A l’issue d’une réunion du Conseil de défense au Palais de l’Elysée mercredi dernier, le président François Hollande a annoncé une importante injection de fonds dans le budget de la défense: un supplément de € 3,8 milliards de dépenses militaires sur quatre ans destinés à couvrir les opérations militaires à l’étranger et un déploiement permanent de troupes sur le territoire français.
« Plusieurs décisions sont prises », a déclaré Hollande soulignant qu’il parlait en tant que chef des Forces armées. Le budget actuel de la défense, de € 31,4 milliards, sera augmenté de € 600 millions supplémentaires l’année prochaine et de jusqu’à € 1,5 milliards en 2019. Paris se prépare à réviser la loi sur les dépenses militaires de 2014-2019 le 20 mai prochain pour « dégager € 3,8 milliards de crédits supplémentaires sur les quatre années », selon Hollande.
Ces dépenses militaires supplémentaires proviendront d’une augmentation du pillage de la classe ouvrière au moyen de mesures d’austérité et de coupes sociales imposées par le PS (Parti socialiste) de Hollande. Celui-ci a en effet caractérisé l’augmentation des dépenses militaires comme « un effort important », « c’est même un effort considérable » a-t-il dit.
Et jeudi, le ministre des Finances Michel Sapin annonçait des coupes budgétaires dans les soins de santé et le logement. « Il est légitime que la priorité aille à la sécurité, » a-t-il déclaré à la station de radio Europe1.
La chaîne de télévision Bloomberg a cité des sources du ministère des Finances disant que « le budget du logement, qui comprend les subventions pour les familles et les étudiants ainsi que des aides financières aux constructeurs d’habitations, sera réduit et le ministère concerné sera invité à mieux répartir ses ressources ». Les soins de santé, qui ont déjà subi d’importantes réductions de dépenses cette année, seront au centre des efforts visant à réduire les dépenses en 2016.
Hollande a cherché à justifier son programme réactionnaire d’austérité et de guerre, qui en a déjà fait le président français le plus impopulaire de la période d’après-guerre, en prétendant que le projet de loi permettrait de protéger la population française du terrorisme. Il faisait allusion au déploiement de 10.000 soldats sur le sol français à la suite de la fusillade de Charlie Hebdo en janvier.
Hollande développe également les ressources de l’armée en matière de main-d’oeuvre. Sur les 10.000 soldats déployés à travers la France après l’attaque contre Charlie Hebdo, 7.000 doivent l’être de façon permanente, selon Hollande. Jusqu’à 18.500 emplois militaires destinés à disparaître seront conservés afin de consolider le déploiement de troupes en France et à l’étranger.
Dans des conditions où la classe dirigeante n’a rien à offrir à des millions de jeunes chômeurs, Paris se prépare à les utiliser comme chair à canon dans ses guerres impérialistes. Hollande va instaurer un « service militaire volontaire » pour les jeunes sans qualification âgés de 18 à 25 ans. Le gouvernement a récemment annoncé la création de sept centres de « service militaire volontaire » qui accueilleront près de 2.000 jeunes l’année prochaine.
Hollande a justifié ces mesures en affirmant non seulement qu’elles permettraient de protéger les français contre le terrorisme mais encore qu’elles permettraient de prendre en compte des interventions militaires intensifiées à l’étranger.
Il a dit, « J’ai fait ce choix parce que c’est celui de la France, celui de sa protection, de sa sécurité, et je sais que les Français, s’ils veulent avoir confiance dans l’avenir, doivent se sentir partout en sécurité, protégés. C’est aussi une raison qui justifie les décisions, donner confiance aux Français…. Ils l’ont, à l’égard de leurs armées, ils l’ont à l’égard des autorités politiques qui prennent les décisions, mais ils doivent savoir que les crédits indispensables sont mis à la disposition de ces objectifs ».
Il a ajouté : « J’ai également fait valoir que nos forces extérieures devaient également être placées au niveau élevé ».
L’affirmation de Hollande qu’il renforce l’armée pour accroître la confiance de la population française dans son gouvernement est une fraude politique. L’élite dirigeante française est terrifiée par la montée du mécontentement social et de la colère contre le gouvernement PS dans la classe ouvrière. Celui-ci développe de façon spectaculaire des mesures d’état policier destinées à intimider et à réprimer le mécontentement social, et il intensifie en même temps ses guerres de pillage impérialiste dans son ancien empire colonial.
La France participe aux guerres menées par les Etats-Unis au Moyen-Orient (notamment en Syrie et en Irak), mais aussi en Libye; elle mène aussi des guerres dans ses anciennes colonies d’Afrique sub-saharienne, comme le Mali et la République centrafricaine. Environ 10.300 soldats sont déployés dans des opérations de l’armée française à l’étranger.
Le programme de réarmement du PS s’inscrit dans le tournant global des puissances impérialistes du monde entier vers le militarisme. Un tournant qui pose d’extrêmes dangers pour la classe ouvrière internationale. Cette politique ne peut être combattue que par une lutte internationale unifiée de la classe ouvrière contre la guerre, basée sur une perspective révolutionnaire et socialiste.
Les tensions entre les grandes puissances capitalistes menacent de plonger la population de l’Europe et du monde dans une guerre catastrophique. L’Europe est enlisée dans un conflit avec la Russie au sujet de la guerre civile qui sévit en Ukraine depuis le coup d’Etat mené par les fascistes à Kiev en février dernier. Hollande a dit de ce conflit qu’il pouvait conduire à une « guerre totale ». Dans le cadre de son « pivot vers l’Asie », Washington fomente une marche vers la guerre visant la Chine; les médias français ont appelé à préparer un blocus dans l’Océan Indien des importations chinoises de pétrole en provenance du Moyen-Orient.
Les tensions entre principaux pouvoirs impérialistes européens, qui ont leurs racines historiques dans deux guerres mondiales au 20e siècle, entre l’Allemagne et la France notamment, sont également en pleine ébullition. Alors que monte l’influence des néo-fascistes du Front national anti-Union européenne, Berlin a lancé un programme de remilitarisation de grande envergure considéré avec nervosité par l’élite dirigeante française.
L’Allemagne envisage de renforcer son budget de la défense de 6,2 pour cent au cours des cinq prochaines années, de porter les dépenses militaires à plus de € 35 milliards d’ici 2019, et de moderniser complètement son armée. De 2010 à 2014, Berlin a augmenté ses dépenses militaires de 7 pour cent, les portant à € 32,4 milliards, tandis que les dépenses militaires françaises diminuaient de 2,5 pour cent sur la même période, baissant à €31,4 milliards.
Des commentaires ont commencé à apparaître dans les médias français exprimant des préoccupations face au réarmement allemand, en particulier après que Berlin a répondu positivement à la proposition de créer une armée européenne dans laquelle elle jouerait un rôle dominant. Le Monde a attaqué cette politique comme une tentative de déguiser des plans en vue d’une domination militaire allemande de l’Europe. Il a décrit ainsi les calculs de Berlin: « Hors de question de réarmer en faisant peur à ses voisins. Mieux vaut donner une substance européenne à toute remilitarisation ». Il a ajouté que les décideurs politiques français, cependant, n’étaient « pas pressés de voir des Allemands en uniforme ».
Comme le montre clairement la politique de Hollande, la réponse de l’impérialisme français est de lancer une course aux armements en Europe qui menace l’humanité d’un désastre.
Kumaran Ira
Source : WSWS