En septembre 2012, j'immigrais, petite Française, en Belgique, à Bruxelles, complètement par hasard. Je ne pensais pas y rester longtemps, et puis finalement, sans crier gare, je suis tombée amoureuse de la ville et ai décidé d'y rester, au moins pour un temps. Ça fait bien longtemps qu'on ne vous avait pas proposé de guide sur TEA, et comme je remarque que de plus en plus de mes connaissances décident d'y faire une visite le temps d'un week-end, je me suis dit qu'un petit topo s'imposait. Voici donc, en toute subjectivité, un petit guide de Bruxelles.
Une ville, une région
Petit précis géographique tout d'abord. Quand on parle de Bruxelles, on parle surtout de la Région bruxelloise. Une des trois régions de Belgique avec la Wallonie et la Flandre. La Ville de Bruxelles en elle-même est vraiment toute petite, et vous aurez vite fait de la quitter pour vous retrouver dans une autre des communes qui constituent la région. L'agglomération de Bruxelles, composée de 19 communes, est, comparée à Paris, franchement vivable, avec un tout petit peu plus d'un million d'habitants. Une capitale à taille humaine. Beaucoup de choses peuvent se faire à pied, mais si vous voulez sortir un peu des sentiers battus et du centre touristique, vous devrez sûrement prendre les transports. Chaque commune et quartier a ses lieux de rassemblement, ce qui fait qu'on bouge pas mal mine de rien.
Même si vous n'en avez strictement rien à faire de la Belgique, vous devez savoir que le pays est plus ou moins coupé en deux par une frontière linguistique, les Flamands néerlandophones au nord, les Wallons francophones au sud. Et au milieu du pays, tel un petit îlot, se trouve Bruxelles, qui est censée être bilingue. J'écris bien "censée" car dans la pratique, la grande majorité des personnes ici parlent français. Les sondages linguistiques sont interdits dans le pays car bien trop sujets à polémique, mais il est clair que les Flamands constituent une minorité dans la population. Pour la forme, tous les panneaux sont écrits dans les deux langues, mais en deux ans et demi, personne ne m'a adressé la parole en flamand dans un magasin. Profitons en pour faire un point sur l'accent. Je vous vois venir, avec vos "une fois" (jamais entendu) et références à Dikkenek. Oui, en Belgique, la plupart des personnes ont un petit accent exotique qui pourra vous faire rire au premier abord. Pour ma part, je ne le remarque même plus. Et on ne parle pas d'un accent belge, c'est un mythe, mais de plusieurs accents. Prenez un Belge de Liège, un autre de Charleroi, et un vieux Bruxellois, ils ne parleront pas du tout pareil. Alors évitez de vous la ramener en essayant de les imiter. Ils sont les premiers à vous repérer, avec votre "accent français" (oui, pour eux, ça existe). Et faites l'effort de dire "septante" et "nonante", c'est pas si compliqué et c'est plus sympa.
Plein de gens différents
Je suis toujours autant surprise par les multiples visages de Bruxelles, avec tout le côté cucul que cette phrase peut supporter. Il y a presque autant de nationalités ici que de pays dans le monde. Vous trouverez énormément de Français (coucou), de Congolais, de Marocains et de Turcs. Mais aussi une foule de personnes de l'Europe de l'est ou d'ailleurs. L'intégration à la sauce bruxelloise ne fonctionne pas forcément très bien. Le communautarisme est bien présent. Il y a le quartier congolais (Matongé), les rues où les devantures sont écrites seulement en turc, et les supérettes polonaises. Ajoutez à cela tous les fonctionnaires de l'Union Européenne, et imaginez la chose. Dans le métro, vous entendez au minimum cinq langues différentes. Bruxelles, ville monde. Côté âge, j'ai rarement vu une ville aussi intergénérationnelle. Dans les bars, jeunes et moins jeunes se côtoient sans que cela ne choque personne, et ça, c'est franchement chouette.
