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Le responsable commercial et la travailleuse du tourisme. Limoges canton 5.

Publié le 07 mai 2015 par Rolandlabregere

Si les mots avaient la faculté de se plaindre de la place qui leur est faite, nul doute qu’ils pourraient avoir l’audace de dire un mot au plumitif qui leur colle n’importe quel mot dans les bras. Comment exhaler tout ses sens quand, sous prétexte de minauder, un mot vient faire des chichis et de l’ombre à un mot qui avait toutes les priorités et beaucoup de mérite ? Certains assemblent des mots comme d’autres enfilent des perles. Il suffit, pensent-ils, de les mettre côte à côte pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Le destinataire comprendra et sera content de la formule et de l’intention. C’est demander beaucoup à l’électricité statique qui sommeil en chacun d’eux.

Même si les récentes élections départementales sont loin de nous désormais et nous ont laissé sur notre faim, la rédaction d’un tract distribué à la volée et dans les boîtes aux lettres ne cesse de nous ravir. Les candidats du canton de Limoges 5 pour le compte de la liste UMP UDI et leurs satellites affiliés se présentent en page 4. Il s’agit d’un binôme, un homme une femme, comme la loi l’a demandé. Il faut dire beaucoup avec une économie de mots et chercher à faire son effet. Bruno BARON et Marie-Hélène BŒUF s’y sont employés avec application et résultat. Pour se présenter le premier dit de lui : « 48 ans, je suis en couple et responsable commercial ». Sa colistière lui emboîte le pas et le style : «61 ans, j’habite Rilhac Rancon et j’ai travaillé pendant trente ans dans le tourisme ». Ces candidats soucieux de la bonne impression qu’ils souhaitent produire ne se sont pas rendus compte qu’ils ouvraient la boîte à zeugmes, qui, comme la boîte de Pandore contient tous les maux à tel point qu’il est difficile de la fermer. Vêtus de la probité candide et du lin blanc des candidats novices et des séducteurs cantonaux, le responsable commercial et la travailleuse du tourisme à l’expérience trentenaire ignorent la force comique du zeugme. Les deux colistiers affichent solidairement une licence coupable en ce qui concerne l’usage des conjonctions. Il ne faudrait pas que cela se traduisît par un déficit de coordination dans la conduite des affaires publiques.

Dans un petit livre savoureux et sans prétention, Les zeugmes au plat, (2011), Sébastien Bailly explique que le zeugme « est une entorse » qui consiste à « tordre une construction grammaticalement correcte parce qu’il est plus simple, plus rapide, moins contraignant de procéder ainsi ». Le zeugme assemble, fait des liens, propose des connexions. Il transgresse l’ordre grammatical. Il est aussi nommé attelage quand il réunit un terme abstrait et un terme concret. Il annonce l’imprévu. De ce fait, dans la plupart des cas, il est source d’humour. On rit d’autant mieux que les deux prétendants n’ont pas, vraisemblablement, cherché à amuser l’électeur. Ils ont raté leur notice biographique comme d’autres ratent une marche. Ont-ils souhaité, pour s’attacher les faveurs de citoyens supposés ne pas être en harmonie avec leur programme, rendre un discret mais néanmoins subliminal hommage au fier limougeaud que fut Pierre Desproges, par ailleurs grand chancelier de l’ordre du zeugme ? Eclairé culbuteur de la langue, Desproges relisait ses textes avec attention. Sa phrase était naturellement zeugmatique. Les duettistes consignés sur le banc de touche n’ont rien remarqué. En sarkosistes dévots, ils se sont placés dans le sillage de leur champion. Ils ont adopté son style. En 2012, l’ex-président avait pris le pouvoir et une nouvelle femme.


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