Sortie le 6 mai 2015
Synopsis : Alex et Jeff, collègues de bureau dans une multinationale, sont aussi les meilleurs amis du monde depuis le lycée. Avec leurs femmes respectives, ils forment ensemble presque une famille qui se fraye un chemin dans la vie, tranquillement, doucement, sans grande ambition. Pourtant, l’arrivée de Thibaut, conférencier et spécialiste en développement personnel, ne va pas tarder à mettre à mal leur équilibre pépère. Et pour cause, Thibaut est un ami d’enfance d’Alex. A l’époque, ces deux là, super complexées et toujours mis à l’écart dans la cour de l’école, s’étaient promis de réussir leur vie, coûte que coûte. Aujourd’hui, le beau et brillant Thibaut semble avoir tenu sa promesse. Il pousse Alex à réaliser ses rêves au risque de perdre l’amitié de Jeff…
Mon avis : Fan de la première heure d’Alex Lutz, j’étais sincèrement avide de découvrir de quelle manière il allait projeter son univers déjanté sur grand écran, un exercice qui n’a rien à voir avec le seul en scène.Et bien, je dois avouer qu’il m’a fait très peur l’Alex. Les vingt premières minutes de son film me voyaient m’agiter sur mon siège avec une envie grandissante de quitter la salle. Les regards inquiets que j’échangeais avec ma voisine ne faisaient que confirmer mon malaise… Je comprenais parfaitement que cette introduction avait pour utilité de nous faire faire connaissance avec les sept principaux protagonistes de l’histoire, mais c’était trop gentillet, trop superficiel et, surtout d’un humour trop potache. Nous sommes confrontés à des grands gamins immatures qui subissent avec insouciance toutes les nuisances du quotidien, de la routine et le stress de la vie parisienne. Alex et Jeff sont sympathiques, leurs compagnes sont très complices avec eux, mais tout cela manque de consistance. Nous sommes dans l’écume et les blagounettes peinent à nous étirer un léger sourire. On commence à se dire que le costume de réalisateur est encore un peu trop large pour le sieur Lutz.
Et puis, soudain, un deuxième film commence à prendre forme. On se recale dans le fauteuil et notre intérêt pour la suite de l’histoire ne fait que croître. En fait, débarrassés de toutes les scories liminaires, les personnages prennent peu à peu de l’épaisseur et le film son essor… Enfin, Fiat Lutz !Pour faire simple, Alex se révèle bien meilleur lorsqu’il s’agit de faire sourdre l’émotion. Les comédiens dévoilent une toute autre palette de jeu. On prend dès lors part à leurs malheurs, à leurs affres, à leur fragilité. On est vraiment touché car, alors seulement, ils deviennent comme nous. Ils n’ont plus des comportements de sales gosses irresponsables, mais ils sont confrontés à de vrais problèmes existentiels.
J’ai donc vu deux films en un. Heureusement, la meilleure partie dure plus longtemps que la plus inconsistante, si bien que l’on quitte la salle avec un bilan dans l’ensemble positif. Le charme du Talent de mes amis, c’est qu’il concentre toutes les faiblesses d’un premier film. Il est si plein de naïveté qu’on ne peut que se montrer indulgent.Et puis, surtout, il est réellement sauvé par la qualité des comédiens. Ils sont tous vraiment bons. J’avais vu plusieurs fois Alex Lutz sur scène, j’avais découvert et apprécié Bruno Sanches au théâtre dans André le Magnifique, Dernier coup de ciseauxet Ladies Night et je suis régulièrement leur ineffable duo de Catherine et Liliane, ils m’ont aisément confirmé tout le bien que je pensais d’eux. En revanche, la belle surprise est venue de Tom Dingler, vraiment épatant dans le rôle complexe de Thibaut. Il est aussi performant en coach gommeux et arriviste qu’en pauvre type redevenu humain lorsque les aléas du sort l’obligent à se débarrasser de son vernis.Anne Marivin, formidable dans son long monologue, Audrey Lamy excellent de bout en bout et Sylvie Testud qui prouve qu’elle peut se permettre quelques incursions dans la loufoquerie et le second degré, sont toutes trois impeccable. Et puis, il faut souligner l’exquise qualité et la justesse du jeu de Jeanne Moreau dont les deux apparitions sont absolument marquées du sceau de la grande classe. Bonjour l’émotion.
En conclusion, lorsqu’on a franchi le cat des vingt premières minutes, Le Talent de mes amis, est un film qui se laisse regarder sans déplaisir parce qu’il est servi par de délicieux comédiens. Le paradoxe que l’on peut en tirer c’est qu’Alex Lutz s’avère meilleur dans l’émotion que dans l’humour pur. Je suis convaincu que, fort de cette première expérience, lorsqu’il n’aura plus ce désir ardent de tout mettre dans un film, donc trop, il va être bien plus efficace. Je prends le pari…