J’ai demandé à mon ami Denis Hamel – un poète que j’admire beaucoup – s’il voulait bien sélectionner un de ses poèmes pour que je le publie ici. Et j’ai eu la grande joie de recevoir son accord.
Le poème qui suit s’appelle 40 ans, bilan d’un homme seul et il est extrait d’un recueil inédit intitulé Le Festin de fumée, dont l’écriture s’est échelonnée du début des années 2000 jusqu’à ces toutes dernières années.
40 ans : bilan d’un homme seul
les racines de ton karma se roulent
autour de ce que tu es libre de faire
en ne le faisant pas et restant silencieux
à la table de travail faiblement éclairée
faiblement tu notes la mort des oiseaux
et la décomposition des amitiés qui perdurent
dont il ne restera que du sable
ta part de liberté tu l’as laissée fanée
sur les comptoirs des pharmacies tardives
entre ciel de coton et patte de velours
tu refuses à-demi de prendre part au festin
et ce refus porte le masque de l’abandon
les produits qui t’abîment et te rendent plus faible
font un habile vieillard de ton corps fatigué
mais les lampes orangées ne te quittent jamais
la nuit fraîche et lunaire dans le lointain du parc
la peur entièrement bue dans les ravins passés
tu sais que les dés sont jetés et jamais
ne laisseras plus tes ailes inexistantes
effleurer le souffle d’un autre continent
la gamme fleurit spiralée en modes orientaux
qu’égrènent le sitar dans les après-midi
mornes mondes rappelant l’avant de la parole
alors oui cette table travaillée de ta peine
est la seule compagne de ton front vacillant
et la persévérance des halos te sera plus heureuse
que le sourire sournois des filles des eaux
perdu dans une mémoire que tu ne comprends plus
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