La ferveur suscitée lors de l’élection du second Président socialiste de la Ve République, il y a trois ans, semble aujourd’hui loin de la défiance que subit le chef de l’État. Depuis son élection, François Hollande doit faire à face à la difficulté de présenter des résultats concrets de ses politiques, de faire preuve de cohérence gouvernementale mais aussi d’afficher une image en adéquation avec celle attendue d’un chef de l’État.
Entre désamour des politiques et désamour du Président
Un mois après son élection, le président François Hollande bénéficiait d’un jugement positif de la part de 53 % des Français. Trois ans plus tard, moins d’un Français sur quatre indique avoir une opinion favorable du chef de l’État (23 %). Cette baisse tendancielle de la popularité se retrouve certes chez tous les anciens Présidents, mais elle se situe à un niveau au plus bas dans l’histoire de la Vème République. Trois ans après sa prise de fonction, Nicolas Sarkozy recueillait 36 % d’opinions favorables (contre 64 % à son arrivée, en mai 2007)[1]. Ainsi, la sanction de l’opinion envers François Hollande se manifeste plus précocement que pour son prédécesseur. Plus généralement, le regard que les Français portent à leur Président cristallise un jugement à l’égard des politiques menées, mais ce niveau d’impopularité, dont est également victime l’ensemble de la classe politique, constitue aussi un marqueur d’une désillusion démocratique et de désamour des politiques.
Depuis son élection, François Hollande n’aura bénéficié d’un regain marqué de popularité qu’à la suite des attentats de janvier (une progression de 20 points en un mois). Mais quatre mois après ces événements, François Hollande a perdu près des trois quarts de la popularité acquise : en effet, 15 points séparent les popularités de janvier (38 %) et d’avril (23 %). L’image morose du bilan du Président de la République se double d’un délitement de l’image liée directement à sa personnalité même. D’après un sondage OpinionWay pour Le Figaro et LCI d’avril 2015, plus de huit Français sur dix estiment que le Président n’est pas rassembleur (85 %), qu’il ne fait pas suffisamment preuve d’autorité (81 %) ou encore qu’il ne sait pas suffisamment où il va (80 %). Ses traits d’image concourent à ternir l’image de la fonction présidentielle, alors que, dans le même temps, Manuel Valls apparaît comme un homme énergique, déterminé et autoritaire au sein du gouvernement. Ces traits d’image jouent effectivement en faveur du Premier Ministre, dont la popularité devance en avril de 15 points celle du chef de l’État (38% d’opinions favorables).
Des catégories à (re)conquérir et un Président face à un nouveau paysage politique
Au regard de la structure de la popularité du Président et du paysage politique actuel, les catégories populaires et les sympathisants de gauche et du centre apparaissent comme les catégories principales que le Président doit à nouveau conquérir.
Du côté des catégories populaires, on observe que 19 % des employés et 18 % des ouvriers déclarent avoir une image positive de l’action du chef de l’État. Chez les cadres, François Hollande dispose légèrement plus d’opinions favorables (26 %). Alors que catégories populaires représentaient un atout pour le candidat socialiste en 2012, elles lui font aujourd’hui défaut. Dans la désaffection des ouvriers et des employés à l’égard du gouvernement, qui suit la tendance générale, il faut peut-être aussi y voir les conséquences de la « mue libérale » engagée par le gouvernement (à l’image par exemple de la Loi Macron) mais également et surtout une difficulté à percevoir des résultats tangibles des politiques menées, à l’image de la politique de lutte contre le chômage. Ce manque d’adhésion de la part des catégories populaires est d’autant plus préjudiciable au Président, et plus largement à la classe politique de gauche, qu’elle touche une des cibles privilégiées de séduction au sein du camp de Marine Le Pen.
Depuis son arrivée au pouvoir, le président évolue dans un paysage politique dont les frontières ont été remodelées. L’arrivée du FN au cœur de la conquête du pouvoir, comme en ont témoigné les dernières élections municipales, façonne un paysage politique tri-partisan. La stratégie de ce parti, dont le but est de s’imposer comme le « troisième parti de France », vise non seulement à séduire son propre camp mais également à construire des appuis à droite comme à gauche. Ainsi, pour contrer la montée de ce phénomène, les responsables politiques, qu’ils soient de gauche ou de droite, ne peuvent plus seulement se contenter de s’ « adresser » à leur propre camp, mais bien de construire un discours qui soit audible dans un cercle politique élargi. Par conséquent, l’enjeu pour la droite et la gauche consiste pour beaucoup à susciter l’adhésion du centre qui devient alors un « cheval de bataille » pour les deux camps.
Bien que les perspectives de campagnes présidentielles restent encore floues pour l’actuel Président, ce dernier pâtit d’un manque de confiance fort au centre avec une popularité partagée par deux sympathisants du MoDem sur dix (20 %) et en forte baisse par rapport à mars (-14 points). En outre, à gauche, l’ancien candidat socialiste ne parvient pas non plus à recueillir une majorité de jugements favorables (42 %). De plus, le chef de l’État subit en avril un nouveau décrochage auprès des sympathisants socialistes, avec 55 % d’opinions favorables, une baisse de huit points par rapport au mois de mars. Cette baisse est d’autant plus tangible qu’elle s’observe également sur le long terme : en mai 2012, 86 % des sympathisants socialistes indiquaient avoir une opinion favorable de François Hollande, ils n’étaient plus que 63 % en avril 2013 et 46 % en avril 2014. Ainsi, la famille politique d’origine du chef de l’État tend plus à se transformer en famille de détracteurs que de membres qui le soutiennent. Il faut noter que le Président ne parvient pas non plus à construire une politique qui soit accueillie positivement à droite. Au contraire : 6 % des sympathisants de droite indiquent avoir une opinion favorable de François Hollande. La structure de cette popularité se différencie nettement de celle du Premier Ministre Manuel Valls : avec une popularité de 52 % à gauche (dont 69 % au sein des sympathisants de gauche), et de 35 % à droite.
Ainsi, trois ans après son élection, l’actuel chef de l’État ne dispose pas d’une popularité en phase avec les exigences du remodelage de l’échiquier politique.
Données issues du baromètre de l’action politique IPSOS – Avril 2015
[1] Il s’agit des résultats de popularité de mai 2010 pour Nicolas Sarkozy.