Salut, les aminches
Une confession d’ordre intime autant que politique, en préambule. Les terrines de viande hyperhachées, ça nous expédie le moral dans les chaussons.
Une terrine de viande, ce n’est pas de la blédine pour Mimosa. Ça doit avoir des bouts à croquer. De la vie. Du relief. Des formes.
Une terrine broyée à l’extrême, ça nous évoque l’industrie blafarde. La cantine des années 70. Le Middle-west. La mort, même. A une certaine époque, la modernité culinaire a voulu nous faire croire qu’une bonne terrine n’était qu’un amas de chair déchiquetée et informe. Elle mentait.
Bref, tout ça pour vous prévenir que notre terrine de lapin à la manzanilla et figues, ben, ya des vrais morceaux dedans. Et c’est très très très bon. Dégainez ça face à une tablée de gulus amicaux, et voilà que l’ambiance se fait illico babylonienne. Les faciès se dérident. Les plaisanteries gaillardes fusent. Les joues rosissent et les verres se vident. Voyez, quoi.
La technique? Fastoche.
Pour une terrine d’un kilo.
Demandez à votre boucher (ou charcutier) de vous hacher 300 grammes de gorge de porc (du gras ferme) et 100 grammes d’échine (un peu de viande quand même). Et demandez lui aussi une crépine. Soit cette intrigante membrane enveloppant l'estomac du cochon, qui ressemble étrangement au napperon brodé sous la télé de Mami Lu.
Chez le volailler, exigez un filet de lapin (ou aiguillette), plus un devant de lapin désossé. Environ 400 grammes de viande au total. Le devant, c’est la partie qui va de la tête au milieu du corps, pourvue d’une chair pas trop sèche, que vous prierez le commerçant de vous émincer en morceaux point trop minus. Le filet, lui, reste entier.
Il vous faut encore un œuf, des noisettes, de la manzanilla (breuvage à la fois andalou, subjugant et oxydatif dont on causera en détail une autre fois), ou à défaut du Xérès, plus trois grosses figues sèches et quelques pistaches.
Dans une assiette à soupe, immergez le lapin et les figues, préalablement émincées menu, dans la manzanilla (environ un gros déci). Quatre tours de moulin à poivre. Filmez, et hop au frigo pour quelques heures.
Tapissez la terrine avec la crépine, en veillant à en garder suffisamment pour la couvrir.
Dans une jatte, touillez avec amour un jaune d’œuf, une bonne pincée de cannelle, une petite pincée de piment, dix noisettes pilées, une petite cuillère bien pleine de sel, une pincée de poivre, le haché de porc, les figues et le lapin émincé qui, normalement, a bu la manzanilla jusqu’à la dernière goutte. Gardez le filet entier de côté.
Pour savoir si l’appareil est assez relevé, ce qui est la condition sine qua non de la volupté finale, faites en griller une boulette à la poêle; goûtez; et rectifiez en conséquence.
Puis foncez votre terrine jusqu’à la moitié, installez le filet sur la longueur, et recouvrez jusqu’à rebord. Parsemez de pistaches (c’est pour faire joli) et fermez la crépine à double tour. Euh, double épaisseur.
Coiffez d’une feuille de papier-alu, puis du couvercle.
Et faites cuire au four et au bain-marie deux heures et demie à 150 °.
Laissez reposer la bête une nuit au frigo. Voire plus.
Puis dévorez avec du pain grillé, une salade verte et trois hectolitres d’un rouge de fruit à la rusticité pacifiée (çui sur la photo est formidable). Plus quelques gouttes d’un vieux et vrai balsamique. Voire un chutney d’Agen inventé il y a quelques années par un esprit libre et gourmand.
Bien à vous, très chères et chers