Revue de livre par Michel Desgranges.
Que ce soit à l’école, à l’Université, dans les médias, les discours des quémandeurs de suffrages et autres penseurs ou philosophes salariés de M. État, le capitalisme est unanimement honni, et dénoncé comme responsable et coupable de tous les maux (inégalités atroces, famine dans le Berry et disparition du cloporte moucheté).
Le capital, lui, n’est que le résultat des ignobles brigandages commis par des individus cupides et fourbes au détriment du pauvre peuple.
Capitalisme et capital ne seraient-ils que des slogans destinés à discréditer et terroriser l’adversaire, comme racisme, sexisme, mormonophobie etc., mais créés avec quelque antériorité ?
Ou ces mots seraient-ils autre chose que des invectives, auraient-ils un sens concret, qu’il est possible de définir exactement ?
Si nous allions chercher à leur origine, regarder leurs premiers emplois ? C’est ce qu’a entrepris de faire M. Michel Leter dans L’invention du capitalisme, qui vient de paraître et est le premier tome de son vaste ouvrage intitulé Le Capital.
Docteur ès lettres, M. Leter a enseigné au Collège international de philosophie et à l’Institut d’études politiques, il est surtout l’un des hommes les plus authentiquement savants que j’aie jamais rencontré, et d’une science scrupuleuse ; il connaît la totalité des textes dont il utilise une citation, et leur contexte, et n’avance rien qu’il n’ait vérifié, et mis dans une juste perspective.
J’emprunte à la présentation de l’ouvrage le résultat de l’enquête (menée avec une rigueur digne d’Hérodote) de M. Leter :
« Cependant le grand paradoxe du capitalisme est qu’il n’a pas été forgé par ceux qui plaident la cause du capital, mais par ses ennemis. Michel Leter entreprend alors de traquer le capitalisme au cœur de la poétique collectiviste dont l’étude permet de comprendre que le capitalisme n’est pas un système économique mais un mythe qui a pour fonction d’imputer au libéralisme les maux causés par le socialisme. »
La démonstration de M. Leter, implacable, est une lecture indispensable (et fort plaisante, et très excitante pour l’intelligence) pour quiconque veut comprendre les idées qui fondent notre actuelle société.
Michel Leter, L’invention du capitalisme, Les Belles Lettres, janvier 2015, 412 pages.