J’étais François Faber, champion cycliste et légionnaire… (Vol.8)

Publié le 07 mai 2015 par Philostrate

Vainqueur du Tour de France cycliste 1909, le jovial François Faber était avant la Grande Guerre un champion populaire. Grandi en banlieue parisienne, le « Géant de Colombes », généreux et bon vivant, avait opté pour la nationalité luxembourgeoise de son père, mais était considéré par le public comme un enfant du pays. Quand la guerre éclate pendant l’été 1914, il s’engage dans la Légion étrangère pour défendre la France, qui avait fait « sa fortune ». Un siècle après sa disparition, c’est en hommage à son parcours et à celui de tous ses frères d’armes qu’il nous raconte à sa manière ses derniers jours.

« J'me sens pas dans mon assiette aujourd'hui. 7 mai 1915 et toujours pas de lettre de Nini… Peu- être bien que je suis papa et je le sais même pas. Quelle guigne ! Mais c'est pas ça qui me chiffonne le plus, c'est l'air qui tourne dans ma caboche depuis cette nuit. J'voyais les éclairs des obus tombant sur les lignes des Frisés rougir le ciel. J'entendais la terre exploser en gerbes chargées de ferraille et de barbaque pulvérisées. Depuis, je m'dis : si moi aussi je me retrouve éparpillé au fond d'un cratère, il leur restera quoi de moi à ceux que j'aime ? J'parle pas de la maison à Colombes et de tout le reste, ça j'ai fait le nécessaire pour qu'Eugénie et le gosse manquent de rien… Mais du souvenir que je leur laisserai. C'est là que j'ai réalisé que j'avais encore mon larfeuille avec dedans mes papiers et mes licences de quand j'étais coureur. J'aimerais pas que ça tombe entre les sales pattes d'un Prusko si je me faisais rectifier. C'est pour ça qu'j'ai harponné tout à l'heure mon pote George. Il est motocycliste à l'état-major de notre régiment. Quelle affaire ça a été de lui donner mes fafiots pour qu'il les mette en sécurité, au cas où… Voulait rien savoir le cochon, y disait que ça me porterait la poisse ! Mais plus cabochard que mézigue, y'a pas. Il a fini par tout prendre, sauf les talbins qui restaient, là j'ai pas insisté. Depuis, je m'sens un peu soulagé. M'est avis que la grande marche en avant que nous promet le commandant Noiré c'est pas encore pour aujourd'hui. J'vous tiens au jus, à la revoyure !"