De: Maissy Tadjedin
Avec: Keira Knightley ( The Duchess, New York Melody), Guillaume Canet ( La prochaine fois je viserai le cœur, l’homme que l’on aimait trop), Sam Worthington ( Cake, Avatar), Eva Mendes ( The place beyond the pines, La nuit nous appartient).
Synopsis Allociné: Joanna et Michael vivent à New York. Aucun nuage, aucun doute n’est jamais venu assombrir leur union, jusqu’à ce que chacun d’eux soit tenté, la même nuit…
Pendant que Michael est en déplacement professionnel avec Laura, jeune femme aussi attirante qu’énigmatique, Joanna recroise Alex, l’autre grand amour de sa vie. Les 36 heures qui suivent vont obliger chacun à faire des choix…
* * *
J’ai pris quatre ans pour vouloir voir ce film. Je ne sais pas pourquoi mais j’avais dans l’esprit que ce film serait justement un énième film sur l’adultère. Et que donc, tout avait été déjà dit de façon soit trop moralisatrice sans profondeur et avec un certain ennui malgré un casting quatre étoiles. Alors, vous vous demandez sans doute pourquoi j’ai voulu le voir après tout ce temps. C’est une bonne question. Je pense qu’il y a des moments pour regarder certains films. Certains sont comme le vin, il faut les laisser mûrir pour les apprécier plutôt que les savourer à chaud. Et/ ou bien c’est au spectateur de se laisser du temps parfois pour grandir lui aussi. Laisser tomber ses pré-avis, ses préjugés surtout quand le thème choisi n’est pas sa tasse de thé.
Inutile de vous dire que j’avais erreur sur toute la ligne; et qu’il m’a fallu seulement quelques minutes pour que la magie de Last Night opère . Je suis pas sûre que cela aurait été le cas si je l’avais vu en 2011. Beaucoup de choses ont changé entretemps; j’ai changé surtout je pense. Ce film n’est pas simplement un film qui parle d’adultère; il parle d’hommes et de femmes, de leur place notamment au sein de leur couple. Des » garanties » comme des limites du mariage; et de tout ce qu’on ignore de cet autre qui partage votre lit. De personnes qui au fond se cherchent toujours sans trop savoir ce qu’ils sont ni ce qu’ils attendent de la vie.
A tord, on croit que le mariage est la garantie de la sécurité qu’elle soit affective, physique ou bien financière. Pour de mauvaises raisons, on projette on fantasme sur l’autre. Finalement, on prend parfois le mariage pour ce qu’il n’est pas: une bouée de secours, une zone de confort. Mais évidemment, cela nous rattrape toujours comme le personnage de Keira Knightley, Joanna.
Elle nous apparait comme la fidèle et attentionnée épouse. Celle sur qui on peut toujours compter, celle avec qui on fait sa vie. Celle qu’on épouse, celle qui sera sans aucun doute la mère de nos enfants. C’est la femme, la meilleure amie réunies en une seule femme. En me lisant, vous pourriez croire que je suis tombée amoureuse c’est le cas d’ailleurs je crois que je vais le mettre dans le titre de l’article. Bref, les années ont passée et Joanna fait un peu moins d’efforts mais elle est toujours là, elle et son mur de Berlin. Et, avec elle, un quotidien, une routine bien menée quelquefois rompue par quelques soirées dans les quartiers chics de New York. Mais après 5 ans de mariage, Joanna commence à avoir des doutes sur la fidélité de son mari, Michael incarné par Samuel Worthington.
Ou bien c’est elle qui doute de tout. Elle le dit d’ailleurs à un moment du film » je doute de tout ». Il semblerait que ce n’est pas de son mariage qu’elle doute ou tout du moins pas que. Elle doute d’elle-même, de l’épouse qu’elle est et de la femme qu’elle est et qu’elle voudrait être sans parler de l’écrivain qu’elle voudrait être. Elle veut des preuves, être rassurée par son mari. Avoir la garantie qu’elle a fait le bon choix en le choisissant lui plutôt qu’un autre. Mais, rien n’est dit qu’elle l’aime plus qu’un autre justement. Elle s’est engagée sur le long terme comme si elle investissait sur un capital risque sans aucune garantie. Elle s’y tient parce que c’est rassurant, confortable et parce qu’au moins, elle réussira au moins une chose dans sa vie: son mariage à la mécanique bien rodée.
C’est donc un personnage très complexe, dualiste que nous offre la brillante Keira. D’ailleurs, elle est la révélation de ce film. Je dois l’avouer et le répéter, je suis tombée in love de son personnage et de son jeu d’actrice. De cette femme perdue, tiraillée entre son mariage et le grand amour de sa vie. Partagée entre le déjà vu et l’inconnu; et rongée par l’éternel doute, l’incertitude. Le risque n’est-il pas le synonyme de tout perdre? Elle est toujours en demande auprès de son mari mais ne fait jamais le premier pas. Quant à lui, il fait tout pour la rassurer et se rassurer lui. Se convaincre que sa femme est heureuse dans leur mariage; qu’il est quelqu’un de bien et un bon mari. Il essaie vraiment de faire les choses bien mais rien n’est facile pour lui non plus.
