Vous savez combien j’aime la plume de Marie-Christine Bernard, je n’allais sûrement pas passer à côté de son petit dernier, Matisiwin signifiant Vivre qui se penche sur la vie des premières nations à l’heure d’aujourd’hui. Un titre où elle a investi, en plus de son talent d’écrivaine, tout son cœur. Comment puis-je savoir qu’elle y a donné tout son cœur ? Parce que je lis les remerciements et connais son attention affectueuse pour les premières nations.
Certains auteurs en disent peu à la fin d’un livre, d’autres nous invitent dans les coulisses. C’est le cas ici. L’auteure a investi quatre années de sa vie à écrire cet opus qui se présente en toute simplicité. Elle remercie chaque personne qu’elle a rencontrée pour puiser à la source de la réalité du peuple Nehirowisiw qui signifie l’être qui vit en équilibre avec son milieu.
Je vous conseille de commencer par la fin, la postface, qui situe le contexte émotionnel d’une manière succincte et efficace. Vous apprécierez encore mieux le contenu du livre. Ce conseil, je ne l’ai pas suivi, aussi ai-je commencé par Matcaci « Au revoir », le premier chapitre. Chacun des chapitres est bref, se présente avec un titre succinct, décliné dans les deux langues. Dès le début, nous sommes déportés dans un autre monde, nous décollons de notre réalité.
Il est question d’une jeune femme, Sarah-Mikonic Ottawa, mère d’un enfant, qui part pour une expédition de marche qui a pour but de s’éveiller à soi et à l’autre. La route sera ardue. La jeune femme, nous l’apprendrons au fil de la route revit plusieurs déchirures dans sa vie et peine à se lier. C'est une rebelle entêtée. Chemin faisant, la grand-mère décédée parle à sa petite fille, Sarah.
La marche nommée Moteskano signifiant chemin dans les traces des ancêtres est le fil qui lie l'histoire, par contre, les chapitres disparates passent d’un thème à l’autre : « Mère » - « Boire » - « Rire » - « Qui nous sommes » - « Barricades » - « Écorce » pour n'en nommer quelques uns. Par exemple, on peut filer sur une aile poétique dans un, et atterrir brutalement devant une réalité dure dans un autre. Le florilège de la nature est bien servie par la prose poétique empruntée par l'auteure, mais lorsque ce style se bute à des scènes immondes, il devient cru et perd son voile. Le contraste est si grand, que j'en ai été dérangée.
Ce peuple a une histoire qui ne respire pas l’eau de rose. Assiégés par les bien-pensants, sans le moindre égard de leur vécu, la jeunesse a été expatriée vers des institutions académiques, brisant le fil des générations de mère en fille. Je ne pense pas que l’on puisse lire ce livre et éviter d'affronter la honte face à ces gestes barbares accomplis au nom d’une vérité à une seule couleur ; blanche.
La grand-mère est la voix de la sagesse que l’on entend au-dessus des autres qui cheminent, comme si son regard contemplait de haut, en visant la fenêtre de sa mémoire. Difficile alors de ne pas y déceler des sonorités moralisatrices à certains moments. C’est un peu l’envers de la médaille lorsque s'installe une voix disparue enlisée de perfection.
Le tout est un opus précieux, à lire pour regarder la vérité en face et s’inspirer de ce peuple si sage, qu'on a oublié d'écouter. Marie-Christine Bernard nous le rappelle de belle façon.