Olitski Other Flesh-One,1972
Color Field Painting
C'est une page d'histoire que présente actuellement la galerie Daniel Templon à Paris avec les peintures des années soixante dix de Jules Olitski ( 1922-2007). Pour ce russe émigré très jeune aux États-Unis, le mouvement du Color Field Painting défendu par le critique américain Clément Greenberg devient le champ de son expérimentation car s'il pratique, lors de sa présence en France dans les années cinquante, une peinture associée à la seconde école de Paris, son retour aux États-Unis marque le point de départ d'une remise en cause totale où il fait le choix de grands monochromes et rencontre Greenberg en 1958. Pour le critique, « Il paraît établi que l’essence irréductible de la peinture la ramène à deux dimensions constitutives ou normes : la planéité et la délimitation de la planéité ». Succédant aux pionniers Barnett Newman, Mark Rothko, Clyfford Still, Olitski, avec Kenneth Noland, Morris Louis, représente la seconde génération de cette aventure. Mettant au point le processus de pulvérisation du pigment sur la toile à l’aide d’un pistolet, il applique désormais de nouvelles techniques : la couleur est étalée au chiffon, au racloir, appliquée au rouleau.
Après les tornades de Jackson Pollock dispersées sur la toile libre, les champs colorés d'Olitski redonnent une légitimité à la notion de tableau et celui-çi récupère un aspect calme et serein. Pour Clément Greenberg Olitski était alors le plus important peintre américain vivant depuis Pollock. Choisi pour la Biennale de Venise en 1966 il a été le premier artiste vivant à se voir offrir par le conservateur Henry Geldzahler une exposition en 1969 au Metropolitan muséum de New York. Même en prenant en compte la rupture d'Olitski avec sa pratique de peintre dans le seconde école de Paris, des passerelles restent, semble-t-il, établies : vers 1960, le peintre français Olivier Debré rencontre aux États-Unis les maîtres de l’expressionnisme abstrait (Kline, Rothko, Olitski) et son œuvre sera influencée par la rencontre avec ces artistes. Certaines toiles d'Olitski exposées actuellement à Paris pourraient être comparées à celles d'Olivier Debré.
Yakusa - Four, 1972 Olitski
La planéité du tableau cède parfois à l'illusion de profondeur avec une trace discrète, une couleur. Difficile à restituer en photographie, la surface de ses toiles présente une matière travaillée par les techniques mises au point par le peintre et le plan s'apparente alors à une sorte d'épiderme. Si bien que le tableau ne cède pas à l'épuisement de la forme tel que le proclame le monochrome total.
A défaut d'aller au MOMA de New York pour revisiter les toiles d'Olitski ainsi que celles de tous les peintres du Color Field Painting, l'exposition à la galerie Templon donne l'occasion de se promener dans le champ calme de cet artiste peut-être moins connu que Rohtko, Newman, Morris ou Noland mais dont les toiles de cette période des années soixante dix offrent au regard une sensation apaisante, où "la couleur est libérée de son contexte objectif et devient le sujet en lui-même".
Photos: galerie Daniel Templon
Jules Olitski
Paintings from the Seventies
18 avril - 30 mai
Paris - 30 rue Beaubourg