Les manifestations contre un 3e mandat du président Nkurunziza ont
repris, lundi, au Burundi. Au moins une personne a été tuée par balle,
portant le bilan des victimes depuis le début des affrontements à au
moins sept morts.
C'est une nouvelle journée de manifestation qui a endeuillé le Burundi, lundi 4 mai. Après le refus du président Pierre Nkurunziza de renoncer à sa candidature pour un troisième mandat présidentiel,
ils étaient plusieurs milliers à battre le pavé de la capitale
burundaise. Au moins un manifestant a été tué, a constaté Thaïs Brouck,
l'envoyé spécial de France 24, lors de ces violents affrontements avec
la police, qui ont éclaté dans le quartier de Musaga, dans le sud de
Bujumbura.
Aux jets de pierre des manifestants, qui sont descendus dans la rue
dès ce matin, les policiers ont répondu par des tirs à balles réelles et
des gaz lacrymogènes. D’après le défenseur des droits de l'Homme Pierre
Claver Mbonimpa, figure de la société civile en pointe dans le
mouvement de contestation, un second manifestant a été tué par balle,
sans que des sources officielles ne puissent encore le confirmer. De
son côté, la Croix-Rouge a fait état de trois morts.
Ces nouvelles violences interviennent après une trêve de deux jours,
acceptée par le "Collectif contre le 3e mandat" pour "mieux
s'organiser" en vue de nouvelles protestations.
Déjà six morts et une centaine de blessés
La répression par la police avait déjà fait six morts et 66 blessés.
Samedi soir, le ministre de la Sécurité publique a annoncé un
durcissement de la répression et qualifié la contestation d'"entreprise
terroriste", après deux attentats meurtriers à la grenade visant la
police, vendredi soir.
Mais le ministre de la Défense, le général Gaciyubwenge, hésite
toujours à faire intervenir l’armée, réaffirmant sa neutralité. Depuis
le début du mouvement, l'armée s'interpose en effet régulièrement entre
la police et les manifestants pour éviter les dérapages. Les
protestataires considèrent que les soldats les protègent des abus des
policiers, acquis selon eux au Cndd-FDD, parti du président Nkurunziza.
Malgré cette position, dimanche soir, le chef d'état-major de l'armée
burundaise a garanti que les militaires resteraient loyaux aux
autorités du pays. La Force de défense nationale (FDN) "reste et restera
une armée républicaine, loyaliste et respectueuse des lois et
règlements du Burundi et de ceux qui la régissent", a affirmé le général
Prime Niyongabo.
Fracture au sein de l'armée
Ce débat autour de l’armée souligne la fracture entre ceux qui
veulent rester loyaux aux institutions et ceux qui se revendiquent
fidèles à l'accord d'Arusha - qui fonde une armée "non partisane", sur
fond de loyautés politiques héritées de la guerre civile (1993-2006) à
laquelle cet accord historique avait permis de mettre fin.
"Il y a des divergences assez sérieuses au sein de l'appareil
sécuritaire" qui "concernent la gestion de la crise dans son ensemble", a
expliqué le diplomate, soulignant que des opposants au troisième mandat
existaient au sein des forces de sécurité, armée comme police.
Candidature inconstitutionnelle
La contestation a éclaté le 26 avril, au lendemain de la désignation
de Nkurunziza par le Cndd-FDD pour être son candidat à la
présidentielle. Les opposants à cette candidature estiment qu'un nouveau
mandat du président Nkurunziza, élu en 2005 et réélu en 2010, serait
inconstitutionnel et contraire à l'accord d'Arusha qui limite leur
nombre à deux.
De son côté, le camp présidentiel assure que son premier mandat
(2005-2010), en tant que premier président post-transition élu par le
Parlement et non au suffrage direct, tombe sous le coup d'une
disposition particulière et n'entre pas en ligne de compte dans la
limitation.
Le secrétaire d'État américain, John Kerry, a réagi, lundi, depuis le
Kenya, où il effectuait une visite officielle. "Nous sommes
profondément préoccupés par la décision du président Pierre Nkurunziza,
qui va à l'encontre de la Constitution de ce pays", a-t-il déclaré
devant la presse.
La Cour constitutionnelle doit se prononcer dans les jours à venir
sur la validité d'un troisième mandat du président Nkurunziza, mais ceux
qui s'y opposent ont d'ores et déjà accusé les juges d'être aux ordres
du pouvoir en place et d'avoir été saisis uniquement pour valider la
candidature du chef de l'État.
Source : France24