On ne compte plus les jets de poussières émis par le noyau de 67P sur cette photo prise par la caméra de navigation (NavCam) de Rosetta, le 26 avril, à 98 km de distance. L’image couvre une aire de 8,6 km
A trois mois de sa plus petite distance avec le Soleil, la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko montre sans surprise des signes croissants d’activité. La sonde Rosetta qui l’escorte depuis le 6 août 2014 est un témoin privilégié de toutes ses effusions de gaz et de poussières et put même observer en direct la naissance de jets.
Dans trois mois, le 13 août, la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko atteindra son périhélie, sa plus petite distance avec le Soleil (186 millions de km, en l’occurrence). En attendant, son activité n’a de cesse de croître comme en atteste les images transmises régulièrement par la sonde Rosetta, laquelle continue toujours de l’escorter. À présent, située à environ 255 millions de km de notre Étoile (l’orbite de Mars sera bientôt dépassée) et quelque 364 millions de km de notre Planète bleue, « Tchouri » vient d’entrer dans la partie « tiède » de son orbite (voir graphique) et approche à grands pas des régions les plus chaudes du Système solaire. Le noyau cométaire est en train de changer sous nos yeux et c’est la première fois que nous assistons à tous ses bouleversements avec autant de détails. L’accroissement de luminosité est bien entendu une bonne nouvelle pour la recherche du robot Philae, car la région Abydos où il est coincé voit de plus en plus le Soleil… Voilà qui laisse espérer une recharge significative de ses batteries.
Courant avril, à l’occasion de l’assemblée générale de l’Union européenne des géosciences à Vienne, des membres de l’équipe de Rosetta présentèrent plusieurs images de la comète. Parmi celles-ci, deux d’entre elles firent sensation. Photographiées à 75 km de distance, le 12 mars dernier, par la caméra grand-angle d’Osiris avec seulement deux minutes d’intervalle, on y distingue très clairement, en augmentant le contraste, l’apparition soudaine d’un jet de gaz et de poussières. Cela s’est produit dans la région d’Imhotep, sur le plus grand des deux lobes de la comète qui correspond au « ventre » du canard… La sonde européenne était au bon endroit, au bon moment pour surprendre ce sursaut. « Personne auparavant n’avait encore été témoin du réveil d’un jet de poussière, raconte Holger Sierks du Max Planck Institute for Solar System Research et responsable de la suite d’instruments Osiris, il est impossible de planifier une telle image ».
Deux minutes séparent ces deux images de « Tchouri » prises le 12 mars par la caméra grand-angle d’Osiris, à 75 km de distance. Un jet de poussière est brusquement apparu dans la partie nocturne de la comète, près du centre de la région d’Imhotep
Les chercheurs ont indiqué que jusqu’à présent ces effusions de poussières avaient été observées dans les régions éclairées du noyau de « Tchouri » et à leur surprise, celui-ci s’est manifesté à proximité du centre d’Imhotep, alors plongé dans l’obscurité. Pour Jean-Baptiste Vincent, chercheur au MPS, « il est possible que les premiers rayons du Soleil aient pu frapper certaines falaises ou reliefs qui sont restés cachés à Rosetta, du fait de sa position orbitale à ce moment-là ». Ce sursaut a aussi très bien pu être provoqué par une vague de chaleur atteignant des couches de glace piégées en profondeur. Quelques instants après cette prise de vue, toute la région fut inondée de lumière et il devint alors très difficile, a posteriori, de distinguer individuellement les multiples projections de la comète. « Habituellement, les jets de poussière de 67P ont plutôt une longue durée de vie, explique le planétologue. La plupart durent le temps de sa rotation exposé au Soleil (environ 6 heures) et réapparaissent même lors de la rotation suivante ». Aussi, est-il encore difficile de déterminer s’il s’agissait d’un bref sursaut ou de la naissance d’un jet de poussières durables.
Les scientifiques n’excluent pas que ce type de sursaut brusque soit « monnaie courante ». Cela pourrait expliquer d’ailleurs l’augmentation de la luminosité de la chevelure (coma) qui s’est produite le 30 avril 2014. Celle-ci s’était alors agrandie de plus de 1.800 km avant de se résorber les semaines suivantes.
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