Plein de quartiers différents Comme écrit plus haut, Bruxelles, même pour une visite, ne se limite pas à son centre. C'est une multitude de quartiers et de commune aux caractéristiques propres. Dans l'hyper-centre, vous trouverez surtout des touristes et le quartier royal, parce que oui monsieur, nous sommes dans un royaume, gloire au roi Philippe. Plus à l'est, le quartier des eurocrates, avec le Parlement européen, la Commission et le Conseil. Une zone assez déprimante et laide, remplie de bureaux pour les nombreux lobbies et organisations présents. Au nord du centre, près de la gare du Nord, il y a les vitrines des prostituées, des quartiers souvent pauvres, comme ceux du nord-ouest, de l'autre côté du canal, où on dit qu'il faut faire attention quand on est une fille toute seule la nuit (Bruxelles n'est pas vraiment safe). Au sud de la région, il y a les quartiers bobos et branchés, les communes de Saint-Gilles et Ixelles. Puis, encore plus en périphérie, les quartiers résidentiels, souvent aisés et déprimants. C'est très très schématisé, mais c'est l'idée. On peut passer pas mal de temps pour aller d'un bout à l'autre de l'agglo, ce qui fait que les habitudes de chacun pour sortir dépendent aussi beaucoup du lieu d'habitation.
Une ville plus à vivre qu'à visiter
Il n'y a pas énormément de monuments à Bruxelles. La faute peut être à la jeunesse du pays (la Belgique a été créée en 1830), et à un développement plus récent comparé à d'autres villes du coin. Les points d'intérêt purement touristiques sont peu nombreux : la Grand Place (c'est vrai que c'est beau), le Manneken Pis (une belle blague, mais qui finit par devenir attendrissait tellement il est ridicule), les Galeries royales, l'Atomium (n'y allez pas, c'est trop loin), le palais Royal, et voilà à peu près tout. Si encore l'architecture était charmante, mais allez savoir pourquoi, les urbanistes à Bruxelles étaient vraiment foireux, ou n'ont jamais existé, au choix. De très belles maisons de brique anciennes côtoient des tours atrocement laides. La ville est perpétuellement en travaux. Bruxelles n'est pas des plus jolies. Je vous répondrai que ce sont ses imperfections qui font son charme, mais tout le monde n'est pas de cet avis. Du coup, plus qu'à visiter, Bruxelles est à vivre. C'est son ambiance et ses habitants, tellement plus sympathiques que les Parisiens (par exemple), qui constituent la valeur ajoutée de la destination. La meilleure façon d'apprécier la ville est de flâner au hasard dans ses nombreux quartiers et de s'installer tranquillement dans un petit troquet, un verre de Jupiler à la main.
Boire et manger
Boire une bière, justement. Je sais que ça va énerver beaucoup mes amis Belges, qui vont trouver que j'exagère, mais franchement, on boit beaucoup, beaucoup, en Belgique. Je n'avais jamais bu de bière le matin avant d'arriver dans le pays. Il faut dire que la bière ici n'a rien à voir avec ce qu'on nous sert en France. Rien que les génériques (Maes et Jupiler) ont plus de gueule que la Kronenbourg et la Heineken. Et elles coûtent nettement moins cher. Joie de la Belgique, où la 25cl coûte bien souvent deux euros voire moins. Profitez de votre séjour pour goûter le plus de "bières spéciales" possible. Parce que oui, c'est tout un art, et la bière peut être très raffinée (et bien vous monter à la tête, avec ses 8 à 10°). Je vous recommande au passage la Saint-Feuillien, ma préférée, qu'on ne trouve pas trop en France. Pour ce qui est de la nourriture, un passage en Belgique ne se fait pas sans aller à une baraque à frites (fritkot). Un débat fait rage pour savoir quelle est la meilleure friterie de Bruxelles. Pour ma part, je soutiens mon quartier et suis team Frit Flagey. Pour faire encore plus dans le folklorique, vous pouvez prendre une gaufre dans un des nombreux camions ambulants (il y en a même à la sortie des écoles). Même si les Belges vous répondront qu'ils ne mangent pas tant que cela de gaufres. Touristes, si vous êtes dans le centre, évitez absolument les restaurants-arnaque, surtout présents dans la rue des Bouchers. Sinon, je ne suis pas assez riche pour manger régulièrement au resto et vous proposer de bonnes adresses, désolée.
