Depuis la crise de 2008, la fragilité du contexte macroéconomique a des répercussions directes sur les résultats de l'ensemble des établissements financiers et en particulier, une augmentation significative du coût du risque pénalisant la marge d'exploitation. Un levier pour maîtriser le coût du risque consiste en l'utilisation efficiente d'une cellule de recouvrement, permettant d'agir en amont afin de diminuer les créances douteuses.
Le recouvrement est connu comme la démarche que réalise un créancier afin d'obtenir de son débiteur qu'il s'acquitte de la dette qu'il a contractée envers lui.
Les principales phases du processus de recouvrement peuvent être résumées dans le schéma suivant :
Il est préférable de recouvrer la créance le plus en amont de la chaîne de recouvrement, car l'espérance de recouvrement diminue, et les coûts engendrés augmentent, à mesure que l'on avance dans les différentes phases du processus.
Il existe différentes solutions pour recouvrer une créance. Les banques les priorisent en fonction du profil client, des montants en jeu, de leur éclatement (encours concentrés ou au contraire dispersés), et de la valeur actualisée des flux à recouvrer. L'arbre de décision suivant est un exemple simplifié permettant de choisir la solution de recouvrement à mettre en œuvre:
Etant une des clés de voute de l'amélioration des performances bancaires, la fonction de recouvrement doit continuellement être optimisée. Il est ainsi nécessaire de privilégier une approche globale portant sur l'ensemble des enjeux du recouvrement, afin d'arriver aux résultats attendus.
A/ La gestion des fonds propres réglementairesLa bonne gestion des fonds propres réglementaires nécessite de diffuser une culture risque au sein de l'établissement, et de diminuer au maximum la probabilité d'un défaut. Pour cela, les banques peuvent agir sur trois leviers qui sont complémentaires les uns des autres:
- Prévenir le risque de défaillance dès l'octroi : l'une des clés pour éviter un risque de défaillance est la mise en œuvre et le suivi d'une politique de crédit et de garanties adaptées au client. La bonne application des réglementations en cours (Loi Scrivener, Loi Lagarde) permet aussi de diminuer considérablement l'apparition d'incidents.
- Détecter les clients à risque avant la survenance d'incident : cette étape peut être réalisée en s'appuyant sur des modèles comportementaux permettant d'identifier et de suivre les clients à risque. Cetelem[3] développe cette méthode à travers la mise en place d'une plate-forme téléphonique pour les clients en difficulté. Ceux-ci sont repérés grâce à un algorithme qui analyse constamment les données clients et croise les changements de vie majeurs (naissance, divorce, passage à la retraite, etc.) avec les recours au crédit (importance, fréquence). Les clients identifiés sont alors contactés par des conseillers afin de proposer une solution en adéquation avec leurs besoins.
- Anticiper l'évolution du risque : une fois que le défaut de paiement est matérialisé, l'enjeu est alors de recouvrer rapidement la créance. Une revue détaillée des portefeuilles clients ayant présenté un défaut de paiement doit permettre d'identifier les dossiers sensibles, de les prendre en charge en priorité, et d'adapter la politique de recouvrement au client afin de trouver une solution satisfaisante pour la banque et le client. L'utilisation de modèles de type " chaînes de Markov " permet d'estimer les probabilités de passage d'une phase de recouvrement à une autre (de l'amiable au contentieux ou du contentieux vers le surendettement). Une analyse de ces données permet alors de détecter les dossiers ayant une forte probabilité de " changer " d'état et de les traiter en priorité.
L'optimisation de la fonction de recouvrement passe par la convergence des processus existants vers les meilleures pratiques, d'homogénéiser les traitements entre les différentes filiales d'un établissement, de détecter les éventuelles failles et de les corriger. Cela peut être réalisé à travers les étapes suivantes :
- Diagnostic de l'existant, en combinant des méthodes qualitatives, le DILO (Day In Life Of) par exemple, et quantitatives, l'auto-chronométrage.
- La première consiste à réaliser des sessions d'observation auprès d'un panel de collaborateurs représentatif des équipes afin d'identifier les éventuels dysfonctionnements, mais aussi les bonnes pratiques à mettre en avant et à généraliser.
- Sur la base d'un référentiel de tâches préalablement normé, la phase d'auto-chronométrage permet quant à elle des analyses statistiques et exploratoires des indicateurs d'activité à différents niveaux hiérarchiques (collaborateur, département, service...).
- Conception et mise en œuvre d'un plan de transformation : de la définition d'une structure de gouvernance adaptée, jusqu'à l'implémentation de processus cibles en phase avec les meilleures pratiques du marché.
- Conduite du changement auprès de l'ensemble des parties prenantes (management, commercial, amiable, contentieux, etc.).
Le chantier relatif à la relation client permet non seulement d'identifier et de traiter les signes précurseurs d'un futur défaut, mais permet aussi d'ajuster la politique commerciale et de maîtriser les risques d'image dans un contexte anxiogène. Pour cela, il est nécessaire de :
- Mobiliser l'écoute et l'analyse client sur l'ensemble des canaux disponibles (physique, téléphone, web) et intégrer les informations recueillis dans une segmentation interne,
- Utiliser des arbres de décision intégrant les profils clients et les coûts complets de la relation client, et permettant de rationaliser et uniformiser le processus de prise de décision,
- Accompagner le client dans la clôture de la relation permettant de limiter les sur-accidents pouvant résulter d'une telle clôture (dégradation de l'image).
Les principaux enjeux d'une fonction financièrement performante sont la maitrise des coûts internes ainsi que la mesure des coûts complets des créances exigibles.
Une analyse appropriée des coûts, par exemple via l'utilisation des méthodes ABC (Activity Based Costing) et ABM (Activity Based Management) combinées, permet ensuite d'améliorer la structure des frais en :
- Neutralisant les coûts cachés,
- Optimisant la stratégie d'achat et ajustant le ratio coûts fixes vs. coûts variables au regard de la complexité des dossiers,
- Anticipant les volumes d'activité permettant ainsi une meilleure gestion des ressources mobilisées.
L'activité de recouvrement ne peut être optimale que si elle dispose d'un pilotage transversal, proactif et efficace, qui puisse superviser le bon fonctionnement des chantiers précédents. Cela passe par :
- La conduite d'ateliers avec les différentes parties prenantes afin de prendre en compte leurs spécificités
- La définition et le suivi d'indicateurs de pilotage pertinents
- La mise en place d'une fonction de pilotage (processus de collecte des données et gouvernance) dont l'objectif est l'exploitation pertinente des tableaux de bords pour une amélioration continue de l'activité
En conclusion, le recours à un recouvrement efficient est actuellement une piste importante à explorer par les banques afin de maîtriser l'évolution de leur coût du risque. A noter que le recouvrement des créances n'évolue pas aussi rapidement que le coût du risque, et révèle certaines difficultés des banques à mener à bien les chantiers exposés. Seuls les acteurs les plus mûrs sont parvenus à une maîtrise avancée de l'ensemble de ces enjeux.
Sia Partners[1] : La loi Scrivener améliore l'information préalable du consommateur et renforce la protection de l'emprunteur, mais aussi des personnes s'étant porté caution.
[2] : La loi Lagarde renforce la protection et la responsabilisation du consommateur en imposant une communication claire sur les crédits. Elle assure également un traitement plus rapide du surendettement