez les avionneurs, leurs motoristes et équipementiers, mais aura aussi comme incidence de probables recrutements. Et pas n’importe lesquels.
Tout d’abord, męme si les travaux d’ingénierie tendent ŕ se réduire car il n’y a pas ŕ proprement parler de nouveaux programmes, les avions commerciaux nécessitent de perpétuelles études d’aménagement intérieur en fonction de la compagnie cliente, des modifications structurales au fur et ŕ mesure de la motorisation qu’elles retiennent, tandis que dans le cas d’avions militaires (et c’est aussi le cas pour les hélicoptčres) il convient d’adapter l’appareil aux besoins propres des armées clientes notamment en fonction de l’armement qu’elles prévoient d’emporter.
Chez Airbus, Thierry Baril, directeur général des ressources humaines non seulement de l’avionneur Airbus mais aussi d'Airbus Group, a depuis longtemps expliqué qu’il y aurait des transferts de personnel de l’ingénierie vers des postes plus Ť manuels ť, et ce pour éviter autant que faire se peut de licencier du personnel. D’autant qu’ŕ l’autre extrémité de la chaîne il y a un besoin cuisant d’opérateurs.
Pour la seconde fois au salon aéronautique du Bourget, les industriels et leur groupement professionnel (le Gifas) lancent l’Avion des Métiers. Une opération qui vise ŕ sensibiliser les jeunes ŕ ces métiers de l’aéronautique qui restent au cœur de la fiabilité de ces appareils qui nous permettent de sillonner le Monde. Et comme l’a rappelé le président du Gifas Marwan Lahoud (également directeur de la stratégie d’Airbus Group), aujourd’hui Ť on en n’est plus aux éclisses et aux coins mais aux écrans vidéo, car il s’agit pour les opérateurs de piloter des équipements ŕ commande numérique donc dotés d’écrans (voir notre chronique du 10 avril 2015). ť
Cette année au salon ce seront donc les métiers de la production qui seront mis en exergue car ce sont ceux qui remportent le moins d’engouement chez les jeunes. Il faut leur prouver qu’il y a un avenir dans ces professions martčlent Marwan Lahoud et son alter ego des équipements Emmanuel Viellard (lui-męme PDG de Lisi Aerospace).
Une vingtaine de métiers seront ainsi mis en exergue dans l’Avion des Métiers, une opération qui s’adresse tout autant ŕ l’aéronautique qu’au spatial.
. Le chaudronnier aéronautique –le choumac- est l’homme ou la femme qui manque le plus ŕ l’industrie aéronautique française.
. L’opérateur de machines-outils avec leurs commandes numériques … męme s’il y a toujours un peu de cambouis … mais est-ce vraiment pire que le cuisinier vis-ŕ-vis du beurre, de l’huile ou de la graisse … męme lorsque celle-ci est d’oie ou de canard ?
. Le soudeur de matériaux Ť exotiques ť qui demandent ŕ ce que l’opérateur soit requalifié tous les ans.
. Le forgeron, qui travaille dans des conditions améliorées de nos jours grâce ŕ l’automatisation et les robots męme si la température ambiante est parfois éprouvante … tout comme elle l’est pour le fondeur.
. Le fondeur de matériaux exotiques pour élaborer les carbures de silicium et autres tranches destinées aux équipements électroniques, et qui demande de travailler dans une atmosphčre contrôlée et revętus de combinaisons avec scaphandres aseptisés.
. Les traitements thermiques et de surface … pas toujours bien compris et pourtant si essentiels ŕ la tenue ŕ la corrosion, en fatigue, etc. de tous ces fabuleux appareils volants, ce qui demande aussi de trčs bonnes connaissances en métallurgie et en chimie.
. Etc., etc.
Autant de métiers que j’ai eu la chance d’étudier par le passé et si par contre je n’ai pas eu la chance de pratiquer trčs longtemps dans l’industrie la faute essentielle était due ŕ deux phénomčnes qui n’existent pas actuellement : tout d’abord comme évoquée précédemment la demande supportée par les carnets de commande des constructeurs est au rendez-vous (7 ŕ 8 ans de charge de travail dans l’aviation commerciale), ce qui n’était pas le cas il y a une quarantaine d’années et en second lieu, l’emploi industriel n’est plus seulement réservé ŕ la gente masculine… le câblage en est une preuve cinglante.
Il y a toutefois une question qui reste en suspend : pourquoi en France plus que partout ailleurs il y a désaffection des métiers dits manuels au profit des cols blancs ? Le systčme de la formation professionnelle fonctionne dans de nombreux pays et pas chez nous. Pourquoi ? Les générations précédentes ont dénigré ces métiers manuels, les parents souhaitaient un autre avenir que celui d’ouvrier ŕ la peine. Il faut en convenir, les conditions de travail ont fort heureusement évolué et personne ne s’en plaindra.
Reste ŕ faire évoluer une chose : diminuer le fossé qui existe entre rémunération des cols blancs et des cols bleus, car c’est lŕ un des éléments discriminatoires qui ne motive pas forcément les jeunes.
Nicole Beauclair pour Aeromorning