Que faire en journée
Je souhaite de tout cœur qu'il fasse beau lors de votre séjour, mais la météo est vraiment pourrie. Si vous êtes chanceux, profitez des parcs les plus proches de votre lieu de villégiature (parc Royal, Bois de la Cambre, parc Josaphat, parc Solvay - mon préféré - et j'en passe). Flânez aussi dans les quartiers à observer les belles maisons art déco, à Ixelles notamment. Vous pouvez aussi traîner dans le quartier branché de Dansaert/Sainte-Catherine, avec des boutiques de designers hors de prix et des bars cools fréquentés par pas mal de Flamands. Le vieux quartier des Marolles est aussi très chouette et près du centre, même s'il a un peu perdu de son cachet. Tous les matins, un marché aux puces se tient place du Jeu de Balle. Pour les fripes et les disquaires, j'ai la flemme de faire un inventaire, mais vous trouverez des posts dédiés via Google. Ils sont surtout dans le centre. Passage obligé (d'après moi) par le plus beau panorama de Bruxelles, place Poelaert. Vous pouvez en profiter pour visiter le Palais de Justice, oeuvre gargantuesque commandée par un roi mégalo, qui surplombe le centre. S'il y a peu de monuments à Bruxelles, il y a par contre une foule de musées et de galeries d'art. Pour ces dernières, je vous conseille de choper l'hebdomadaire gratuit Agenda (dans les stations de métro surtout), qui recense toutes les expositions en cours - et il y en a toujours un paquet. Pour les musées, il y en a beaucoup aussi. Je ne les ai pas tous testés, loin de là, mais les grands classiques sont le Musée des Beaux-Arts et le Musée Magritte, au niveau du Mont des Arts (petite colline absolument charmante quand le ciel est rose. Sinon, coup de foudre pour le Museum des sciences naturelles et sa galerie impressionnante de dinosaures (comptez au moins trois heures de visite). Le musée des Instruments de musique est très bien fait aussi, interactif comme il faut. Il y a aussi un musée de la franc-maçonnerie, j'aimerais bien l'essayer.
Que faire la nuit
Bière pas trop chère oblige, les petits verres d'après-boulot des Bruxellois peuvent rapidement se transformer en soirées complètes dans les bars. Il y a une foule de bars chouettes. Tout dépend du quartier où vous vous trouvez. Si vous êtes dans le centre, l'un des endroits les plus chouettes est tout autour des Halles Saint-Géry, où les terrasses des nombreux bars sont prises d'assaut dès qu'il fait beau. C'est d'ailleurs par là que se trouve le Café Central, qui organise aussi pas mal de soirées et concerts gratuits. Dans le centre, on aime aussi bien le Bonnefooi, le Micro Marché, le Bravo, le centre d'art du Beursschouwburg et sa super terrasse sur les toits, ou encore le Chaff dans les Marolles ou le Dillens encore un peu plus loin. Mais il existe des tas d'autres endroits super chouettes, sortez des rues touristiques et commerçantes, et vous trouverez forcément des lieux plein de charme. Pour ceux qui veulent éviter le centre, la place Flagey à Ixelles est aussi un gros lieu de rassemblement des Bruxellois (avec de chouettes bars comme le Pantin et le Tigre, ou l'Epaulé Jeté pour sa terrasse). Tentez aussi les établissements du parvis de Saint-Gilles ou du quartier Trinité à Ixelles. Souvent, il y a des DJ-sets ou des soirées spéciales, les bars, c'est la vie. Niveau concerts, l'offre est plutôt ok. Des périodes de super bonne programmation alternent avec des semaines où il n'y a pas vraiment grand chose à se mettre sous la dent. L'avantage de Bruxelles est qu'elle se positionne idéalement sur la route des tournées des groupes internationaux, entre l'Angleterre et l'Allemagne. Mais parfois, les Flamands sont plus malins que les programmateurs bruxellois et bookent les seules dates belges d'artistes. Heureusement, il existe un tas de petits collectifs qui se bougent pour proposer des concerts indé de groupes de qualité, de manière irrégulière. Niveau scène locale, après avoir passé deux ans à Bordeaux, j'ai tendance à trouver la scène bruxelloise pas si importante. Il y a de chouettes groupes, certes, mais par rapport à la taille de la ville, on pourrait s'attendre à plus. Surtout, il y a plein de microcosmes différents selon le type de musique, ce qui fait qu'on peut vite passer à côté de bonnes choses tout simplement parce qu'on n'est pas assez dans le game. Bruxelles ne se laisse pas découvrir si facilement. Pour trouver des concerts, vous pouvez regarder l'agenda TEA (quand je l'actualise), lastfm, ou regarder, à tout hasard, les programmations de l'AB, du Botanique et du Vk (pour les gros concerts), du Magasin 4, de Madame Moustache, de l'Atelier 210, du Beursschouwburg, des Ateliers Claus, du Recyclart, du Café Central, du Barlok, du Bar du Matin, du Brass, et j'en passe. Bon courage et surtout, passez un beau séjour à Bruxelles. Et n'hésitez pas à me payer un verre.