Sam Worthington qui l’incarne à l’écran, n’a pas une postule facile dans le récit. Il entre parfaitement dans la case du type qui trompe sa femme non sans remords. Cependant, au fil de l’histoire, on se rend compte que dans une certaine mesure c’est le plus honnête des quatre. A un moment du film, il dit à sa femme qu’il l’aime davantage qu’au début de leur mariage car ils se disent tout maintenant. Enfin, c’est ce qu’il croit et c’est qu’il dit mais lui même a l’air d’y croire. Du coup, on pourrait dire aussi qu’il est celui qui est le plus trompé. Plus que sa femme, il sait sans doute pourquoi il s’est marié. Plus important, il s’est marié certainement avec la seule femme avec qui il voulait le faire. Il aime l’idée d’une vie tout tracée avec Joanna; l’idée là aussi d’une vie sans surprise mais rassurante. Alors, pourquoi succombe t-il au charme de la caliente Eva Mendes? L’attraction, la nouveauté, le plaisir d’être courtisé surement. Et aussi, de ne plus être le héros d’avoir besoin de l’être.
Ce qui nous amène à la maitresse, Laura. Alors autant, j’ai trouvé Keira Knightley magnifique, lumineuse alors qu’elle était pas du tout maquillée et apprêtée autant j’ai trouvé Eva Mendes trop. D’ordinaire, je la trouve belle mais ici c’est un frein parce qu’elle a le mauvais rôle mais il n’y a pas que ça. Elle est trop sensuelle, trop dans le jeu de la séduction et du rentre dedans. J’ai trouvé que son personnage manquait de profondeur, de nuances. Pour une femme trompée par son petit ami et l’ayant perdu par la suite, j’aurai voulu de fragilité dans son regard et dans son corps. Ce n’est que le lendemain qu’on voit dans son regard au réveil, une sorte d’agressivité et de lassitude. Puis, dans le hall de l’hôtel, elle un regard désabusé celui qui dit: » j’ai été une fois de plus abandonnée ». Le spectateur serait presque tenté de lui dire que c’est bien fait pour elle mais son attitude est déstabilisante; et on sent cette souffrance, cette solitude qui faisaient défaut à son personnage depuis le début.
J’en viens au dernier personnage et pas des moindres celui de Guillaume Canet ( je suis tombée amoureuse de lui aussi) alias Alex dans le film. Contrairement à Eva Mendes et même Sam Worthington, il est sublime. Son duo avec Keira est d’un charisme fou, d’une alchimie rare au cinéma. A eux deux, il éclipse le reste du casting. D’ailleurs, les voir seulement tous les deux nous auraient suffi mais d’un autre côté, c’est aussi parfait comme ça. Dramatique mais parfait. Qu’y a t-il de pire si ce n’est aimer quelqu’un qui vous aime mais ne pas pouvoir être véritablement avec lui? Si ce n’est que quelques instants volés par-ci par-là durant 36 heures? C’est en cela le tragique de l’histoire de Joanna et d’Alex. Ne pas avoir su saisir la chance qui s’est présenté à eux auparavant. Et, de ne pas se sentir le droit aujourd’hui d’aller plus loin.
Contrairement à Joanna, Alex sait ce qu’il veut mais vouloir et avoir sont deux choses différentes. C’est d’ailleurs frustrant pour le spectateur car personne n’a ce qu’il veut et aucun n’est véritablement heureux. J’ai envie de croire qu’il y a bien plus entre Joanna et Alex que Joanna et Michael. Ça se voit, ça se sent parce que quand Joanna et Alex sont tous les deux, ils se réaniment. Ils se sourient, se touchent et se connaissent par cœur. On a des papillons au ventre pour eux rien qu’en les regardant. Y a aucun calcul, aucune mécanique, c’est d’instinct. Et, je ne pense pas que cette attraction ne soit uniquement le fruit d’un gout d’inachevé entre eux. Mais, je suis comme Joanna, je doute de tout. Peut-être que l’ami d’Alex, Truman a raison: ces instants volés sont les meilleurs. J’en doute encore et toujours; et j’en arrive toujours à la conclusion: connais toi même.
En couple ou marié, on attend toujours de l’autre qu’il nous guérisse, qu’il nous affranchisse de nos chaines, de nos blessures. On pense alors que tout sera plus simple, qu’on trouvera enfin notre place et la sécurité d’un foyer. Que l’un plus l’autre nous ne ferons qu’un. Sans penser une seule seconde que l’autre en face de nous a aussi son histoire et ses propres chaines. Non, l’autre n’a pas à être notre docteur, notre prince charmant. Du coup, peut-être qu’à partir de là, on peut se prévenir d’illusions, de projections et faire les bons choix face aux choses et aux êtres qui se présentent à nous. Je dis bien peut-être!
La fin a déçu plus d’un. De mon côté, je l’ai pas été j’ai été surprise. Ce final est à l’image de l’ensemble c’est-à-dire sans parti pris, sans jugement. De plus, chacun pourra voir ce qu’il a envie de voir même si je pense que l’issue laisse peu de place au doute. Last Night est un excellent film, subtil tout en finesse. Avec peu, il en dit pourtant beaucoup et superbement grâce à un casting étincelant. Le tout servi par une excellente BO dont l’excellent Not at home signé Clint Mansell :