Jafar Panahi, condamné à résidence, emprisonné en 2010 et interdit de filmer décide de passer outre les injonctions faites à son égard par la dictature iranienne pour tourner un film depuis et uniquement à l’intérieur d’un taxi dont il devient le chauffeur improbable. Improbable à nos yeux mais aussi aux yeux de bon nombre de ses compatriotes le reconnaissant en entrant pour une course. La confusion commence aussi à ce niveau dans ce film entre fiction et documentaire ; clients ou comédiens ? Séquences volées ou répétées ? Après investigation, on comprend qu’il s’agit d’une fiction et non d’un documentaire ; les dialogues ont été écrits, maintes fois répétés. Par contre Panahi s’est beaucoup inspiré lors de l’écriture de ce qu’il a entendu lors des repérages et ses acteurs sont des non professionnels qui jouent leurs propres rôles… même sa nièce incarnant une jeunesse désinvolte laissant à penser que le changement de régime n’est pas loin et viendra bien de cette génération. Dans sa première partie, il enchaîne donc des scènes burlesques truculentes. Pas de manichéisme, mais par sa palette de personnage hauts en couleur, il fait passer énormément de message sur la société iranienne : la culture présente de partout sous forme clandestine (vendeurs de Cd ou de DVD à la sauvette par ex) ; le refus de la peine de mort et de la dénonciation de ses compatriotes aux abois ; les règles absurdes de production cinématographiques édictées par le régime ;… car il est beaucoup question de cinéma dans la seconde partie ; avec même la petite nièce qui prenant la caméra réalise un long plan séquence extérieur pas dénué d’intérêt et dénonciateur de l’absurdité de la loi islamique. L’Iran est donc reconstitué depuis un petit vase clos avec justesse et intelligence.Ours d’Or au dernier festival de Berlin ; Panahi se voit consacrer plus pour son engagement politique et son film courageux que pour la qualité cinématographique. 3 caméras fixes dans un taxi filment l’intérieur et l’extérieur ; travail conclu par un montage efficace. Mais ce dispositif simple n’est pas d’une grande richesse. Il faut se souvenir qu’en 2011 pour présenter un film clandestin à Cannes ; Panahi camoufla une clé USB contenant le film dans un gâteau !!! Le geste, intelligent et utile, est ici récompensé par Berlin. Une défense justifiée de la liberté d’expression par les occidentaux.A voir pour les amateurs de films témoins de leur époque.
Sorti en 2015