Il y a plusieurs choses aujourd'hui qui me donnent envie de tracer quelques mots, vite.
L'air rouge et noir couleur cadavre, pestilentiel, de son enfance. Ellroy ce matin sur Inter, génialement fou et inintéressant au possible dans son propos consensuel d'américain opportuniste, la foi aux tripes d'un pélerin-charbonnier de Plymouth (Mass), ancré dans "la cité des anges" depuis 1940...Ellroy aux mille vies brisées, impossibles et ressuscitées. Pathétique.
Celui, saturé de peurs des femmes. Une femme, une amie indispensable, magnifiquement femme, qui me dit, hier..."une fille ça a tout le temps peur". Je lui parlais des FEMEN du premier mai du front de haine. Éjectées avec une violence inouïe. Quel courage ces filles, quel courage incroyable. Des mots contre tous les fanatismes, tous les fascismes, tous les absolutismes. Des mots nus écrits dans leurs chairs. Nus, comme leurs poitrines nues, vulnérables, fragiles, si fragiles, immenses aussi, immenses de courage. Des mots onguents contre toutes les peurs des femmes.
Et puis la découverte d'une finale de groupe de mots qui me ravit, qui m'extasie, qui me bouleverse, qui me chavire, qui me fait pleurer d'émotion. Extrait d'un livre d'Histoire. On a fait une BD de cette histoire. C'est l'histoire d'un vieil homme qui raconte sa vie. Il dit en fin : «En guerre, je n’étais qu’un soldat, ma vie n’avait aucune valeur. Un combat suffit, une balle, un éclat d’obus, et tout s’arrête. Ma place était à côté de ma famille, sur ces montagnes, où l’air sent si bon qu’on a envie d’en manger.»
Quelqu'un qui dit avec ses pauvres mots à lui, quelqu'un à qui on a pris la jeunesse, quelqu'un que la France a utilisé comme on utilise du "matériel", quelqu'un que l'on a porté en guerre, quelqu'un qui dit que chez lui - c'eut pu être en Corrèze, sur le Larzac, dans le Comminges, ailleurs, c'était dans le "canton" de Taza au Maroc français - quelqu'un qui disait que chez lui, dans les montagnes de Taza, entre Rif et Atlas, sous la majestueuse couronne perpétuellement enneigée de Jbel Bouiblane - là où était sa place - l'air sent si bon qu'on a envie d'en manger.
L'air sent si bon qu'on a envie d'en manger. Peut-être les plus beaux mots jamais lus de ma vie. Plus forts, ô combien plus forts que ceux rapportés par le psychisme tourmenté du grand James, que ceux exprimés par la violence du FN...
http://www.franceinter.fr/personne-james-ellroy